Alexandra Borchio-Fontimp est sénatrice des Alpes-Maritimes, Conseillère départementale des Alpes-Maritimes, Vice-Présidente du CRT Côte d’Azur France et membre du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes.
Comment vous est venue votre engagement politique ?
Depuis mon enfance, j’ai toujours été curieuse et intéressée par la gestion de mon pays et l’actualité en générale. C’est la raison pour laquelle je me suis orientée vers des études de journalisme pour être au plus près de l’actualité, afin de pouvoir transmettre et partager l’information. En exerçant la profession de journaliste, j’ai côtoyé des responsables politiques. Ces différentes rencontres auprès de ces femmes et hommes politiques m’ont offert la chance de pouvoir m’engager pleinement en politique. On constate qu’il y a des journalistes qui deviennent politiques et vice-versa. Finalement, la barrière est assez étroite entre le journalisme et la politique parce qu’ils ont tous deux le souci d’informer, d’investiguer, de débattre, de prévenir, et de transmettre. Mon goût pour la politique est donc arrivé par le journalisme.
Pourquoi la droite ?
Certains rentrent en politique par les partis politiques, par le militantisme. Pour ma part, mon engagement s’est construit sur des rencontres, sur des convictions et actions véhiculées par ces responsables politiques. Ces femmes et ces hommes m’ont inspiré et m’ont donné envie de travailler avec eux. Je pense que lorsqu’on s’investit dans un métier au sein d’une entreprise, il y a la profession que l’on aime et puis il y a les compétences d’hommes et de femmes qui composent l’entreprise avec lesquelles on a envie de bâtir un projet. Lorsque j’ai commencé ma carrière de journaliste, j’ai été marquée par la rencontre avec le maire de Vallauris Golfe-Juan qui était de droite. J’ai aimé sa vision et ses valeurs que je partageais. Naturellement, par la suite, j’ai souhaité adhérer au parti politique, à l’époque l’UMP qui transmettait des valeurs qui me correspondait, celle du travail, du mérite, de l’éducation, de l’autorité. Je suis issue d’une famille de commerçants, une famille de travailleurs où les vacances n’existaient pas. La valeur travail était primordiale. J’ai donc été élevée dans ces valeurs que je retrouvais au sein de l’UMP, aujourd’hui Les Républicains. Ce qui m’engage avant tout, c’est d’abord le respect de l’autorité de l’Etat, de promouvoir le travail et les valeurs de la droite. On me dit souvent que j’ai le cœur à gauche car je suis très sensible à tous les sujets sociaux, mais au sein de la droite, nous avons toujours fait du social, et nous continuons de l‘être parce qu’elle fait partie de notre ADN, et je suis fière de pouvoir y contribuer modestement.
La France a subi le mouvement des gilets jaunes qui a mis en avant le rôle des femmes, est-ce que selon vous cela a également marqué la place des femmes en politique ?
La place des femmes dans la société en générale est assez récente, c’est une histoire contemporaine qui a commencé par le droit de vote puis d’autres évolutions comme le droit à l’avortement. Cela fait des milliers d’années que la femme a été mise complètement de côté et que depuis le XXème siècle, il y a eu une prise de conscience sur la place de la femme dans notre société. La femme dans la société, c’est la femme dans l’entreprise, c’est la femme au sein de son foyer, c’est la femme dans la politique. Ce sujet sur l’égalité femme-homme que l’on pourrait appeler aussi droit des femmes est devenu transpartisan. Dans notre famille politique, elle n’est pas encore assez ancrée mais elle est à l’ordre du jour. Du fait que je sois assez impliquée dans ce domaine-là, cela me permet de pouvoir aborder le sujet en toute clarté. Il y a quelques années, on parlait moins des féminicides qu’aujourd’hui, on voit que ce combat est transpartisan et qu’il y a un consensus pour faire évoluer le droit des femmes non seulement dans le domaine des violences conjugales mais aussi dans le monde de l’entreprise. Ce n’est pas normal qu’une femme à fonction égale soit moins payée qu’un homme, même si ces écarts sont en train de se réduire doucement, ils existent encore. Il faut essayer de déconstruire des stéréotypes qu’on pourrait coller aux femmes afin qu’elles puissent prendre toute leur place. Aujourd’hui au sein des foyers, on parle du congé paternité qui est une excellente évolution car elle tend vers une meilleure égalité. Cette évolution permet à la société de changer de mentalité, dans un pays un peu conservateur. Je ne vois pas en quoi il est surprenant ou dérangeant de voir un homme prendre des congés paternités pour s’occuper de son bébé. Il faut que chacun trouve sa place.
Qu’est-ce qu’être une femme en politique ?
Etant en minorité, être une femme en politique et pour se faire entendre, il faut accentuer le verbe ou réussir à prendre la parole. Même si, grâce à la loi sur la parité on arrive à être paritaire dans certaines assemblées, ce n’est malheureusement pas le cas partout. Nous souffrons encore de clichés. Lorsqu’on est jeune et que l’on fait de la politique, nous sommes moins crédibles dès le départ. Il faut donc travailler deux fois plus pour pouvoir être entendu, reconnu. Il faut constamment faire ses preuves. Les hommes vivent moins cette discrimination. Donc être une femme en politique c’est devoir s’engager et travailler en permanence sur ces dossiers pour pouvoir être entendue et reconnue par ces pairs. Être femme en politique c’est aussi oser prendre la parole et ne pas s’autocensurer. Il faut aussi réussir à combiner son mandat, sa vie professionnelle et sa vie de famille. Il est urgent de continuer à faire évoluer les mentalités afin de pouvoir confier des postes à responsabilités et encourager les femmes qui veulent s’engager en politique.
Quels sont vos combats pour la droite ?
C’est justement de pouvoir aborder ces sujets qui ne sont pas assez prégnants et de pouvoir valoriser ce qu’a toujours fait la droite. Les récents sondages sur les intentions de vote pour les élections présidentielles de 2022 parus au Monde le 5 avril sont préoccupants. Nous avons d’un côté la génération des 25-34 ans qui adhèrent au Rassemblement national et de l’autre côté la génération des 18-24 ans qui penchent pour Emmanuel Macron. Autrement dit, nous avons perdu les 18-34 ans au sein de notre famille politique et pourtant nous donnons énormément de place aux jeunes (Les jeunes Républicains) avec une présidence, une liste, des représentants départementaux ainsi qu’au sein des listes municipales ou des Conseils départementaux. Il faut que l’on se remette en question, il y a une faille qu’il faut corriger impérativement et je veux comprendre pourquoi nous les avons perdus et je souhaite travailler à les attirer au sein de notre famille. Il y a également le volet sur l’égalité femme/homme que je défends au quotidien et j’invite ma famille politique à en prendre conscience car on fait partie des plus mauvais élèves des partis politiques sur la parité. Enfin il y a le thème de la santé, où je pense que nous devons réformer son système. Ce sera une réforme qu’il faudra mener avec beaucoup de courage et beaucoup de force tellement le chantier est immense. Le prochain président de la République devra en faire la priorité de son quinquennat.
Une ou plusieurs femmes qui vous ont inspiré ?
Une femme que je n’ai pas eu la chance de connaître mais dont j’ai aimé et admiré son combat, c’est Simone Veil. Elle a eu un parcours chaotique et a réussi à rebondir en devenant la première femme présidente du parlement européen. Elle a défendu ses convictions avec courage pour réaliser cette loi sur l’avortement qui a été très controversée où elle a été menacée pendant des années. Elle a réussi à mener ce combat et à le gagner parce qu’elle croyait en elle et à l’intérêt général de cette avancée pour la société. Pour moi, c’est un modèle de femme guerrière qui a bravé tous les obstacles qu’on lui a mis volontairement sur le chemin et qui en est sortie victorieuse.
Ensuite, au niveau local, une femme qui m’inspire depuis de nombreuses années parce qu’elle incarne un modèle que j’admire c’est la Sénatrice Dominique Estrosi-Sassone, qui est dans mon département. C’est elle qui m’a proposé de la rejoindre sur la liste pour les élections sénatoriales de septembre 2020 et je l’ai vécue comme un double-honneur. Aujourd’hui je la vois en exercice au Sénat, je suis admirative de son travail et de son abnégation. C’est une femme avec beaucoup de convictions et de tempérament qui a su s’imposer dans le paysage politique pour défendre ses idées. Elle fait partie des personnalités qui m’inspirent, qui sont des modèles. Non pas pour les copier car chacun doit garder son identité pour exister mais pour tendre toujours vers ce modèle d’engagement.
Avez-vous été choquée par le port du voile d’une candidate LREM sur les affiches de campagne pour les départementales dans le canton de Montpellier ?
Personnellement, je condamne cette posture. Le Coran invite à la pudeur et à la modestie, comme de nombreuses religions, mais n’impose pas aux femmes de porter un voile. Lorsque l’on se présente à une élection nous n’avons pas à afficher nos préférences religieuses. Le port ostentatoire de signes religieux sur un document de campagne électorale n’a pas sa place. Notre ADN, c’est la laïcité. Mais certaines organisations musulmanes disent que la religion est au-dessus des lois et qu’on ne peut pas obliger de retirer le foulard ou le voile. C’est la marque d’un islam qui cherche, par sa visibilité, à occuper l’espace public.
Plus généralement, en tant qu’élue engagée sur la place des femmes dans notre société, le voile imposé aux femmes pour les distinguer et marquer leur infériorité me dérange. Le port du voile a une très longue histoire. Bien avant l’islam. Dans la culture romaine, le voile symbolisait l’autorité absolue qu’exerçait le mari sur son épouse.
Aujourd’hui heureusement, on n’en est plus là. Dommage que certaines religions continuent de promouvoir le port du voile comme signe de soumission de la femme.
Il y a tout juste trente ans, la France a eu une femme Premier ministre, Edith Cresson. A quand une femme présidente de la République ?
En 2022 ! A travers le monde on commence à avoir des présidentes, des Premières ministres, des gouverneures. Je pense que notre pays est prêt à faire confiance à une femme pour diriger la France. Dans un récent sondage, 71% des Français « estiment souhaitable qu’une femme soit élue présidente de la République d’ici 2030 ».
Onze femmes dirigent des pays européens. Quatre autres sont à la tête de pays asiatiques.
Il y a quelques régions et départements en France qui sont présidées par des femmes, ce qui ouvrent à un bel horizon. Le problème c’est d’arriver, pour une femme, jusqu’à se présenter à une élection présidentielle. Ce n’est pas un tirage au sort, c’est le fruit d’un long travail d’engagement. Il y a des étapes qui sont difficiles à gravir pour les femmes mais pas impossibles. Une femme présidente de la République française, cela serait pour notre pays un signe de modernité, d’ouverture et de reconnaissance de la place des femmes dans la politique.
Et si c’est notre prochain Président de la République est un homme, il faudra nommer une femme pour Première ministre.
J’ai été surprise du choix d’Emmanuel Macron de nommer deux hommes. Comment un pays peut-il admettre un pareil ostracisme, une sorte de machisme étatique qui empêcherait toute femme d’accéder à la plus haute des responsabilités ?
Comment un pays aussi éclairé que la France qui ne cesse de clamer au reste du monde son esprit d’ouverture et sa passion de l’égalitarisme continue à perpétuer un système de caste qui écarte du pouvoir toute personne dont la seule faute consisterait à être née de sexe féminin ?
Élire une Présidente de la République ou nommer une femme à Matignon relève de l’évidence afin d’ installer la France dans une vraie modernité et la débarrasser de son archaïsme machiste.
Propos recueillis par André Missonnier