Vous avez récemment écrit un ouvrage sur l’islamisme et les entreprises. Quel lien existe-t-il entre deux sujets qu’on ne rapproche pas souvent ?
Le lien se trouve par le fait que, depuis des années, avec mon collègue Leslie Shaw nous avions décidé de mener une enquête sur les Frères musulmans parce que l’on s’est rendu compte que cette organisation islamiste extrême, matrice de l’islamisme radical, se faisait passer pour des modérés en Europe et qu’ils ont infiltré tous les pans de la société : des partis de gauche ou d’extrême-gauche, en passant par les syndicats universitaires ou professionnels comme la RATP, le monde associatif, les clubs de sport et le CRNS… On s’est rendu compte qu’ils avaient des pions partout. L’on s’est aussi rendu compte qu’il n’était pas présent que dans les syndicats au niveau professionnel mais aussi dans les entreprises. On a notamment certains métiers particulièrement infiltrés comme le bâtiment ou alors les transports. On s’est dit que cela valait le coup d’écrire un livre sur l’entrisme des islamistes – des Frères musulmans en particulier – dans le monde de l’entreprise car c’est assez stupéfiant.
Nous parlons de quelle(s) forme(s) d’entreprise ? Ce phénomène se retrouve aussi dans des entreprises à dimension nationale ?
Ça va de la grande distribution à des petites sociétés du bâtiment ou de sécurité privée. On retrouve également des sociétés de transports. L’infiltration va même jusqu’à des multinationales comme Facebook dont le conseil de surveillance, chargé notamment de la censure, qui a recruté une militante des droits de l’Homme soi-disant « héroïne de la Révolution arabe » mais qui était en fait une des stars des Frères musulmans au niveau mondial et notamment au Yémen. Elle avait été modérateur dans le centre de censure de Facebook ! C’était elle qui disait si tel ou tel message était valable ou pas. C’est assez incroyable !
Il y a une infiltration absolument partout. On a eu récemment des scandales qui ont éclaté autour de l’infiltration d’institutions européennes avec la campagne du foulard financée par le contribuable européen qui provenait de milieux proches des Frères musulmans. Leur capacité à l’entrisme est extraordinaire ! J’ose dire que ça force même l’admiration… Nous avons donc voulu montrer que cette organisation avait infiltré énormément les milieux professionnels mais l’on n’en parle un peu moins que lorsque ce sont des milieux politiques.
La justice, par sa jurisprudence, a pu avoir un certain impact. Notamment sur la question du voile au travail. L’entreprise est devenue un lieu neutre où l’entrisme est possible par ces biais. Est-ce une défection coupable ou complètement involontaire de la part du juge ?
Il est certain qu’il y a des jurisprudences qui vont dans le bon sens comme la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui avait condamné la charia comme étant incompatible avec les valeurs occidentales et démocratiques. Mais on a aussi des jurisprudences qui sont moins favorables pour nous et donc plus favorable pour les islamistes… Mais souvent ce sont des cas individuels, ces décisions partent d’un cas précis. C’est en partant de ce cas précis qu’un juge – qui peut être d’un bord ou d’un autre – et qui peuvent donc conduire à des décisions plus ou moins laxistes. On ne peut pas répondre de manière affirmative. On a des jurisprudences qui vont dans le mauvais sens mais ce n’est pas toujours le cas. Il faut rester relativement mesuré. On parle souvent de celles qui nous choquent, mais il y a quand-même pas mal de juges qui ont délivré des décisions qui viennent renforcer le principe de laïcité.
Par contre, il est vrai que pour la question du voile islamique, la France est très isolée en Europe. Même les pays qui combattent l’islamisme radical comme l’Autriche sont moins durs sur la question du voile. La France est un pays qui a un plus grand problème avec le voile que tous les autres pays européens parce que la France a une tradition anticléricale. C’est pareil pour l’Italie qui ne fait pas du voile islamique un gros problème dès lors qu’il n’est pas intégrale. De l’extérieur, la France paraît comme un pays très anti-islamique car l’on parle souvent de l’affaire du voile. Derrière le voile il y a toute la partie immergée de l’iceberg qui est beaucoup plus importante et inquiétante.
Avec votre livre, on se rend compte qu’aucun secteur ne semble épargner par le développement d’un Islam radical en France. Ne sommes-nous pas déjà liés ? Comment resserrer cet étau ?
Je pense qu’il faut profiter d’un vent positif depuis quelques semaines. Il faut reconnaître que, quoique l’on pense d’Emmanuel Macron qui n’est pas lucide sur l’immigration, est étonnamment conscient du danger de l’islamisme. On a fait peu mais on n’a jamais fait autant. Macron fait mieux que Chirac, Sarkozy et Hollande réunis. Frapper au portefeuille les Frères musulmans comme c’est le cas depuis deux semaines avec un projet qui est encore plus ambitieux. Il a écouté les services de renseignement français qui depuis des années alertaient, mais aussi des commissions d’enquête, notamment l’une à laquelle j’ai eu l’honneur de participer sur la radicalisation terroriste dirigée par la sénatrice macroniste Delattre et la sénatrice LR Eustache-Brinio et réunit tous ceux qui luttent contre l’islamisme en France et cela avait conduit à la Loi sur le séparatisme islamique.
Pour vous répondre, depuis que l’on frappe au portefeuille les Frères musulmans, on est passé à un niveau supérieur par rapport à la loi sur le séparatisme qui comportait quelques bonnes idées avec le contrôle des imams notamment mais seuls quelques dizaines d’imams avaient été surveillés et quelques mosquées fermées. Je pense que si l’on profite de ce mouvement qui est assez ambitieux pour frapper au portefeuille les Frères musulmans, l’étape d’après qui aurait dû être faite avant est de criminaliser. Parce que j’ai quand-même peur qu’il y ait des annulations par le juge comme avec les fonds russes où certains ont réussi à récupérer leurs biens confisqués. Les Frères musulmans ont des légions d’avocats. Il faut mettre hors d’état de nuire en ne donnant pas le droit de cité aux Frères musulmans en général. Il faut la rendre illégale et c’est possible car leur idéologie incite à l’imposition de le charia à toute l’humanité dans une lecture radicale qui ne peut être qu’un système anti-démocratique, totalitaire et avec des sévices corporels et la peine de mort. C’est donc totalement contraire au système libéral des sociétés démocratiques. On a également beaucoup d’ouvrages de Frères musulmans qui parlent de tuer des Juifs, d’imposer l’infériorité des non-musulmans et des femmes avec un certain flirt avec l’antisémitisme, voire même le nazisme ! Sur les bases des lois qui existent en France et dans plusieurs pays occidentaux on pourrait totalement les criminaliser en prouvant qu’ils sont liés à des organisations terroristes que sont Al Qaïda ou le Hamas. On pourrait faire comme l’Autriche, le Paraguay, la Russie, les Émirats Arabes Unis ou l’Égypte qui ont interdit les Frères musulmans et leur idéologie. Pourquoi l’Occident ne pourrait pas faire pareil en ayant les bases légales nécessaires ? On pourrait interdire l’islamisme mais aussi les centrales islamistes et le salafisme en général.
Entretien réalisé par Théo Dutrieu