Bruno Retailleau est sénateur Les Républicains de Vendée, et Président du groupe UMP puis LR au Sénat depuis 6 ans. Il est depuis 2017, le Président de Force Républicaine, un mouvement politique qui cherche à participer à la rénovation du débat public.
Bonjour monsieur Retailleau, Emmanuel Macron a annoncé ses mesures en vue du projet pour lutter contre les séparatismes, ce plan va-t-il dans le bon sens ?
Depuis 3 ans Emmanuel Macron n’a cessé de repousser son discours sur le communautarisme. Malgré quelques bonnes propositions (que nous portons d’ailleurs depuis longtemps), les mesures qu’il a présentées vendredi dernier ne suffiront pas à vaincre l’islam politique. Emmanuel Macron ne va pas au fond des choses. Il égrène les conséquences du communautarisme islamiste sans s’intéresser aux causes, à commencer par la première : le laisser aller migratoire. Si nous nous ne reconduisons pas aux frontières les clandestins, si nous ne mettons pas un frein au regroupement familial, si nous ne modifions pas la loi pour expulser les étrangers qui ne respectent pas nos lois, nous ne gagnerons pas cette guerre contre le communautarisme islamiste. Car si dans bien des quartiers, les populations se séparent, c’est d’abord parce que les frontières que nous ne tenons plus se reconstituent sur le territoire national, élevant des murs selon les origines et les confessions. Et ce n’est pas en enseignant l’arabe à l’école, comme le veut le Président de la République, que nous briserons ces frontières communautaires, mais par l’apprentissage de notre langue, de notre histoire, de nos valeurs.
Pour lutter contre l’islam radical, il faut agir vite et fort si nous ne voulons pas nous retrouver submergés par la marée islamiste. Mettons fin à l’immigration galopante qui n’est pas maitrisée : c’est aussi ce qui permettra une meilleure assimilation.
Vous êtes opposés à un Islam de France, mais comment agir sur l’islamisme autrement ?
Je me suis toujours opposé à un islam de France. On a créé le Conseil National du Culte Musulman, est- ce que ça a empêché le terrorisme ? Non. Il est bien sûr naturel de discuter avec les représentants des cultes. Mais les Français n’attendent pas de l’Etat qu’il crée un Islam de France, ils attendent de lui qu’il combatte l’islamisme et renforce la laïcité. Ce n’est pas l’islam de France que nous devons opposer à l’islamisme, c’est la France, tout simplement ! La lutte contre l’islam radical requiert du courage. Je propose par exemple l’interdiction du voile islamique à l’université publique et lors des sorties scolaires, la transformation du port de la burqa en délit avec suppression des allocations familiales pour les récidivistes ou encore l’interdiction des listes communautaires aux élections. Emmanuel Macron continue de s’opposer à ces mesures dont certaines ont pourtant été votées par le Sénat !
Jean-Luc Mélenchon s’est réjoui d’une « créolisation » de la France, n’est-ce pas finalement, ce que vous dénoncez depuis tant d’années sur la montée du communautarisme ? La gauche admet- elle en substance l’existence de ce phénomène ?
Jean-Luc Mélenchon, c’est l’incarnation d’un reniement : il trahit Jaurès et Clemenceau en passant du républicanisme à l’indigénisme, du modèle unitaire qui est celui de la France à l’idéologie diversitaire, importée d’Amérique du Nord. Le virage communautariste de la France Insoumise est inquiétant. La vision de Jean Luc Mélenchon est celle d’une société multiculturelle, fragmentée en diverses communautés sans histoire, valeurs ou culture communes auxquelles se référer. Je pense tout l’inverse. Notre modèle républicain universaliste fait prévaloir ce que nous avons de commun sur nos différences. Ce modèle ne se décrète pas, il est le fruit de notre Histoire : pendant la Renaissance, Machiavel racontait la singularité des provinces françaises où « les habitudes et les mœurs se ressemblent » plus qu’en Italie. Diderot ne voyait quant à lui chez les Français « qu’un même esprit et qu’un même caractère. (…) Point de nation qui ressemble plus à une seule et même famille. » L’assimilation, contrairement à ce que dit Jean-Luc Mélenchon, ne met pas en cause « les autres dans leur identité profonde » mais permet de ne réduire personne à sa couleur de peau, à son origine ou à sa religion. Si avec l’intégration, la République ouvre des portes ; avec l’assimilation, la France ouvre ses bras. Nous ne devons pas seulement avoir la force de caractère pour faire respecter les lois de la République mais trouver aussi la force de cœur pour faire aimer la France.
Quels sont les facteurs qui ont entrainé la montée constante de la violence en France ? Que pensez-vous du terme « d’ensauvagement » ?
Gérard Collomb en quittant Beauvau avait mis en garde Emmanuel Macron : « aujourd’hui on vit côte à côte, je crains que demain on vive face à face ». Deux ans plus tard, alors que les chiffres de la délinquance, des coups et blessures volontaires ou encore des homicides ne cessent d’augmenter. Mais contre l’ultraviolence, ce ne sont pas des mots qu’il faut mais des actes. On n’éradiquera pas l’insécurité à coup de vocabulaire. Cependant, l’ensauvagement d’une partie de la société est une réalité. Notre société est de plus en plus fracturée et, si le mal vient de loin, le Gouvernement porte une part de responsabilité : lorsqu’Emmanuel Macron préfère distinguer les maliens, les italiens, les marocains dans ses discours plutôt que de s’adresser au peuple Français, quand il culpabilise la France… il dresse des frontières entre les Français et exacerbe les tensions.
Quel est votre point de vue sur la justice Française ? Doit-elle se situer plutôt vers la punition ou vers l’accompagnement ?
Notre justice manque de moyens, c’est vrai. L’un des prédécesseurs d’Éric Dupond-Moretti parlait de clochardisation de la justice. Nous manquons de greffiers, nous manquons de prisons. La surpopulation carcérale atteint 240% en Vendée ! Emmanuel Macron promettait 15 000 places de prison en 2017 ; il n’y en aura que 7 000 au plus en 2022 (sachant que sur ces 7 000 places de prison, seules 28% sont, à ce jour, effectivement en construction).
Mais la justice ne souffre pas seulement d’un manque de moyens. Les 8,2 milliards d’euros promis en 2021 ne suffiront pas. La justice est aussi trop souvent sous l’emprise de l’idéologie : celle qui victimise les coupables et oppose répression et prévention ; mais la meilleure des préventions, c’est la répression au premier délit ! La politique hollandaise et celle mise en place aux États-Unis dans les années 1990 nous le prouvent : la répression des petits délits est la meilleure prévention des grands crimes.
Des citoyens en ont marre, et dénoncent la justice laxiste, c’est le cas des chemises blanches ou du groupe Stras défense qui décident d’agir pour protéger la population. Comment expliquer qu’une partie de la population se retire du contrat social avec son Etat ?
Quand la justice ne rend plus justice au nom du peuple Français, le risque c’est que le peuple se fasse justice lui-même. Il faut à tout prix éviter l’avènement de ces comportements individuels qui mènerait à l’affrontement et présentent un vrai danger pour la Nation.
La nature humaine a horreur du vide : lorsque l’État n’assure plus ses missions les plus élémentaires comme la protection de ses citoyens, d’autres s’en chargent à sa place. Le régalien est véritablement l’angle mort du macronisme.
Si vous êtes élu Président de la République, quelle sera votre première mesure en matière de sécurité ?
Je supprimerai le rappel à la loi. Quand la loi est violée, elle n’a pas à être rappelée, elle doit être appliquée. On se souvient du maire adjoint du Cotentin frappé de plusieurs coups dans le dos cet été. L’agresseur a été remis en liberté avec un simple rappel à la loi. Finissons-en avec cette politique laxiste où l’impunité règne ; elle désespère nos forces de l’ordre et bafoue l’autorité de l’État. Cessons de victimiser les coupables et de culpabiliser les victimes. Notre société a besoin d’ordre et d’une réponse pénale efficace et adaptée pour endiguer la violence.
Propos recueillis par Paul Gallard
Bonjour, et bien c’est pour quand tout ce qui est dit?
Courage, nous vous suivrons et serons nombreux!!!
Précisons que l’arrêt GISTI intervient en 1978, et aucun gouvernement n’a osé passer outre, malgré les rodomontades pré-electorales. Preuve en est la plate- forme commune RPR-UDF , et les États généraux sur l’immigration, à Villepinte en 1990. Simple affichage destiné à contrer, vainement, la montée du FN.
Il faut préciser que le Regroupement Familial a une histoire résumée par François d’Orcival dans son éditorial du 14 juin 2018 dans VA:
« Un décret daté du 29 avril 1976, signé par VGE et son Premier ministre
J. Chirac, précisa que les immigrés travaillant sur notre sol pourraient faire venir leurs familles. Ce texte avait été pris sur de très bonnes intentions, la stabilité, la sécurité et l’intégration des familles d’immigrés. Et puis, à l’époque, on pensait moins aux ouvriers maghrébins que portugais. Très vite, on s’aperçut de l’appel d’air, les services sociaux furent débordés. R. Barre, devenu Premier ministre, prit, en accord un nouveau décret, le 10 novembre 1977, à l’effet de suspendre certaines dispositions du précédent. Mais l’arrêt GISTI du 8 décembre 1978, du Conseil d’Etat affirma le droit pour les immigrés à une vie familiale normale. »
A l’occasion de la venue des migrants, même la Scandinavie a remarquée la corrélation entre les chiffres de l’immigration et de l’insécurité.
– La France face au défi de l’immigration. Le Figaro enquête, hors-série numéro 14H, hiver 2020, en kiosque.