(Entretien) Bruno Retailleau, « Rien ne changera à droite si on ne change pas LR de fond en comble »
(Entretien) Bruno Retailleau, « Rien ne changera à droite si on ne change pas LR de fond en comble »

(Entretien) Bruno Retailleau, « Rien ne changera à droite si on ne change pas LR de fond en comble »

Bruno Retailleau est Président du groupe Les Républicains au Sénat et candidat à l’élection qui élira le nouveau Président des Républicains.

Les Républicains n’ont pas su convaincre suffisamment pour l’emporter lors des dernières élections nationales, malgré des succès lors des élections locales. De quoi cette désaffection dit-elle le nom ?

Notre problème principal, c’est la crédibilité : les Français ne nous croient plus. Et ils ne croient plus parce que la droite a trop déçu. Pendant des années, elle a brouillé sa ligne, dilué ses convictions. Moi je n’ai pas la droite honteuse : depuis longtemps déjà, je dis que sur la sécurité, l’immigration ou la dépense publique, la droite doit assumer ses idées. Mais sans tomber dans la facilité des slogans. Car pour être crédibles, critiquer les autres ne suffira pas : nous devons proposer aux Français un vrai projet de société. Bien sûr la droite, c’est plus de sécurité et moins d’impôts. Mais des sujets radicalement nouveaux sont en train d’émerger. Un seul exemple : que disons-nous sur le pouvoir des GAFAM ou les risques immenses liés au métaverse ? C’est une question qui appelle des réponses de droite, parce que la droite, c’est la liberté, c’est la souveraineté ; et que c’est au nom de ces principes que nous devons résister à cet empire de la technique qui prend le contrôle de nos vies. La droite doit répondre aux préoccupations nouvelles et donc investir des champs nouveaux, en faisant un véritable effort intellectuel. Nous ne cessons de prôner la valeur travail : et bien travaillons !

En décembre prochain, l’élection pour la présidence du parti Les Républicains aura lieu. Vous vous êtes récemment déclaré candidat à cette élection. Quelles sont les priorités que vous souhaitez mettre en avant dans le cadre de celle-ci ?

Je veux refonder un nouveau parti pour reconstruire une vraie droite. Un nouveau parti parce que nous devons donner une preuve aux Français que nous sommes capables de nous réinventer. Et parce qu’un parti, c’est à la fois ce qui donne l’impulsion et donne forme à une vision. Rien ne changera à droite si on ne change pas LR de fond en comble, avec de nouvelles idées, de nouvelles pratiques, de nouveaux talents aussi. Je suis fier d’ailleurs d’être soutenu par deux figures talentueuses de la génération montante : Othman Nasrou, qui est mon directeur de campagne chargé des opérations, et François Xavier Bellamy, délégué général en charge de la refondation. Ils partagent avec moi cette double exigence de liberté et de transmission, cette conviction qu’être de droite, c’est reprendre à son compte les mots de Disraeli : « réformer ce qu’il faut, conserver ce qui vaut ». Car je veux une vraie droite, qui refuse la fausse droite d’Emmanuel Macron, et qui ne se perde plus dans de fausses querelles. J’entends parler de droite sociale, de droite libérale, de droite forte ou populaire. Je me méfie des qualificatifs : qualifier la droite, c’est souvent la disqualifier. Car chacun sait très bien ce qu’être de droite veut dire : c’est d’abord imposer l’ordre, à nos frontières, dans la rue et dans les comptes ; c’est aussi défendre la prospérité et la dignité des citoyens, par la liberté d’entreprendre, le travail ou la solidarité nationale pour ceux qui la méritent vraiment ; c’est enfin transmettre un héritage français, la grandeur de notre civilisation, à travers l’école, la famille et notre modèle d’Etat-Nation.

Récemment, dans un grand entretien avec Le Figaro, vous avez pris position pour la refondation du parti et avez émis la volonté de bâtir, avec les militants, une grande formation de droite, populaire et patriote. Pouvez-vous nous dresser les contours de cet éventuel futur parti ?

D’abord, Les Républicains doivent s’appliquer à eux-mêmes les principes qu’ils prônent pour la société. Car c’est cela aussi la crédibilité. On ne peut pas se réclamer du général de Gaulle, de l’homme de la participation, du référendum, et ne pas faire participer les adhérents à la vie de notre mouvement. Je ne veux pas d’un parti dans lequel on se contente de donner aux adhérents une pile de tracts à distribuer : je veux qu’on leur donne une voix pour décider, un bulletin pour trancher, par le référendum interne. Car on parle beaucoup de la fracture démocratique entre les décideurs et les citoyens, mais cette fracture passe aussi au cœur de notre mouvement. Je propose donc que les militants puissent participer à la désignation de nos candidats aux élections, trancher les grandes décisions, proposer de nouvelles idées, en faisant un large usage du numérique notamment. Pour nous donner un nouvel élan, redonnons la parole aux militants. Nous leur devons car ils ont tenu dans l’adversité. Dès 2017, lorsque François Fillon était dans la tourmente, les militants sont restés à nos côtés. Je ne l’oublie pas. Les associer davantage, c’est se donner l’assurance que quoi qu’il advienne, le courage sera au rendez-vous.

Élu Président des Républicains, quelle serait votre première décision et/ou première mesure ?

D’appeler les autres candidats, pour les féliciter et les associer. Car le premier devoir d’un chef, c’est de fédérer. Je ne suis pas candidat pour rétrécir la droite mais pour la réunir.

Dans l’entretien avec Le Figaro précité, vous avez insisté sur l’importance de la maîtrise de notre destin et de la souveraineté. D’ailleurs, les 3 et 4 septembre derniers, en même temps que le campus de rentrée des Jeunes Républicains, les universités de Front Populaire se sont tenues, à Uzès. Partagez-vous des constats de Michel ONFRAY sur les enjeux de souveraineté ?

Oui. Et d’autant plus que j’avais refusé de voter le traité de Lisbonne. Je considérais en effet qu’il reniait la parole du peuple souverain, exprimée lors du référendum de 2005. Je crois qu’aux sources du malheur français, il y a une profonde blessure à la souveraineté populaire. Les Français se sentent dépossédés de leur propre destin, par des juridictions nommées et non élues, par le retour en force d’un certain fédéralisme aussi. Car ce sentiment de dépossession, Emmanuel Macron le renforce lorsqu’il prône la souveraineté européenne. Depuis la Révolution française, la souveraineté réside dans le peuple ; or il n’y a pas, que je sache, de peuple européen. Bien sûr, face aux nouvelles poussées impérialistes, les nations européennes doivent serrer les rangs, défendre ensemble cette somme de principes, d’héritages et d’intérêts qui les lient. Mais ne nous leurrons pas : ce qu’un peuple ne fait pas pour lui-même, personne ne le fera à sa place. Cette vérité, nous en faisons la douloureuse expérience aujourd’hui : parce qu’Emmanuel Macron a sabordé le nucléaire, pour satisfaire les écologistes mais également complaire aux Allemands, la France en est réduite à quémander de l’électricité auprès de ses partenaires étrangers. 

Dans « Refondation », écrit en 2019, vous finissez en beauté avec une conclusion plaidant pour une politique de civilisation. Pour couronner cette interview, pouvez-vous, pour les lecteurs de Droite de Demain, revenir sur cette expression ?

Une politique de civilisation, c’est une politique qui ne se réduit pas à la seule dimension matérielle de la vie d’un peuple. Aujourd’hui, les Français se sentent autant menacés dans leur niveau de vie que dans leur mode de vie. Parce que partout, dans les programmes scolaires, les relations entre les hommes et les femmes, et même jusque dans nos assiettes puisque certains s’en prennent désormais aux barbecues, la déconstruction est à l’œuvre. Et elle vient d’entrer en force au Parlement avec la NUPES. Nous devons être intransigeants face aux délires du wokisme et de l’islamo-gauchisme, de cette extrême gauche qui est en train de saper tous les fondements de la civilisation française.

Propos recueillis par Romain Lemoigne

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