Entretien avec Emmanuelle Gave, avocate et directrice exécutive de l’Institut des libertés
Bonjour Emmanuelle Gave, pouvez-vous nous présenter l’Institut des libertés ?
Bonjour et merci pour cet entretien. L’institut des Libertés est né en 2012, du constat que le monde des idées, en France, semblait ne plus rien comprendre à la chose économique en dehors du Keynésianisme d’état pas plus qu’il ne comprenait quelque chose (surtout depuis le départ du très regretté Jean-François Revel) à ce que que pouvait être un libéral conservatisme pensé en bonne intelligence.
D’abord par notre site internet www.institutdeslibertes.org puis par des vidéos d’entretiens et des vidéos éducatives disponibles sur notre chaine Youtube :
https://www.youtube.com/c/InstitutdesLibertésIDL
Nous tentons de créer une communauté et d’interagir afin de servir nos convictions.
L’idée n’est pas de transmettre un catéchisme mais de donner des éléments afin que chacun puisse se faire sa propre opinion et ainsi, agir et voter en conséquence.
Posons le problème d’entrée : tant que nous avons l’Euro, nous est-il possible de résoudre la question de la dette ?
Nous sommes à 2 700 milliards de dette. Le poids de l’etat est de plus de 60% du PIB (alors qu’en Suisse qui n’est pas réputé pour son manque d’infrastructure, ce taux est à 31%). Dans un mécanisme traditionnel de gestion de la dette, deux axes existent. Le premier qui est évident est bien sûr de faire des économies et de se servir de ces économies pour rembourser. Ceci voudrait dire donc deux choses : 1/ Que l’état arrête de dépenser plus qu’il ne perçoit comme impôt chaque année et que 2/ qu’il se refrène dans son train de vie et arrive à thésauriser suffisamment. On se prend à rêver n’est-ce pas ?
Autre possibilité qu’offrirait une sortie de l’euro par la capacité qui nous serait alors rendue de gestion autonome de notre monnaie par la Banque de France : une dévaluation.
Alors, je sais d’expérience que toute l’ancienne école depuis le Franc Pinay voit dans l’idée d’un franc fort la panacée universelle. Or, une monnaie n’a pas à être artificiellement ceci ou cela ; Elle n’est que le reflet de la confiance et de votre tissu entrepreneurial.
Une reprise souveraine de notre franc permettrait de relancer la compétitivité de nos entreprises comme l’Asie le fit dans les années 90 et conjointement, nous permettrait de refinancer notre dette par la lex monetae en devise nationale.
Pour rester sur ce sujet, pourquoi nos « élites » voient-ils la dette comme un dogme indépassable ? Un pays souverain (et donc un gouvernement souverain) doit pouvoir battre monnaie…
A la sortie des pourparlers autour de l’euro, Mitterrand avait eu ces mots « J’ai cloué la main de l’Allemagne sur la table des négociations ». Il est certain que pour une raison qui m’échappera toujours, nos élites ont eu à cœur de créer par cet Euro un nouveau Deutschemark et tant pis d’après eux si la productivité française, italienne ou espagnole était sacrifiées au passage, nous trouverions bien à nous réformer.
Des années plus tard, des réformes, il n’y en a pas eu en revanche, des changements de règles par la BCE qui aujourd’hui finance la gabegie de sa politique monétaire par la planche à billet, créant une inflation comme jamais dans l’histoire, cela oui, j’en suis consciente.
Oui, il est évident qu’un pays doit pouvoir battre monnaie et que par ailleurs il n’a jamais existé dans l’histoire de monnaie qui ne soit pas adossée à un État Nation et L’Europe n’est pas un État Nation. L’Europe est une civilisation composée d’agrégats avec des nations aux identités et souverainetés différentes.
Une chose demeure cependant sure pour l’ensemble : mieux vaut faciliter le paiement des dettes par un retour aux monnaies nationales et à la croissance que de précipiter les États vers un défaut généralisé́, ce vers quoi nous allons inéluctablement aujourd’hui. Être payé en monnaie nationale ou ne pas être payé du tout, telle est la question…
En quoi l’Euro contraint nos efforts de production ?
Les entreprises françaises sont beaucoup moins rentables que les entreprises allemandes et ont donc moins de fonds propres. En cas de ralentissement, elles sont donc plus vulnérables, et comme leur manque de fonds propres perdure, le tissu industriel et commercial français ne cesse de se fragiliser. Ce qui fait que chaque ralentissement est plus douloureux que le précèdent.
La réalité́ est qu’il est impossible pour des pays aussi hétérogènes, tant en termes de structure que de modèle économique, d’avoir des taux similaires : l’Italie du Nord finance à fonds perdus l’Italie du Sud. C’est le prix à payer pour que la nation italienne existe. Mais cela ne peut exister si l’Italie a un taux de change fixe avec l’Allemagne. Il y a une contradiction essentielle entre la survie de la nation et l’existence de l’euro. Ou l’euro disparait ou la volonté́ de vivre ensemble… les deux sont incompatibles l’un avec l’autre.
L’Etat semble de plus en plus imposant et pèse sur notre économie, réduisant ainsi la compétitivité de nos entreprises. Un véritable changement de paradigme économique est-il possible ?
Une chose est certaine : cela imposera un choix courageux raison pour laquelle cette décision ne pourra pas être prise par un homme politique classique.
Oui, la France dispose de ressources humaines et intellectuelles incroyables comme l’histoire nous l’a à chaque fois démontré. En revanche, le temps presse et nous n’avons plus la coquetterie de pouvoir attendre. Nous devons marquer l’histoire, maintenant et oui, je crois que nous avons les ressources pour inverser la tendance.
Enfin, pour vous, quelle devrait être la France de demain ?
La France de demain est nécessairement la France que j’aimerai laisser à mes enfants. Je pense que l’État doit être fortement recentré et fortement doté dans ses missions régaliennes à quoi j’ajoute l’éducation qui est moribonde ainsi que les hôpitaux.
Nous devons absolument faire un audit des dépenses de l’État, sérieusement et trancher dans le millefeuille territorial, les communautés de communes et toutes ces bêtises qui coutent un pognon de dingue et n’apportent aucun service de proximité réel aux français. Je suis pour ma part, pour un certain girondisme et une responsabilisation à la plus petite echelle possible en région. On doit pouvoir parler à la personne responsable des prises de décisions et la sanctionner en fonction, tout l’inverse de l’UE actuelle. Revenir à une saine notion de subsidiarité dans notre rapport à l’Europe par ailleurs.
Enfin, pour conclure, revenir à ce que pensait le général de Gaulle, dans ses mémoires d’espoir « Je me suis toujours fait une certaine idée de la France ». Avoir aussi une certaine idée de la France et se comporter soit même partout et tout le temps, avec cette idée chevillée au corps.
Propos recueillis par Guillaume Pot