Eric Pauget est gérant d’entreprise et député Les Républicains des Alpes-Maritimes
Finalement, la présence importante d’Eric Ciotti dans cette campagne présidentielle de Valérie Pécresse risque-t-elle de lui porter préjudice ou au contraire lui apporter un certain électorat ?
Éric Ciotti occupe la place qu’il mérite. Il l’a gagnée à la force de ses poignets. J’ai toujours considéré que Valérie Pécresse était la candidature avec le spectre le plus large : il fallait parler à cet électorat parti chez Emmanuel Macron (environ 20 % des fillonistes) et ne pas oublier la part de notre électorat qui peut être séduit par un Éric Zemmour ou par le Rassemblement National sur le côté régalien. Éric Ciotti a su parler à cette base militante. Sa candidature a été salvatrice ces derniers mois car elle correspond à l’entrer en campagne d’Éric Zemmour. S’il n’était pas là, Éric Zemmour serait beaucoup plus haut, et Éric Ciotti nous a permis de conserver une partie de notre base militante. Il faut qu’il continue de nous aider. Ce ticket Pécresse/Ciotti est parfait pour notre famille politique et nous fera gagner, j’en suis certain. Au bout de la campagne, la notion de responsabilité va s’imposer et les différentes sensibilités de la droite vont converger sur un élément : cinq ans de macronisme en plus seraientdévastateurs. En ce sens, Valérie Pécresse est la seule capable de battre Emmanuel Macron.
Quelles sont les propositions de Valérie Pécresse qui ont le plus de sens à vos yeux ?
J’ai toujours défendu le fait que dans l’image que peuvent avoir les Français des candidats, Valérie Pécresse souffre d’un déficit d’image et de communication par rapport au fait qu’elle est assimilée au centrisme et à un côté modéré. Ses opposants tentent de lui apposer le tampon « macron-compatible ». Sur le régalien, elle n’a rien à envier à personne, elle demeure très stricte en la matière. Elle fut l’une des premières à établir un lien entre immigration incontrôlée et délinquance. Elle a toujours été ferme sur les valeurs de la République, sur l’identité et la laïcité. Elle est exemplaire sur ces sujets, on le voit très bien dans son action régionale. Quand on me demande quelles sont les différences entre ÉricCiotti et Valérie Pécresse, il n’est que dans la sémantique : Éric Ciotti propose un Guantanamo à la Française, Valérie Pécresse souhaite la mise en place de la détention de sûreté. Dans l’intention et l’exercice politique, c’est la même chose mais la sémantique est différente ; l’un tape fort, l’autre est dans le juridique. Quand elle pense politique, elle le traduit dans la faisabilité juridique, c’est plus ciselé, plus précis.Valérie Pécresse considère que si l’abstention est en hausse,c’est parce que les politiques ont promis trop de choses et ont eu du mal à les mettre en œuvre. A contrario, si elle propose des solutions, c’est pour les appliquer : la dame de « faire ».
Valérie Pécresse souhaite réunir l’ensemble de la droite en faisant d’Éric Ciotti son Charles Pasqua. Concrètement,quelles mesures souhaite-t-elle reprendre du projet d’Éric Ciotti ?
Pour reprendre la thématique régalienne, 90 % des propositions d’Éric Ciotti étaient également défendues par Valérie Pécresse, exprimées de manière différente. Il voulait supprimer par exemple le droit du sol, alors qu’elle considère que c’est une part importante de nos valeurs républicaines mais qu’il faut l’adapter à certains territoires. La proximité de ce duo s’était déjà fait remarquer lors du premier déplacement de Valérie Pécresse, alors candidate au Congrès. Elle avait souhaité se rendre à la frontière franco-italienne à Menton pour évoquer les questions d’immigration. Là où Éric Ciotti s’est démarqué lors de la campagne du Congrès, c’est sur les droits de successions et de donations. Il souhaite supprimer cet impôt, elle préfère exonérer 95 % des successions. L’idée sera de trouver un consensus, notamment en mixant les trois paramètres de cet impôt – durée, taux, montant de l’abattement, et on pourra arriver à une baisse massive de celui-ci. J’ai animé une conférence récemment sur les droits de succession, et j’aimerais apporter des propositions sur le droit de partage. Quand a lieu une succession, on paye jusqu’à 45 % en fonction de sa tranche, mais on oublie souvent les droits de partage qui sont de l’ordre des 2 % et qui sont purement une taxe d’enregistrement. Je me bats pour supprimer cette taxe.
La France va connaître un événement phare en 2024 : les Jeux Olympiques. Emmanuel Macron n’a pas eu de politique sportive, il a même déclassé le ministère du Sport. Quelle sera la politique de Valérie Pécresse en matière sportive ?
Le slogan de Valérie Pécresse : retrouver la fierté française. Pour la retrouver, le sport a toute sa place. J’étais adjoint au sport d’Antibes, ville reconnue pour ses champions sportifs. A quel moment vibre-t-on à ce point devant une Marseillaise et la levée de drapeau ? C’est devant une victoire sportive. A travers le sport, c’est la connexion de toute une nation qui vibre à l’unisson. Le sport est l’une des dernières compétences décentralisées, et nous devons nous interroger sur l’efficience de la distribution des moyens. L’Etat a toute sa place sur certains sujets liés au sport : radicalisation, féminisation, communautarisme. Cet aspect régalien de l’Etat vis-à-vis du mouvement sportif doit être revu. Nous devons repenser lemillefeuille administratif, notamment sur les compétences sportives entre collectivités. Le sport est un élément structurant du lien national et de notre stratégie d’influence internationale. Je n’ai jamais autant vibré que devant les exploits olympiques de l’antibois Alain Bernard. Cet été, Quiquampoix est médaillé d’or en pistolet, je l’ai suivi tard dans la nuit et quel bonheur de le voir gagner ! C’est universel.
Fabien Roussel a subi les ravages du wokisme en ayant voulu défendre l’art de vivre à la française. Existe-t-il un délitement de notre culture française ?
J’ai clairement pris position cet été contre l’écriture inclusive ! Un des vers dans le fruit de la déconstruction de notre histoire et, par ruissellement, de notre culture, c’est l’écriture inclusive. En septembre, j’ai voulu alerter le Président de la République. J’ai écrit une lettre au Président en tant que député, tout en inclusif. Dans le milieu universitaire, il existe une tendance de fond qui se bat pour l’intégrer petit à petit. Je suis désolé mais « iel est belleau », je ne l’accepte pas ! Une part de nos jeunes a des problèmes dans l’apprentissage des fondamentaux, la lecture et l’écriture, qui sont un pilier de l’intégration à la française. Vouloir fracturer ce fondement par l’écriture inclusive est le pire des maux. Malheureusement, on ne s’attarde pas assez sur cet élément, car il est moins visible qu’un déboulonnage de statue ou qu’une manifestation violente, et pourtant c’est pernicieux : cela touche une certaine élite intellectuelle qui cautionne et tranquillement nous détricote. L’environnement intellectuel et certaines ramifications politiques de gauche sont clairement des catalyseurs de l’extension de cette écriture. Pour résister à cette déconstruction idéologique, Valérie Pécresse doit être très ferme, de la même manière qu’elle doit l’être sur les sujets d’islamisme, de communautarisme ou de sécurité.
Qu’est-ce que la droite peut faire pour enrayer ce phénomène ?
Sur ce sujet de défense de notre identité face aux attaques du wokisme, pourquoi ne pas créer une laïcité de la déconstruction ? Pour empêcher l’irruption du fait religieux, nous avons inventé le concept de laïcité qui est très franco-français. Elle fonctionne parfaitement : je respecte tes croyances et je considère que les lois de la République sont supérieures à celles religieuses. C’était un élément de déconstruction de l’époque avec des guerres de religion et des frontières trop poreuses entre l’église et l’Etat. Ainsi, en reprenant les éléments de laïcité, on peut considérer que l’utilisation de l’inclusif est autorisée chez soi, mais sera prohibée dans des lieux publics. Face à cette déconstruction, nous devons apporter une réponse conceptuelle.
Sur la fracture sociale, ce quinquennat pourrait être rebaptisé « la présidence de la fracture ». Est-ce un énorme chantier qui attend Valérie Pécresse ? Comment recoudre ces déchirures ?
Au tout début du mandat, j’avais rappelé d’où venait Emmanuel Macron : c’est un banquier d’entreprises de la finance internationale. Il est pétri du modèle anglo-saxon : une vision communautariste pour laquelle une nation est un ensemble de communautés additionnées et distinctes les unes des autres. On est loin de la vision républicaine de la France : un citoyen est intégré au sein des valeurs républicaines, quelle que soit son origine. On comprend à travers cette vision pourquoi le gouvernement a tant voulu fracturer les Français. Lorsqu’il met le feu à la population populaire par la hausse des taxes sur l’essence, qui provoque l’apparition des Gilets Jaunes, il traite l’ensemble Gilet Jaune sans penser au pays dans sa globalité. Quand il a affaire à la pandémie et que 80 % des personnes sont vaccinées, il souhaite emmerder les non-vaccinés. Il préfère stigmatiser un pan de nos concitoyens afin de faire avancer le reste ; cette conception dans laquelle il entretient les fractures sociales est dangereuse. Un des chantiers majeurs est d’arriver à rétablir la conception d’une nation française comme un bloc et ce, quelle que soit son origine ou son niveau social. Nous devons recoudre les Français les uns avec les autres.
Valérie Pécresse présidente, mais quelle présidente ?
Nous n’aurons pas le choix : il faut une présidence du « faire ». Valérie Pécresse le dit très bien, il n’y a pas que la conquête politique : il y a surtout l’exercice du pouvoir politique. Quelques grands thèmes sont très préparés avec des textes solides. Quand elle dit quelque chose, elle l’imagine à tous les niveaux juridiques et politiques. Dès qu’elle sera élue, vous pouvez être sûr qu’ils seront mis en place dans les mois qui suivent. Si les actes ne suivent pas, cela peut avoir une vraie incidence pour le futur avec une défiance poussée à son paroxysme. Il faut rompre avec la politique macroniste, qui est d’être plus dans la séduction que dans la conviction. Faire, c’est un moyen de réconcilier les Français de tous bords avec la politique. Nous ne pouvons et ne devons pas redécevoir les Français !
Propos recueillis par Alexia Blick, Alexandre Saradjian et Paul Gallard pour Droite de Demain.
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