(Entretien) Fiona Idda (UNI) « Le gouvernement est passé à côté de la question étudiante »
(Entretien) Fiona Idda (UNI) « Le gouvernement est passé à côté de la question étudiante »

(Entretien) Fiona Idda (UNI) « Le gouvernement est passé à côté de la question étudiante »

Fiona Idda est délégué national de l’UNI (Union nationale interuniversitaire).

Le #EtudiantsFantomes enfle sur les réseaux sociaux, le gouvernement a-t-il failli dans sa gestion des étudiants durant la crise sanitaire ?

Oui, le gouvernement est complètement passé à côté de la question étudiante depuis le début de la crise. Nous avons d’abord eu une ministre silencieuse qui a laissé les étudiants et les universités livrés à eux-mêmes sans aucun cadrage national pour les examens en mai. Dès la fermeture des universités, l’UNI a demandé au gouvernement de prendre immédiatement des dispositions pour assurer une rentrée de septembre en présentiel et surtout s’organiser au mieux pour que les cours soient dispensés sans altérer la qualité de la formation. Nous avons aussi demandé à ce que tout soit fait pour que l’ensemble des examens se tiennent en présentiel, c’était plus que nécessaire pour ne pas brader les diplômes. Finalement, nous sommes arrivés en septembre, avec des universités qui faisaient de leur mieux, des étudiants dans le flou total et un ministère toujours aux abonnés absents. Lorsque le deuxième confinement a été annoncé nous avons davantage pris conscience de l’impréparation du gouvernement et du manque d’intérêt porté à la communauté universitaire. Ce sont les drames que nous avons connus dans la communauté étudiante qui ont poussé le Gouvernement à réagir timidement.  

Les dernières mesures annoncées par Frédérique Vidal sont-elles à la hauteur ?

Non, les annonces de Frédérique Vidal ne sont pas du tout à la hauteur. Il y a un retour progressif des étudiants en première année depuis le 25 janvier par demi-groupes pour les travaux dirigés, mais comment ne pas penser à tous les autres étudiants tout aussi touchés par la crise et à deux doigts d’abandonner leurs études ? Encore une fois, ces décisions sont prises depuis Paris et ne prennent pas en compte le ressenti des présidents d’université. Certains assurent qu’ils peuvent accueillir 50% de leurs étudiants en respectant les gestes barrières. Il y a une incompréhension totale de la part des étudiants notamment lorsqu’ils voient les collégiens et lycéens aller en cours. Et quand on entend Madame Vidal dire que le risque c’est le bonbon qui traîne sur la table dans un amphithéâtre, on comprend une fois de plus que nous sommes face à une ministre complètement déconnectée de la réalité du terrain. Le gouvernement nous avait déjà annoncé un retour pour les étudiants « qui en avaient le plus besoin » par groupe de 10, mesure complètement démagogique, laissant les établissement choisir des étudiants qui semblent en grandes difficultés alors que c’est tous les étudiants qui ont besoin de retrouver le chemin de l’université.

Il y a depuis les annonces du Président des mesures tout autant insuffisantes. Avec le repas à un euro pour tous le midi et le soir, mais la réalité c’est que tous les étudiants ne pourront pas en profiter car ils ne sont pas tous à proximité d’un restaurant universitaire en plus du fait qu’ils ne sont pas tous ouverts. Ensuite, le Président a annoncé le retour des étudiants en cours une fois par semaine mais c’est toujours bien en dessous des attentes des étudiants qui font face à une succession de mesurettes prises à la petite semaine et qui n’arrangent en rien leur situation. Sans parler des chèques-psy qui sont encore un plan de communication du gouvernement qui n’a toujours pas compris que les étudiants veulent un amphi et pas un psy !

L’UNI organise des maraudes et collectes alimentaires dans de nombreuses villes, pouvez-vous nous faire un retour sur ces actions ? La droite étudiante prouve-t-elle que ce type d’action n’est pas l’apanage de la gauche ?

Il y a eu une vraie demande de la part des étudiants dans ce sens. Nous avons remarqué que pour de nombreuses distributions organisées par d’autres organismes il fallait présenter un justificatif de bourse ou autre. Or, les choses ont énormément changé depuis le premier confinement et la population étudiante se retrouvant avec des difficultés pour remplir leurs placards a augmenté. Nous faisons face à des étudiants issus de la classe moyenne dont les parents ne peuvent plus les aider parce qu’eux-mêmes sont touchés de plein fouet par la crise. Il y a aussi des étudiants qui ont perdu leur emploi et nous ne pouvons pas rester sans rien faire. Des collectes sont donc organisées par nos sections dans toute la France avec une cinquantaine de distributions et environ 10 000 colis alimentaires distribués.

Ce qui nous alarme particulièrement en dehors des problèmes financiers, c’est l’isolement des étudiants. Certains nous disent que c’était la première fois qu’ils parlent à quelqu’un depuis une semaine, qu’ils sont démoralisés, qu’ils n’ont juste plus envie et qu’ils se sentent très seuls. Les distributions alimentaires sont donc l’occasion de les aider à se nourrir correctement et d’échanger avec eux.

A aucun moment la question de la solidarité ne s’est posée. Dès qu’il y a eu une demande nous nous sommes organisés pour apporter notre aide aux étudiants. Cette solidarité comme beaucoup d’autres sujets d’ailleurs, n’est pas l’apanage de la gauche comme elle voudrait nous le faire croire.

Précarité étudiante : comment améliorer la situation ?

Il y a plusieurs choses à revoir. Tout d’abord une refonte complète du système de bourse avec une suppression des effets de seuils qui privent de bourse des étudiants de la classe moyenne qui n’ont pas les moyens de subvenir à leur besoin. Cette réforme amène certes plus de monde à toucher une bourse mais il faut évidemment contrôler de façon plus efficace l’assiduité pour que justement ces bourses soient pour les étudiants qui se donnent les moyens de réussir en travaillant dur.

Il y a ensuite le maintien des APL, c’est pour certains étudiants la seule aide pour pouvoir aller étudier dans une ville autre que celle de leurs parents il faut donc les préserver.

Enfin, dans un contexte où les étudiants ne peuvent pas se restaurer à bas coût partout et de la même manière sur l’ensemble du territoire national, aggravé par la crise liée au covid 19, l’UNI propose la mise en place d’un ticket restaurant étudiant basé sur le modèle de celui des salariés. Cette inégalité est accrue par la crise que nous vivons actuellement : certains Crous mettent des aides en place pour les étudiants suite à la fermeture des restaurants universitaires, mais ces mesures ne sont pas suffisantes tant elles ne touchent pas un grand nombre d’étudiants. Ainsi, afin de donner de la liberté et du pouvoir d’achat à l’ensemble des étudiants de notre pays, mais également afin de soutenir nos commerçants et restaurateurs plus que jamais en péril, nous appelons vivement le Gouvernement à mettre en place ce système. C’est une mesure responsabilisante, juste, équitable mais aussi et surtout nécessaire face à la précarité étudiante grandissante dans la crise que nous subissons.

Les cours ont été en distanciel et continuent de l’être, quelles seront les conséquences d’un tel système pour l’Université du futur ?

Pour l’heure le constat est évident : les universités n’ont pas été préparées à l’organisation de ces cours à distance. Les étudiants et les professeurs en sont les victimes quotidiennes, et nous l’avons vu durant les dernières semaines : des cours en visio annulés et remplacés par des PDF à lire et étudier seul, des travaux dirigés qui perdent tout leur sens avec des groupes de 200 étudiants, etc.

L’enseignement a donc perdu en qualité et nous ne sommes qu’au commencement du phénomène, si le gouvernement ne réagit pas très vite.

Les étudiants vivent mal ce système : le décrochage est massif, car ils ne retrouvent pas le goût d’apprendre auprès de leurs professeurs qu’ils pouvaient avoir dans un amphi. Les étudiants se sentent toujours plus isolés et on assiste à l’émergence de cette génération distancielle. Un jeune de 20 ans n’a pas vocation à suivre ses cours seul derrière son écran dans son 9m carré.

Enfin, c’est la valeur du diplôme qui est en jeu. Il faut savoir que près de la moitié des étudiants ne trouvent pas d’emploi 6 mois après l’obtention du diplôme. L’enjeu n’est donc pas seulement à l’université mais également sur le terrain de l’emploi.

Ce mode de l’enseignement à distance est un réel frein à l’excellence de nos formations et à l’épanouissement de la jeunesse, il faut donc un retour dans les universités pour l’ensemble des étudiants le plus rapidement possible

Au niveau des examens en ligne, quelle place pour le mérite et le travail ?

On sait que la triche a explosé avec les examens en ligne et ceux qui travaillent et sont profondément méritants sont mis dans le même sac que ceux qui font passer leurs examens par quelqu’un d’autre, partagent leurs devoirs à plusieurs etc. Alors qu’une grande partie des étudiants continuent de travailler dur, c’est une certitude que le doute persistera sur des examens en ligne sans surveillance. Heureusement, des universités ont pris conscience de ce risque et ont organisé des examens en présentiel, remettant le mérite et le travail au cœur du diplôme.

Des mesures comme le « 10 pour tous », portées par les associations de gauche tueraient définitivement nos diplômes et leur crédibilité sur le marché du travail.

Nous demandons à ce que l’ensemble des examens se tiennent en présentiel pour ce second semestre afin que le travail soit récompensé et que le doute ne soit plus permis concernant la valeur de nos diplômes !

La crise sanitaire a dégradé l’insertion professionnelle pour les étudiants, quelles sont vos propositions ?

L’insertion professionnelle a toujours été un enjeu majeur pour nous. Un jeune fait des études pour acquérir un diplôme et décrocher un métier. Bien que cela puisse paraitre évident pour beaucoup, l’UNI a dû batailler pendant près de 40 ans pour que l’objectif « d’insertion professionnelle » de l’enseignement supérieur soit inscrit noir sur blanc dans le code de l’éducation.

Encore aujourd’hui, la différence du taux d’insertion professionnelle entre écoles et universités est trop grande. L’UNI plaide depuis toujours pour un rapprochement entre les entreprises et nos universités, inciter et favoriser les stages, professionnaliser nos cursus.

La crise n’a pas arrangé les choses. Sur l’année 2020, seuls près de 55% des diplômés bac +5 ont trouvé un emploi, selon une étude menée par Syntec Conseil.

Propos recueillis par Paul Gallard pour Droite de demain.

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