(Entretien) Florent Grau (DirCab), « Le mérite n’a pas disparu de la vie politique française »
(Entretien) Florent Grau (DirCab), « Le mérite n’a pas disparu de la vie politique française »

(Entretien) Florent Grau (DirCab), « Le mérite n’a pas disparu de la vie politique française »

Florent Grau est directeur de cabinet de Pascale Bories, ancienne sénatrice, Maire de Villeneuve-lès-Avignon et conseillère départementale du Gard.

Bonjour Florent Grau, notre modèle républicain garanti-t-il actuellement sa fonction d’ascenseur social ?

Le modèle républicain est censé promouvoir la liberté, l’égalité et la fraternité. L’école, institution essentielle a, depuis la fin du XIXème siècle, le rôle de donner à chaque enfant, d’où qu’il vienne, les mêmes armes. Le rôle initial de l’école est donc d’apprendre à penser librement pour donner à chacun les mêmes chances de réussir, et ce quelle que soit notre origine sociale.

Aujourd’hui, le constat est implacable : si de plus en plus de jeunes se retrouvent diplômés, la faiblesse de la qualité des diplômes qui en découle empêche inévitablement l’ascenseur social de fonctionner. A force de vouloir donner la même chose à tout le monde, on en oublie que le marché du travail n’est pas extensible, d’autant plus lorsque l’on coupe l’herbe sous le pied des entrepreneurs avec un système fiscal injuste.

Les inégalités à l’école s’accentuent toujours plus, l’école n’est-elle plus à la hauteur des enjeux ?

L’école actuelle est très loin du modèle qui était celui d’il y a cinquante ou soixante ans. Les idéologies gauchiste et progressiste ont gangréné une institution qui doit être le pilier de la société dans laquelle nous vivons. Lorsque nous regardons notre école républicaine aujourd’hui, il est difficile de croire que c’est la même qui a permis à Albert Camus de devenir prix Nobel de littérature.

De l’égalité noble, donnant à chacun les mêmes chances de réussir et qui faisait fonctionner l’ascenseur social, nous sommes passés à un égalitarisme idéologique qui refuse la réussite, refuse par définition la liberté.

Sciences Po a décidé de renoncer aux concours, le BAC est dévalorisé et risque de passer en continu, pourtant le concours n’est-il pas concrètement le symbole de la République ? Cela ne risque pas de toucher au principe d’égalité ?

C’est affligeant et c’est la plus triste illustration de ce que la pensée gauchiste veut faire de l’école. En pensant permettre à tous de réussir en ne sélectionnant plus sur les mérites individuels, l’école et l’enseignement supérieur en viennent à se faire les terreaux d’un égalitarisme dangereux, où tout le monde pourrait avoir n’importe quel diplôme, sans pour autant avoir le niveau.

Cet égalitarisme a pour but direct – nous le voyons sur le marché de l’emploi et lors des sélections en Masters – de mettre en place de façon perverse une sélection par l’échec. Notre société n’apprend plus à penser mais bien à être aseptisé. Hannah Arendt avait pointé du doigt ces dérives dès les années 1960, en mettant en garde dans son ouvrage « La crise de la culture » nos sociétés occidentales sur la nécessité d’allier liberté et autorité. Elle alertait sur le risque de soumettre les populations à la tyrannie de la majorité en ne les éduquant pas à penser par elles-mêmes.

Personne ne doit se démarquer, tout le monde doit penser la même chose, là est l’idéal progressiste et il rappelle trop nettement les idéologies totalitaires du siècle dernier. 

Aujourd’hui, c’est une minorité qui fait rejaillir les idéologies progressistes et égalitaristes sur l’ensemble des étudiants, en considérant que tout leur est dû et que l’effort est un gros mot, que le mérite est une insulte. C’est tout bonnement insupportable.

Vous étiez responsable de section et élu dans divers conseils de faculté avec l’UNI, quel était le but de cet engagement ? Quelle vision de l’université défendiez-vous ?

Depuis petit, j’ai toujours aimé connaître l’organisation des sociétés, toujours voulu voir comment les régimes politiques fonctionnaient. M’engager au sein de l’UNI m’a paru naturel d’autant plus que l’année où j’y ai adhéré, c’est l’année où nous nous battions pour le retour des bourses au mérite, supprimées par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault à l’été 2014.

La bourse au mérite, c’était 160 euros par mois alloués aux étudiants – déjà boursiers – qui avaient eu la mention très bien au bac. Elle portait bien son nom et c’est la raison pour laquelle la gauche a souhaité revenir dessus. Récompenser le mérite est pour ces idéologues du progressisme tout bonnement insupportable. Pourtant, c’est bien pour venir aider les moins aisés, les plus méritants, que cette bourse existe ; elle est encore une fois versée sous conditions de ressources. Certains pensent que le communisme a disparu avec l’URSS, je vous garantis qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans une faculté de lettres.

Pour nous, à l’UNI, l’université doit permettre aux étudiants de devenir libres, c’est-à-dire de leur permettre de se forger leur propre opinion afin d’avoir les armes nécessaires à leur insertion sur le marché du travail, ce qui est la finalité normale lorsque l’on fait des études.

Pour vous, le mérite a-t-il disparu de la vie politique française ?

Le mérite n’a pas disparu de la vie politique française, mais le mérite est devenu un gros mot. Il va à l’encontre de l’idéologie égalitariste. Défendre le mérite est quelque chose dont les politiques de droite devraient plus se saisir, ça devrait être un étendard.

A votre niveau – directeur de cabinet – comment souhaitez-vous agir sur ces notions ?

Au niveau communal, il y a plusieurs leviers d’actions pour aider au mieux les plus fragiles voulant s’en sortir. Nous nous faisons un point d’honneur à soutenir les associations qui cherchent à rétablir l’équité entre les enfants. Nous avons également, lors de ce début de mandat, mis en place des ateliers d’aide aux devoirs et de remise à niveau pour nos écoliers rencontrant le plus de difficultés. C’est un des rôles de l’école et des pouvoirs publics : Rétablir l’équité !

Après mon bac et avant de commencer mes études de droit, j’avais effectué un service civique dans un des quartiers les plus défavorisés d’Avignon. C’est là que j’ai pris conscience que je voulais faire de la politique et lutter contre les idées reçues colportées par des pourris gâtés, enfants de soixante-huitards qui n’ont jamais côtoyé la misère.

Durant ces six mois, j’aidais des élèves du CP au CM2 d’une école classée ZEP. Sur les trente élèves que nous aidions, certains ne parlaient pas français et avaient de réelles difficultés dans les devoirs. J’ai été touchés par certains de ces gamins qui laissaient transparaître dans leurs yeux l’envie de réussir alors qu’ils baignaient au sein d’un quartier touché par le chômage et par la misère où il était plus facile de gagner sa vie en vendant du shit que d’aller chercher un travail.

Des endroits comme ça, il y en a partout en France, et la République a désertée.

En quoi l’ascenseur social et le mérite sont-ils essentiels dans une politique de Droite ?

L’ascenseur social et le mérite ne peuvent exister sans la liberté, qui doit être la première des valeurs de la droite. La liberté c’est permettre à chacun de s’épanouir, d’entreprendre et de réussir. L’école doit avoir ce rôle d’ascenseur social pour permettre à chacun de s’élever dans la société et de pouvoir avoir les armes permettant de réaliser ses ambitions et aspirations.

La réussite ne doit plus être un gros mot, le mérite doit redevenir à la mode, ce n’est que comme ça que la société retrouvera le goût de l’effort et, surtout, une cohésion nationale qui nous manque tant aujourd’hui.

Quelle est votre vision de la droite de demain ?

Aujourd’hui, on a l’impression que la droite n’a plus de cap, qu’elle est bloquée entre Emmanuel Macron et Marine le Pen. Cela est dû à un manque de courage, à une lâcheté. Ce que la droite disait dans les années 1990, ce que le général de Gaulle défendait dans les années 1960, c’est aujourd’hui vilain, une aberration, presque du fachisme.

Le chiffon rouge utilisé par les gauchistes et les progressistes réussi pleinement ce pourquoi il a été employé : Il fait taire les politiques de notre camp, il les compromet pour rester dans le « politiquement correct ». La politique du « en même temps » n’est plus possible.

Comment cautionner que certains candidats ayant pactisé avec En marche durant les dernières municipales puissent encore se dire de Droite ? Ceux qui n’ont pas été punis dans les urnes comme c’est le cas à Lyon, Bordeaux ou Strasbourg ont échappé de peu à la correctionnelle, comme à Toulouse. Une absence de colonne vertébrale en politique, à un moment ça se paye.

La droite de demain devra s’assumer, promouvoir la liberté en libérant les talents, en permettant à ceux qui le souhaitent d’entreprendre sans subir de punition fiscale. La droite de demain devra permettre aux collectivités territoriales d’avoir une liberté d’action sans être asphyxiées par le millefeuille administratif et un Etat obèse. La droite de demain devra également, et avant tout, être sociale. Elle devra permettre l’ascenseur social, donner l’envie et les moyens de réussir aux nouvelles générations. Cette Droite devra soutenir les plus fragiles tout en arrêtant d’assister et de dénaturer notre système social ; les tirer vers le haut. Nous devrons défendre le travail et l’esprit de responsabilité face à ceux qui pensent que tout est dû sans efforts.

Propos recueillis par Paul Gallard

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