Gilles Platret est maire de Chalon-sur-Saône et président du groupe d’opposition au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.
Le fondamentalisme islamique est-il déjà trop étendu sur notre territoire pour être combattu efficacement ?
On a perdu beaucoup de temps car nous ne voulions pas voir ce qui était à l’œuvre. Le mal est désormais répandu et profondément ancré. En tant que responsable politique, je ne crois pas qu’il soit trop tard, mais il est certain que nous avons bien tardé. La racine du problème vient de la sécularisation de la société française : énormément de nos compatriotes ont oublié ce qu’est la force de la foi. Derrière chaque croyant, il y a une aspiration profonde qui est vraie pour tous les individus. Je distingue toujours islam et islamisme. L’islam est une foi, une croyance, contrairement à l’islamisme qui est une gangrène politique ; cet islamisme est en train de s’emparer progressivement de l’islam de France. L’islam de France est malade de l’islamisme. Nous ne sommes pas contre les croyants mais pour autant, nous n’avons pas su percevoir l’aspect politique que cherchaient à imposer les idéologies salafistes et fréristes. Le mal s’est imposé aussi dans la jeune génération ; c’est un sujet d’inquiétude. De nombreuses enquêtes démontrent que 2/3 des jeunes musulmans de moins de 25 ans considèrent que la loi religieuse est supérieure aux lois de la République. Nous ne combattons pas l’islam en tant que tel mais bien cette poussée politique dangereuse pour notre survie. Il est grand temps d’agir !
Que pensez-vous du terme islamo-droitiste qui fait tant l’actualité ?
Je me méfie de ce qu’on met derrière cette notion. Dans le déchirement des droites, je vois l’utilité politique d’employer ce terme. Si l’on place dans cette notion des élus de la droite ou du centre droit, qui se sont fourvoyés en draguant des communautés à des fin électoralistes entrainant une montée du séparatisme, alors effectivement c’est une réalité. Autant d’élus de droite comme d’élus de gauche ont eu recours à ce type de pratiques peu recommandables. Cela étant dit, je fais une grande différence entre une forme d’islamodroitisme et l’islamogauchisme car ce n’est pas la même finalité. La gauche a théorisé le soutien à l’islam en substitution de la classe ouvrière. C’était la stratégie de Terra Nova, reprise par Jean-Luc Mélenchon ou des membres du parti socialiste ; ces élus sont totalement perdus pour notre République car ils sont prêts à toutes les contorsions pour se faire réélire. Dire que durant des siècles la gauche a bouffé du curé, alors qu’aujourd’hui, elle est prête à défendre le voile comme liberté religieuse… C’est une véritable théorie politique faisant de l’islam une arme de reconquête politique ; ça n’existe heureusement pas à droite. La droite vis-à-vis de l’islamisme a beaucoup de recul et il ne faut pas l’associer à quelques stratégies personnelles. Parler d’islamodroitisme c’est avaliser le fait qu’il existerait une stratégie politique derrière ces bassesses. Ce serait aberrant de l’affirmer !
Quelles mesures prendre pour enrayer ce communautarisme ?
Dans le cadre des travaux menés par l’Association des maires de France sur la loi séparatisme, que j’ai menés en collaboration avec Mickael Delafosse, nous avons proposé que les élus qui ont fait de la propagande électorale dans des lieux de culte puissent être déclarés inéligibles. Ces propositions n’avaient pas été reprises dans la loi mais l’AMF avait accepté de les faire siennes. Il faut interdire deux idéologies dangereuses pour notre pays : le salafisme et le frérisme. Quand on considère qu’une idéologie est dangereuse pour notre liberté, il faut la prohiber ! Je pose aussi la question de l’interdiction du voile islamique dans l’espace public. A partir du moment où l’on considère que cet objet est un moyen d’asservissement de la femme à la volonté de son mari, car elle est censée cacher ses cheveux puisqu’elle appartient à son père puis son mari, il devient un objet politique et non-seulement religieux ; le voile froisse notre conception française de la liberté. Ce n’est pas simple juridiquement de l’interdire mais il faut trouver une solution juridique.
Après cinq années au pouvoir, Emmanuel Macron a-t-il réussi à limiter l’essor du communautarisme dans notre pays ?
Absolument pas ! Je suis prêt à reconnaître qu’il n’est pas responsable de tout. Qu’a apporté cette loi mise à part le financement des lieux de culte ? En tant que maire j’avais expérimenté le contrat d’engagement républicain : pour toute subvention de la mairie que vous touchez, vous vous engagez à respecter les valeurs républicaines. On sait très bien que c’est insuffisant car les associations qui souhaitent faire de la ramification ne demandent pas de subventions publiques. Le texte est plein de bonnes intentions mais a ouvert une boîte de Pandore : le contrôle d’une religion par l’Etat. J’étais contre le fait d’organiser un forum des imams car c’est un moyen pour l’Etat de réguler une religion. La République française ne reconnaît aucune religion. M. Macron a fait de beaux discours sur l’islamisme mais très peu d’actes.
Gérald Darmanin se vante d’un bilan positif en matière de sécurité, est-il dans le déni ou dans la réalité ?
Gérald Darmanin est dans le déni, mais plus grave encore, dans une forme d’arrogance quand on vient à lui mettre sous les yeux son bilan en matière de sécurité. Selon un sondage d’Elabe, la situation en matière de sécurité s’est aggravée sous Emmanuel Macron pour 2/3 des Français. Vous ne ferez pas croire aux Français qui vivent la réalité de notre pays que le bilan de M. Darmanin, et de facto celui d’Emmanuel Macron, est bon. Il y a une augmentation des faits de violence. Je ne lui impute pas toute la responsabilité de cette hausse dans la mesure où elle augmente parallèlement aux restrictions des libertés qui peuvent créer un sentiment de frustration. Pour le reste, nous avons un véritable problème et notamment concernant les moyens donnés à nos policiers. Les budgets ont augmenté mais la présence sur le terrain non. Ils sont également mal équipés ; c’est un enjeu matériel. Nicolas Sarkozy avait bien senti cette problématique : il avait certes baissé les effectifs mais avait renforcé les moyens matériels ; les résultats étaient bien meilleurs ! Notre principal problème est l’absence de lois pénales suffisamment fermes. La France doit se doter de nouvelles places de prisons dans la perspective de pouvoir véritablement punir les délinquants. Certains condamnés n’ont pas mis un seul pied en prison alors que le jugement a plus d’un an ; c’est une véritable incitation au délit ! La chaîne pénale est en difficulté. On voit sur le terrain comment ça se passe avec les jeunes, et l’angélisme de certains juges envers cette jeunesse ne nous aide pas. Je suis favorable au retour des peines planchers supprimées par Mme. Taubira et M. Hollande. La justice doit envoyer ceux qui le méritent en prison.
L’immigration avait ralenti durant la crise sanitaire, les derniers chiffres sont tombés et nous sommes retombés à des chiffres d’avant-crise, comment pouvons-nous contrôler ces flux ?
Arrêtons avec la naïveté ! Il faut redonner des moyens pour surveiller nos frontières contre les filières d’immigration illégale. Certaines institutions protègent aujourd’hui les irréguliers. Rappelons la dernière jurisprudence du Conseil Constitutionnel avec le droit de fraternité, qui fait que l’on peut aider des migrants en situation irrégulière sans être inquiété par la justice. Un tel droit est très dangereux pour nos frontières. Avec à peine 7 % de reconduite à la frontière pour les immigrés clandestins, on peut avoir une vraie marge de progrès. Quand un irrégulier entre sur le territoire français aujourd’hui, il a 9 chances sur 10 de pouvoir y rester sans être inquiété par un retour dans son pays d’origine. L’immigration irrégulière est encouragée. Actuellement, il y a trop de recours juridiques possibles pour contester un retour dans le pays d’origine, qui sont fortement poussés par les associations humanitaires idéologisées. Un exemple : j’ai refusé de signer un mariage blanc, ce qui est mon bon droit. Le procureur de la République cherche à m’y obliger alors que nous avons un dossier solide sur l’individu qui est en plus expulsable. Une nouvelle fois, il faut durcir nos politiques de reconduite à la frontière. Cette politique ne peut être efficace qu’avec un bras de fer mené contre les pays d’origine qui refusent de rapatrier leurs ressortissants. Selon une étude, nous étions en 2019 à près de 400 000 migrants réguliers qui doivent être additionnés aux visas étudiants et aux irréguliers. La migration économique n’a jamais eu pour but de changer la population du pays. Objectivement, il faut fermer les robinets d’immigration et faire attention aux filières cachées ou détournées. Il a manqué une seule chose à Emmanuel Macron sur ce sujet : la volonté politique. Il a perdu tous les bras de fer face à l’immigration. Cela étant, je suis confiant sur notre capacité à décourager l’immigration irrégulière. L’aide médicale d’Etat par exemple, Nicolas Sarkozy l’avait réduite, ce qui avait eu un effet immédiat sur l’immigration. Il faut la limiter en cas d’urgence.
La droite s’est montrée ferme dans le domaine régalien, assez selon-vous ?
Quand je vois le travail effectué avec Christian Jacob sur le programme présidentiel ces dernières années, on a ouvert les yeux sur un certain nombre de problèmes. Je ne crois pas que la droite s’illusionne sur les sujets régaliens. Elle a retrouvé une grande partie de ses bases. Attention cependant, quand on dit les choses assez fortement, certains vont nous dire parler moins fort. Quand j’avais parlé « d’épuration ethnique dans certaines cités » pour montrer que des populations étaient contraintes de partir pour des raisons ethniques, j’avais eu le droit aux consciences de gauche alors que j’ai vu les choses se faire en tant que maire mais surtout, je me souviens que c’est Damien Abad qui avait condamné mes propos le plus fortement ! Si nous nous tirons dessus, au sein même de notre propre famille politique, sur des enjeux que nous avons ciblés, nous n’y arriverons pas. Un autre exemple, ce n’est pas une belle image que nous renvoyons lorsqu’on s’affiche avec M. Lagarde qui a trempé dans des affaires de communautarisme dans sa commune. Quand on est cohérent dans son discours, il faut aussi avoir la cohérence de nos équipes. C’est une guerre de trente qui vient concernant le séparatisme et nous avons déjà perdu dix ans. François Baroin avait raison, on ne sera jamais assez sévère avec ceux qui veulent détruire la République dans le silence des conversions et de la radicalisation. C’est une guerre qui sera dure à mener car elle est idéologique.
Propos recueillis par Paul Gallard