Vous avez un parcours atypique, en étant à la fois député et coach de football. Comment arrivez-vous à concilier les deux ?
Cela demande beaucoup d’organisation. Le premier élément est que je suis entraîneur d’un club de Régionale 3, où l’exigence n’est évidemment pas la même qu’au niveau professionnel. De plus, les joueurs ont une grande capacité d’adaptation, ce qui permet ainsi de moduler les jours d’entrainement. Et surtout, j’ai un formidable co-entraîneur, Fabien Hernandez, sans qui je ne pourrais pas poursuivre cet engagement bénévole. Les joueurs ont donc systématiquement deux entrainements par semaine, suivis du match le week-end.
Nous sommes à un an des Jeux olympiques. Pensez-vous que le Gouvernement se préoccupe réellement du sport et de cette compétition mondiale ?
Pas du tout et c’est vraiment un de mes grands regrets. Les pays qui ont été attributaires des Jeux olympiques jusqu’alors en ont tous profité pour développer une politique sportive ambitieuse, voire très ambitieuse ; ce qui leur a permis dans un premier temps évidemment de gagner des médailles, mais également de se doter d’infrastructures qui restent ensuite dans le patrimoine national et enfin de renforcer le tissu associatif sportif. Or, on remarque qu’à un an de l’évènement, il n’y a pas eu cette volontéambitieuse de la part du Gouvernement pour anticiper ces JO. On a d’ailleurs bien constaté, durant la période de la crise sanitaire, que le sport avait été totalement négligé par l’exécutif. Dit autrement, le sport est oublié de la politique gouvernementale. C’est si vrai que plusieurs Ministres des Sports se sont succédés, mais tous sans aucun poids. Le Gouvernement veut se servir des Jeux Olympiques pour briller, mais en oublie que les efforts nécessaires pour obtenir des médailles ne pourront pas être faits dans les 3 derniers mois malgré la grande motivation de nos athlètes. Il n’est pas normal que des champions qualifiés ou en passe d’être qualifiés doivent mettre en place des cagnottes en ligne pour financer leur entraînement avant des JO à domicile.
Justement, dans cette période post-Covid, comment aider les fédérations sportives à se ressaisir ? Car on constate en effet que le Gouvernement est absent…
Tout d’abord, il faut parvenir à créer un véritable statut du bénévolat, qui donne envie aux gens de s’engager. On a eu des propositions en la matière ces dernières années, mais qui n’ont jamais débouché sur rien de concret. J’ai par exemple proposé de créer un crédit d’impôt pour les Français qui s’investissent dans la vie associative. Sans dénaturer le bénévolat, il faut que ceux qui donnent de leur temps pour les autres ne soient pas pénalisés financièrement, surtout dans cette période de forte inflation. Par ailleurs, nous avons un réel souci concernant les supporters en France. Dans tous les pays d’Europe attachés au football, on a des ambiances extraordinaires dans les stades, de la première à la quatrième voircinquième division. En France, en Ligue 1, on ne parvient même pas à remplir un stade. Quand on voit les arrêtés préfectoraux se multiplier, plus de 150 pendant la saison 2021/2022, interdisant à des supporters de se déplacer pour des matchs de football où il n’y a priori aucun risque avéré, on peut se poser des questions. Ce phénomène s’étend même désormais au football amateur. En début d’année, le Préfet des Alpes Maritimes a interdit aux supporters cannois de se déplacer à Nice pour un derby de 5e division. Les supporters n’ont pas systématiquement à pâtir des carences de l’État à garantir l’ordre public.
Faut-il revoir certaines règles du sport professionnel français pour le rendre attractif ? Ou les règles actuelles sont-elles suffisantes ?
Il faut, tout d’abord, s’aligner sur les normes mondiales qui régissent le sport professionnel. Il est temps, car on a tué l’esprit de compétition chez les jeunes. Pour être concret, je vais continuer à vous parler du sport que je connais le mieux : le football, où, chez les jeunes, on est sur logique de plateaux, de brassage, jusqu’en U14, U15. C’est une mauvaise chose, car cela traduit l’affaissement de la volonté de compétition. C’est d’autant plus regrettable qu’un jeune à 14, 15 ans a normalement déjà l’esprit de compétition. Être compétiteur, c’est se donner les chances d’être meilleur et donc de progresser. Or, on a gommé cette possibilité pour les plus jeunes.
Ensuite, il faut changer l’état d’esprit en vigueur en France sur le sport. Le sportif est souvent déclassé, vu comme un individu de rang inférieur par certaines élites. À l’inverse, les sportifs sont vus comme des élites dans beaucoupd’autres pays. Notre rapport au sport dans l’Hexagone est particulier. Ces élites – et non pas le peuple, qui n’a pas du tout ce rapport étrange au sport – préfèreraient presque que l’équipe de France perde un trophée d’envergure contre une petite équipe plutôt qu’elle ne le gagne. Il n’y a que dans notre pays que l’on remarque ce phénomène.
Vous parliez de repenser notre rapport au sport. Vous avez peut-être suivi d’ailleurs l’échange houleux entre EvanFournier, star de la NBA, et Jean-Michel Blanquer sur Twitter, au moment des JO de Tokyo, l’un reprochant à l’autre de se prévaloir de la réussite de l’EPS à l’école pour justifier le parcours des sportifs français à ces JO. Est-ce qu’il ne faut pas revoir nos méthodes d’enseignement du sport à l’école ?
Ni Evan Fournier, ni Jean-Michel Blanquer n’ont à mon sens raison sur cette question. En effet, nos professeurs d’EPS sont particulièrement engagés dans notre pays et font du mieux qu’ils peuvent avec les moyens qu’on leur donne, c’est-à-dire pas grand-chose. Aujourd’hui, un sportif de haut niveau – quelqu’un qui gagne une médaille d’or aux JO ou les championnats du monde par exemple – ne va pas l’être grâce à l’EPS. L’EPS, c’est autre chose, c’est une activité qui apprend à certains jeunes à faire du sport, qui peut leur donner le goût du sport, leur faire découvrir le sport, et peut-être aussi le goût de l’effort, mais seulement dans une certaine mesure, car deux heures d’EPS par semaine ce n’est évidemment pas suffisant pour permettre à un champion de « se fabriquer ».
On demeure jusqu’alors dans cette logique franco-française qui veut que l’éducation sportive… ce n’est pas toujours faire du sport. En effet, on n’a pas développé le sport universitaire comme l’ont fait nos voisins. L’UNSS fonctionne mais moins bien qu’avant – même si les professeurs et les bénévoles s’impliquent pleinement – par manque de moyens financiers. J’attends avec impatience de voir ce que le Président de la République va proposer à l’avenir pour la politique sportive.
Parlons désormais des JO, prochain évènement sportif majeur que notre pays va accueillir. Que pensez-vous de la suppression du karaté au programme olympique et de l’arrivée, à la place, du breakdance ? Tony Estanguet a dit que cette mesure était destinée à faire en sorte que les jeunes s’intéressent davantage au sport, en incluant des sports dits « jeunes » (alors même que le karaté inclut justement de nombreux jeunes dans ses pratiquants !).
Ce qui est dommage dans cette polémique, en premier lieu, c’est d’avoir opposé ces deux disciplines. En second lieu, le comité d’organisation des JO de Paris 2024 écarte le karaté, sport où la France est extrêmement performante. Il n’y a aucun pays dans le monde qui élimine un sport dans lequel il est performant, c’est-à-dire où il a des chances de remporter des médailles. Ce choix est donc discutable, surtout que le karaté est un sport très populaire en France, qui fait découvrir le sport à de nombreux jeunes par l’œuvre de beaucoup de bénévoles. Le karaté a suscité beaucoup d’engouement aux derniers JO avec la superbe médaille d’or de Steven Da Costa. Mais malgré tout cela, derrière on supprime ce sport lorsque la compétition arrive chez nous. Je pense à ce champion qui remporte une médaille aux derniers JO et qui ne va même pas pouvoir défendre son titre à Paris, dans son pays… ! Je trouve qu’à ce propos le comité d’organisation a été très défaillant. D’ailleurs, avec plusieurs députés Les Républicains, nous avions défendu lors de la précédente mandature le maintien du karaté aux JO. Nous avions reçu la championne karatékaAlexandra Feracci, avec mon collègue député Jean-Jacques Ferrara et avions tenté de faire pression à la fois sur la Ministre des Sports de l’époque, Roxana Maracineanu, et sur le comité d’organisation des JO pour qu’il revoie sa position. En vain.
Concernant le breakdance précisément, je ne vais pas être sévère sur cette discipline, d’autant que pour être honnête je ne la connais pas beaucoup. Mais il est vrai que j’ai du mal de prime abord avec ces disciplines dites « divertissantes ».
J’aurais dit la même chose pour le stakeboardlorsque cette discipline a été intégrée lors des JO de Tokyo. Mais on a découvert qu’il s’agissait d’une discipline très technique et physiquement très exigeante en termes d’entraînement. De plus, j’ai pris beaucoup plaisir à la regarder, car elle apportait un très beau spectacle. En clair, la leçon c’est que l’on aurait très bien pu garder les deux disciplines – karaté et breakdance – pour les JO de Paris 2024.
Venons-en désormais aux fondements de la droite, car c’est quand-même un peu le débat également. C’est en effet souvent la gauche qui a tendance à s’approprier les éléments, les vertus du sport. Selon vous, quelles sont les valeurs de droite que l’on retrouve le plus dans le sport ?
Le mérite est la valeur cardinale de la vision que j’ai de la famille politique à laquelle j’appartiens, la droite républicaine. Et justement, le mérite est également une valeur cardinale du sport. Plus on s’entraîne, plus on travaille, plus on a de chances de réussir, d’accomplir ses objectifs de vie et dans la société. C’est ce que l’on appelle la méritocratie, et si elle recule petit à petit dans notre pays, elle reste bien présente dans le sport. C’est en cela que le sport, bien qu’il soit par nature apolitique, porte selon moi des valeurs de droite. Alors certes, parfois le facteur chance ou une décision de l’arbitre peuvent influer sur la performance, mais cet effet est finalement très limité sur le long terme. C’est comme pour un entretien professionnel : celui qui s’en donne les moyens a de vraies chances de réussir et donc de parvenir à son objectif.
Le sport fait réellement l’éloge du mérite, du dépassement de soi. Et c’est pour cela que je plaide pour que notre famille politique s’empare vraiment du sujet qui, en plus, est délaissé à la fois par la gauche et par ce qu’on peut appeler « le macronisme », lesquels ne s’en sont pas occupés depuis 2012. La droite a vraiment quelque chose à faire, à dire, à apporter sur le sport. Et je pense que notre pays, globalement, au-delà de notre famille politique, doit beaucoup plus s’intéresser au sport, qu’il soit de haut niveau ou de loisir, et s’inspirer des valeurs qui lui sont inhérentes pour avancer dans la bonne direction.
Propos recueillis par Alexandre Saradjian et Romain Lemoigne