Jean-Frédéric Poisson est Président du parti politique VIA | la voie du peuple (anciennement Parti Chrétien Démocrate).
Bonjour Monsieur Poisson, pouvez-vous présenter VIA | la voie du peuple ?
Bonjour Guillaume Pot. VIA | la voie du peuple, qui s’est appelé précédemment Parti Chrétien-Démocrate, est un parti conservateur qui fête ses 20 ans cette année. J’invite vos lecteurs à visiter son tout nouveau site www.via-lavoiedupeuple.fr sur lequel ils trouveront de nombreuses informations. Dans le temps présent, VIA | la voie du peuple entend tout particulièrement défendre les libertés fondamentales des Français, aujourd’hui bafouées, et rétablir le lien perdu entre les citoyens et leurs élus. Nous avons comme ambition de réunir tous les Français de bonne volonté pour redresser la France. Et cela ne passera que par des réformes en profondeur, comme celle des institutions que je présente dans mon dernier livre « La voix du peuple » (Éditions du Rocher) par 37 propositions très concrètes sur des sujets qui touchent directement les Français tels que le mandat présidentiel, la réorganisation de la représentation parlementaire, la refondation de la légitimité des juges, l’usage du référendum, le rapport à l’Union Européenne, etc. Le problème de la représentation était déjà présent avant le quinquennat Macron. Les multiples crises qui ont ponctué son mandat ont pourtant mis en exergue la fracture qui sépare le peuple des élites politiques depuis longtemps. La crise des gilets jaunes, la crise sanitaire, puis la crise économique sont les symptômes d’un mal qui ronge la société française de l’intérieur : désormais, les populations ne croient plus leurs élus capables de se donner pour le Bien commun. C’est ce déficit de confiance qu’il convient de soigner et il n’y a qu’une seule manière d’y arriver, c’est de redonner le pouvoir au peuple en mettant en place une véritable politique de subsidiarité basée sur la confiance et la délégation des responsabilités aux échelons inférieurs : familles, associations, élus locaux, entreprises, communes, régions. C’est cette politique que je propose dans ce livre, que je complèterai d’autres propositions de réformes de fond, d’ordre fiscal, social et environnemental, que VIA entend mettre en œuvre, et que je porterai aux prochaines élections présidentielles.
Vous avez été candidat à la Primaire de la Droite et du Centre en 2016 en tant que Président du Parti Chrétien-Démocrate. Il était important pour vous qu’une voix singulière soit représentée parmi les candidats ?
Bien entendu. J’avais déjà la conviction que les idées conservatrices n’étaient pas suffisamment évoquées par les différents candidats de Droite. Au moment où les Manifs pour Tous battaient le pavé, j’étais par exemple, le seul candidat à promettre l’abrogation de la loi Taubira. J’avais également conscience d’aborder des thématiques singulières qui m’ont donné raison sur le long terme, comme l’opposition constante aux traités de libre-échange qui nous rendent aujourd’hui dépendants des industries étrangères sur le plan économique, voire sanitaire, ou encore une réflexion de fond et vraiment débattue sur l’instauration d’un revenu universel, désormais plébiscité par une bonne partie de l’échiquier politique de Droite comme de Gauche. Avant même que les candidats des Républicains n’affichent un « virage social » annoncé en février par Aurélien Pradié, je défendais une vision de la société qui ne soit pas purement économique, mais qui intègre pleinement la dimension humaine afin d’éviter une fracture sociale qui n’a jamais été « réduite ». Je veux la croire encore réparable, mais autrement que par des dispositions technocratiques ou sans prise en compte réelle de l’humain, qui sont autant de « cataplasmes sur une jambe de bois ».
Pour rester sur les Primaires, imaginons que le parti Les Républicains en organise une pour l’élection présidentielle de 2022. Peut-on vous imaginer candidat ?
En supposant que les Républicains ouvrent leurs rangs à des candidatures extérieures comme ce fut le cas en 2016, je n’y participerai pas. J’ai la conviction qu’un candidat véritablement conservateur doit faire partie du paysage présidentiel en 2022 afin de défendre des idées absentes depuis trop longtemps des débats, et afin de montrer aux Français qu’une voie alternative aux « vieux » partis est possible. Un certain nombre de Français ne se retrouvent pas dans les positionnements idéologiques actuels des partis dits « de Droite » et se sont tournés vers moi : ils attendent de ma part que je me batte jusqu’au bout, libre et indépendant, pour défendre leurs convictions. Il n’est pas question pour moi d’entrer dans des logiques électoralistes. Je m’engage pour promouvoir et faire gagner une certaine conception de l’Homme, de sa dignité intrinsèque, et de sa place centrale en tout ; de la France, de sa souveraineté intangible, et de son rayonnement dans le monde ; du Peuple français, de sa légitimité première, au service duquel doivent s’ordonner les politiques publiques. Je suis persuadé de la pertinence et de l’actualité de ces convictions. Je suis même convaincu qu’elles sont la seule voie possible pour restaurer la confiance dans l’avenir, de reconstruire l’unité des Français, de remettre la France sur pieds.
Votre positionnement idéologique semble être proche du conservatisme. Acceptez-vous cette qualification ?
J’accepte tout à fait cette qualification. Je la revendique même. Encore faut-il se mettre d’accord sur ce que l’on met derrière le mot « conservateur » : qu’espère-t-on conserver dans le système actuel ? S’il s’agit du modèle néolibéral qui nous a précipités dans le mur, vous vous doutez bien que ce n’est pas de cela qu’il s’agit. J’entends conserver ce qui a fait l’équilibre et la grandeur de la France à travers les âges : une civilisation européenne et chrétienne, des habitudes enracinées et un art de vivre qui s’est perfectionné avec le temps. Les multiples ravages de la mondialisation sauvage ont isolé l’individu pour le soumettre aux lois de la technique et du marché. Elles ont mis en péril nos mœurs, nos principes et nos libertés. C’est tout cet héritage que j’entends défendre pour pouvoir continuer à transmettre aux générations futures un ordre naturel des choses. Ce positionnement n’empêche bien évidemment pas une habile adaptation à la modernité qui est fluctuante. Ce que nous voulons conserver, c’est ce qui traverse ces fluctuations sans varier, ce qui est toujours vrai en tout temps : les libertés fondamentales, les permanences de notre peuple, la défense de l’Être humain de sa conception jusqu’à sa mort naturelle, le droit de notre peuple à disposer de lui-même sur une terre qui est la sienne. Dans ce sens, VIA | la voie du peuple a également une vocation authentiquement écologique puisque nous défendons la nature avec ce que ce mot recouvre comme significations, et les spécificités du terroir français contre les ravages économiques pratiqués au nom des profits de quelques-uns. Oui, je pense que le terme « conservateur » est le plus approprié pour définir le positionnement idéologique, mais aussi doctrinal et politique, du parti.
La société est fracturée, la civilisation menacée et la France abandonnée. Pourquoi nos élites politiques et intellectuelles pensent la post-France alors qu’il faudrait, à notre sens, penser de nouveau en tant que nation souveraine ?
J’avais commencé à aborder ce sujet dans mon dernier livre en développant l’idée de la « maximisation des possibles » conceptualisée par David Amiel et Ismaël Emelien, anciens conseillers d’Emmanuel Macron. Ces élites vivent dans un refus perpétuel du déterminisme, se figurant que leur bonheur dépend de leur capacité à avoir le plus de choix possibles. L’idée de civilisation ou de nation souveraine leur est insupportable, car elle vient les contraindre à accepter des réalités ou des acquis auxquels ils ne peuvent échapper. Ils veulent pouvoir être Français hier, Européens aujourd’hui et, pourquoi pas, Américains, Turcs ou Chinois demain. Ils traduisent cette maximisation des possibles par des convictions qui ne peuvent souffrir d’aucune contestation : l’Union bruxelloise est l’horizon politique indépassable des peuples européens, le multiculturalisme est un bien objectif pour les sociétés, ou encore le modèle néolibéral du marché est le rêve commun de toute l’humanité. Face à ces idéaux, la loi naturelle, les mœurs, les cultures, les racines, la famille, la transmission, la terre ou l’histoire sont autant d’ennemis à abattre pour faire advenir leur vision individualiste, consumériste, hygiéniste et globalisée du bonheur. Ceux qui osent les remettre en question sont méthodiquement envoyés sur le banc des accusés sous la désignation infamante de « populistes », « démagogues », « nativistes » ou « xénophobes », car c’est une nécessité vitale pour ces élites de ce capitalisme de surveillance, de faire taire ceux qui les contestent.
Votre parti porte en son nom « la voie du peuple ». La droite n’a jamais été aussi forte que lorsqu’elle était sociale et populaire. Pourtant, un débat profond anime deux droites : l’une qui se dit libérale et progressiste, l’autre qui a le souci de la continuité de la France. Peut-on réconcilier ces deux droites dans un grand mouvement (que sont les Républicains) dans l’optique électorale ou au contraire, doit-on repenser une nouvelle composition politique ?
Je ne crois pas que l’unité puisse s’effectuer entre « progressistes » et « conservateurs » à l’intérieur de ce que vous désignez comme la droite. Cela reviendrait à effectuer le grand écart entre deux positions irréconciliables, deux options qui constituent en réalité la seule vraie confrontation politique que la formule « droite-gauche » ne dit plus. Les compromis effectués par les uns et les autres n’aboutiraient qu’au relativisme que formule le tristement fameux « en même temps » macronien, etdont on connaît aujourd’hui les conséquences pour la France : le glissement chaotique. Afin de replacer la France et l’Europe sur les rails de l’Histoire, nous avons besoin d’un positionnement cohérent et d’une vision d’ensemble portée par un projet logique et harmonieux. Je crois, en revanche, que la logique « sociale et populaire » dont vous avez parlé peut réunir un certain nombre d’acteurs, pas nécessairement exclusivement « de droite », qui ont conscience de la nécessité de défendre le peuple et de protéger l’individu face aux logiques économiques basées sur la recherche du profit. La Droite conservatrice défendait déjà les conditions d’existence des ouvriers au XIXème siècle, à l’époque du catholicisme social de René de La Tour du Pin ou d’Albert de Mun. Aujourd’hui, la révolte des Gilets Jaunes nous a montré que ces sujets étaient plus que jamais d’actualité, et que l’offre politique renouvelée des conservateurs devait émerger comme telle, avait un rôle à jouer, un projet à proposer, à tous les Français, loin du matérialisme marxiste et de l’ultralibéralisme moderniste.
Le débat de la fin de vie, remet en France à l’ordre du jour les enjeux sociétaux et éthiques. Quelle est votre position à ce sujet ?
J’ai conscience que les progrès en matière scientifique ont substantiellement rallongé l’espérance de vie des populations occidentales et bouleversé les modes de vie traditionnels. J’ai également conscience que certaines situations rendent la douleur difficilement supportable pour des individus atteints de maladies incurables. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis, avec VIA | la voie du peuple, un promoteur déterminé des soins palliatifs, de tout ce qui permettra l’accompagnement respectueux des mourants, refusant tout autant l’euthanasie que l’acharnement thérapeutique, appelant à la prudence qui convient face au mystère d’une mort que des idéologies trans et post-humanistes voudraient voir autant maîtrisée que niée. Là encore, notre position est constante et cohérente : nous défendons et défendrons toujours la Vie, de sa conception jusqu’à la mort naturelle. C’est simplement non négociable. Lorsqu’il est ainsi question de vie ou de mort, j’estime qu’il faut être extrêmement prudent et conscient des conséquences de telles lois. Que la France soit « en retard » sur cette légalisation par rapport à d’autres pays européens prouve que les Français n’ont rien perdu de leur capacité de raisonnement autrefois réputée dans le monde entier, et qu’ils ne prennent pas ce genre de décisions à la légère. Enfin, nous connaissons la manière d’agir des progressistes qui avancent d’étape en étape sur les sujets anthropologiques et bioéthiques pour pousser, toujours plus loin la chosification de l’Homme, les abominations qui en découlent, et se rendre compte quelques décennies plus tard des dégâts qu’ils ont provoqués. Demain, défendre comme nous un point de vue conservateur sur ces sujets-là sera possiblement révolutionnaire.
Enfin, comment voyez-vous la Droite de Demain ?
Je suis extrêmement sensible à toutes les initiatives, comme la vôtre, qui veulent contribuer à la construction d’une pensée cohérente, dont vous aurez compris que je la qualifierais plutôt de conservatrice que de droite. Notre famille politique a tous les éléments intellectuels à sa portée pour dominer sur le terrain des idées. Il est regrettable qu’à cause de ses renoncements successifs, elle ne parvienne plus à s’imposer dans le champ politique. L’actualité montre, sans cesse, les conséquences néfastes que des décennies d’abandon de nos souverainetés, de nos libertés et de nos principes moraux ont infligés à la France. Notre pays doit se libérer de la tutelle intellectuelle progressiste, et raccrocher les wagons avec le train de l’Histoire. Pour cela, il faut commencer par arrêter de donner des gages au modernisme sans limite et au libéralisme intégral. Oui, le temps est venu… Il est venu de penser par nous-même grâce au riche corpus idéologique de notre famille politique, ce que prétend faire la revue Le Nouveau Conservateur qui agrège et réunie de façon tout à fait exceptionnelle de très nombreux contributeurs, lancée avec Paul-Marie Couteaux, dont le numéro 3 vient de paraître. Il est aussi venu de l’incarner dans le champ politique, le débat public, l’engagement électoral, jusqu’aux plus hautes responsabilités publiques. Telle sera l’intention de ma candidature pour la présidentielle de 2022.
Propos recueillis par Guillaume Pot, Président de Droite de Demain