Au terme des dernières échéances électorales, nous constatons une abstention de plus en plus croissante. Selon vous comment expliquer ce phénomène et y pallier ?
Il est important de préciser que si ce constat est valable pour un grand nombre de consultations électorales (régionales, départementales, européennes, législatives) les élections municipales sont moins sujettes à ce phénomène (excepté le scrutin de 2020 en raison du contexte sanitaire).
Le Maire, de par sa proximité et l’importance de ses missions, bénéficie encore d’une certaine légitimité auprès des administrés.
La montée de l’abstention est néanmoins patente et s’explique sûrement par une multitude de facteurs.
Tout d’abord la montée de l’individualisme dans nos sociétés démocratiques : la participation à la vie de la Nation n’est plus considérée comme une évidence par les électeurs.
La perte de confiance dans l’efficacité des politiques menées à l’échelle nationale peut être aussi une piste d’explication.
Les Français constatent en effet que l’action publique a de moins en moins de prise sur leur quotidien compte tenu de la perte de compétitivité de notre pays dans des domaines qui constituaient autrefois des secteurs d’excellence (Santé, éducation, grandes innovations industrielles, indépendance énergétique).
Ils s’aperçoivent également que les politiques menées demeurent de plus en plus uniformes malgré l’alternance politique.
Ces différents éléments contribuent à démobiliser les citoyens qui considèrent que leur vote n’aura de toute façon aucune incidence sur leur quotidien.
Grasse, reconnue et connue pour être la capitale du parfum, comment votre commune arrive-t-elle à faire face au phénomène de désindustrialisation de plus en plus menaçante au sein de notre pays ?
En premier lieu, il convient de rappeler que contrairement aux affirmations de certains responsables politiques qui nient cette réalité, la désindustrialisation de notre pays est malheureusement effective : la part du secteur industriel dans le PIB s’est effondrée de 24 % en 1980 à 10 % aujourd’hui.
Ce phénomène est dangereux car l’industrie est pourvoyeuse d’emploi, garantie la souveraineté dans des domaines souvent stratégiques (le covid a d’ailleurs illustré cruellement notre dépendance), et est fortement créatrice de valeur ajoutée.
Seul l’Etat dispose des prérogatives et de la puissance financière nécessaires pour permettre le développement de l’industrie à l’échelle du territoire, en créant notamment une fiscalité plus attractive.
Mais à Grasse, nous avons très rapidement voulu être proactifs en déployant une politique volontariste afin de créer un écosystème qui soit le plus favorable possible à l’accueil des entreprises.
Très concrètement, nous avons sacralisé en 2018 dans le dernier Plan Local d’Urbanisme 70 hectares de terres agricoles afin de les dédier à la culture de la plante à parfum.
Nous avons aussi créé une pépinière de plantes à parfum, créer un emblème « savoir-faire parfum » destiné à promouvoir l’inscription par l’UNESCO des savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse, et développer de façon considérable l’enseignement supérieur autour des métiers liés au parfum.
Ces actions se sont traduites par des avancées non négligeables puisque des grands industriels ont commencé à revenir à Grasse comme Givaudan et Roure. LVMH, Lancôme, L’Oréal et d’autres ont aussi fait le choix de disposer d’une propriété dans le Pays de Grasse afin de valoriser la part des produits naturels dans leurs différents produits.
Grasse dispose d’une maison d’arrêt. La France connaît une surpopulation carcérale avec notamment des conditions alarmantes. Selon vous, quels leviers faut-il pour résoudre cette problématique ?
Votre constat est factuel : au 1er juillet 2022, la France comptait 72.067 détenus pour 60.702 places soit un taux d’occupation de près de 119 %.
A Grasse, la situation est moins préoccupante même si les capacités de la maison d’arrêt sont largement dépassées avec un taux d’occupation de 112 %.
Face à cette situation, le lancement d’un grand plan national de construction de 20 000 places de prison est dans un premier temps indispensable.
Cette conviction, je l’assume et la porte jusque dans mon territoire puisque je fais partie de ces rares élus à avoir défendu auprès de la chancellerie l’agrandissement de l’établissement pénitencier présent sur le territoire communal.
Malheureusement, ce projet n’a pour l’instant pas abouti malgré les nombreuses démarches initiées en ce sens.
Cet effort constitue à mon sens un préalable indispensable pour protéger les Français.
Car même si l’on peut débattre, dans certaines situations bien précises, de la difficulté de concilier la détention avec une démarche de réinsertion, la privation de liberté constitue la seule solution efficace pour protéger la société.
Ensuite, même si je suis tout à fait en phase avec l’idée qu’il faut accueillir dignement les détenus en leur garantissant des conditions d’hygiène et de salubrité satisfaisantes, je m’inscris totalement en faux contre l’idée selon laquelle l’incarcération devrait se dépouiller de sa dimension punitive.
La récente polémique à la prison de Fresnes après l’initiative « Koh Lantess » montre justement ce que l’inversion des valeurs dans notre société peut produire de plus absurde sur le plan de la morale et de la gestion des personnes ayant commis des infractions, parfois graves.
Comment peut-on permettre à des détenus, dont l’un a apparemment été condamné pour viol, d’effectuer du karting dans l’enceinte de leur établissement en compagnie du personnel chargé de les surveiller ?
Comment peut-on préserver le caractère dissuasif de la peine de prison si l’incarcération se traduit par l’organisation de moments de détente auxquels beaucoup de Français n’ont même pas accès ?
J’ai l’impression que l’état d’esprit qui prévaut actuellement pour gérer la population carcérale, au lieu de favoriser la prévention de la récidive, encourage au contraire la déresponsabilisation et crée un sentiment d’impunité.
Aussi, au-delà de l’augmentation des capacités d’accueil des prisons, il est important de veiller à ce que l’institution pénitentiaire, et plus largement l’Etat, se fasse pleinement respecter et applique avec ces individus la fermeté qu’il convient.
Durant les multiples crises, nous avons pu constater que nous sommes l’un des pays les moins performants sur le plan sanitaire, économique et social car la France est prisonnière de son étatisme et de sa bureaucratie ? Comment en sortir selon-vous ?
Le plus paradoxal dans votre terrible constat, c’est que le Gouvernement français a été dans une certaine mesure défaillant lors des dernières crises que nous avons traversées alors qu’il bénéficie de moyens sans commune mesure avec ce dont disposent les autres pays de l’OCDE.
Les prélèvements obligatoires représentent en 2022 44,8 % du PIB, tandis que les dépenses publiques correspondaient à 55,4 % du PIB en 2019 (dernier exercice budgétaire « normal » avant la crise sanitaire).
Pour autant, l’Etat n’a pas proposé une réponse plus efficace que les autres pays européens pour affronter la crise sanitaire ou aujourd’hui la crise énergétique, malgré des moyens humains et financiers qui ne connaissent pas d’équivalent en Europe.
Par ailleurs, en dépit de ses taux d’impôts records, il n’a pas cessé de recourir à la dette pour financer ses différents plans de relance et ses mesures d’accompagnement.
Ainsi, depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la dette a augmenté de 625 milliards d’euros au sens de Maastricht!
Ces chiffres sont tellement importants que l’on peut difficilement mesurer l’ampleur de la gabegie qu’a connue notre pays ces dernières années.
Il convient d’ailleurs de confronter ces chiffres aux efforts réalisés par les collectivités pour tenir leur budget malgré la crise et la baisse considérable des dotations de l’Etat.
Pour sortir de cette spirale infernale et de cette surétatisation de la société, la réduction des dépenses de l’Etat constitue un préalable indispensable.
Parallèlement, nos entreprises et nos compatriotes doivent également voir leurs impôts baisser considérablement, afin de libérer les énergies et l’investissement.
La réindustrialisation de notre pays ne pourra débuter que si nos PME peuvent retrouver la compétitivité qu’elles ont perdue du fait de l’importance des taxes dont elles doivent s’acquitter aujourd’hui.
La différenciation de l’action des collectivités que prône Emmanuel Macron dans son programme a évoqué la possibilité d’une fusion entre la métropole de Nice et le département des Alpes-Maritimes récemment. Quel regard portez-vous sur cette éventuelle fusion ?
Je m’y oppose fermement.
J’ai d’ailleurs tenu à ce qu’une motion soit adoptée le 29 mars et le 7 avril derniers respectivement par le Conseil Municipal de la Ville de Grasse et le Conseil communautaire de l’Agglomération du Pays de Grasse pour s’opposer à un tel projet.
Pourquoi devrions-nous supprimer un échelon qui est pleinement identifié par les citoyens, qui est proche des territoires, et qui se distingue par sa bonne gestion des deniers publics (désendettement de près de 125 millions d’euros entre 2015 et 2019) ?
Je ne suis pas certain que la bonne administration des territoires passe par une nouvelle réorganisation des compétences sur le plan local, qui viendrait perturber l’équilibre remarquable que nous avons réussi à mettre en place dans les Alpes-Maritimes entre le Département, les communes et les intercommunalités.
Toutefois, cette perspective s’est éloignée depuis que le Président a perdu sa majorité au sein de l’Assemblée Nationale.
Je demeure néanmoins vigilant pour veiller à ce que cette fusion reste à l’état de projet dans l’intérêt des Grassois et des Maralpins.
Durant vos premiers pas politiques, vous avez été à l’initiative et au suivi des créations d’entreprises, proche des jeunes actifs. Il régnait une forme d’interaction entre le monde entrepreneurial et le parti politique. Pouvons-nous regretter cette mise en veille depuis dix ans au sein du parti ?
Cette proximité, ces échanges et ces débats avec les réseaux économiques sont indispensables si l’on veut bâtir un projet cohérent qui soit adapté aux besoins des entreprises créatrices d’emploi.
Une politique ne peut être efficace que si elle se base sur une approche empirique afin d’être le plus en adéquation avec la réalité du terrain.
Tous les jours, je m’attache à suivre ce principe en veillant à consulter toutes les forces vives du territoire avant la mise en œuvre de l’action publique.
Éric CIOTTI dispose de toutes les qualités requises pour façonner un parti qui soit au contact du monde économique afin de proposer un programme qui soit à la hauteur de notre ambition pour le pays.
Selon vous, à droite ne manque-t-il pas une synthèse entre libéraux, conservateurs et souverainistes ?
Il est très difficile d’imaginer quelle serait la formule la plus susceptible de remporter l’adhésion des Français compte tenu de l’extrême volatilité du paysage politique en France actuellement.
Quoi qu’il en soit, les courants que vous citez ont toujours constitué des dimensions importantes de notre famille politique, avec une importance qui pouvait varier en fonction des enjeux auxquels faisaient face notre pays.
Il est certain que cette synthèse entre toutes ces expressions de la droite est indispensable, et illustrera la capacité de notre parti à porter un discours qui puisse s’adresser à tous les Français.
Quelle est votre vision de la droite de demain ?
Je m’inscris totalement dans la démarche politique initiée par Éric CIOTTI : construire une droite qui s’assume et propose aux Français un vrai programme de rupture.
Mais ne sous-estimons pas le défi qui est le nôtre pour rassembler nos compatriotes.
Ce qui m’inquiète c’est à quel point la dernière élection présidentielle a illustré les divisions profondes qui traversent notre pays. Si l’on fait une rapide analyse sociologique de l’électorat des deux candidats qui se sont hissés au deuxième tour, on se rend compte qu’aucun d’entre eux n’est parvenu à séduire les électeurs de façon transpartisane.
Les retraités et les ménages disposant de revenus élevés ont massivement voté pour Emmanuel Macron, tandis que les classes populaires se sont portées sur Marine Le Pen.
Or, si nous voulons construire la France de demain, il est essentiel que nous puissions bâtir un projet fédérateur qui s’adresse à tous les Français. En effet, nous ne parviendrons pas à faire face aux défis immenses qui se présentent devant nous avec une Nation archipélisée, comme l’a brillamment définie le sociologue Jérôme Fourquet.
L’autre élément dont il faut tenir compte est l’extrême fragilité de nos comptes publics. Avec une dette publique qui frôle les 115 % du PIB, des décisions très dures devront être prises pour faire cesser cette dégradation de notre situation financière.
Les prochaines majorités qui auront à conduire la politique de notre pays disposeront donc de marges de manœuvre très étroites pour répondre aux attentes des Français.
Face à cette réalité complexe, la droite de demain devra assumer une politique forte sur le plan régalien pour restaurer les valeurs d’autorité, tout en portant un projet suffisamment disruptif pour mobiliser les Français et transcender les clivages habituels.
A ce titre, parmi les pistes à envisager, je suis convaincu que nous devons nous emparer franchement de la question écologique. Je ne vois pas pourquoi nous devrions laisser la gauche la plus extrême avoir le monopole sur cette question.
Et pour être plus précis, je ne parle pas de quelques mesures cosmétiques mais prône véritablement une rupture.
Cette stratégie aurait plusieurs vertus.
En premier lieu, elle ferait sens dans le contexte actuel où les prix de l’énergie battent des records. Les sociétés occidentales vont être contraintes collectivement d’imaginer un modèle de développement qui sera différent, en tenant compte du fait que les ressources de la planète ne sont pas inépuisables.
Elle permettrait par ailleurs de redonner aux Français un but, ou un idéal, en les rassemblant autour d’une thématique qui fait consensus parmi nos compatriotes dans toutes les générations et dans toutes les catégories socio-professionnelles.
Ensuite, comme il s’agit d’un discours qui s’inscrit sur le temps long, celui-ci pourrait résonner au sein de la jeunesse en lui redonnant des motifs pour s’intéresser à la politique, et ce, alors qu’elle se distingue aujourd’hui par sa très forte abstention.
Ce projet pourrait également créer de nouvelles opportunités pour nos entreprises en créant de nouveaux débouchés pour elles, et en les incitant à innover pour accompagner cette transition économique.
Enfin, nous pourrions porter un discours beaucoup plus raisonnable qu’EELV qui disqualifie ce combat en prônant des solutions radicales et complètement irréalistes.
Leur positionnement dogmatique sur le nucléaire illustre parfaitement l’aveuglement qui a pu animer certains de leur responsable qui n’ont pas hésité à brader la souveraineté énergétique de la France, alors que le nucléaire est l’énergie la plus décarbonée actuellement sur le marché.
Loin de ces chimères, je suis sûr que nous pouvons construire un grand programme pour favoriser le développement durable de notre économie, en respectant notre industrie et en veillant à préserver la compétitivité de nos entreprises.
Comme elle l’a souvent été dans son histoire, la France pourrait de nouveau être un pays modèle et inspirer le monde en lançant cette politique à la fois audacieuse, innovante, et responsable.
Propos recueillis par André Missonnier