Vous êtes sénatrice des Yvelines depuis 2017. Comment êtes-vous devenue parlementaire et quel sont vos sujets de prédilection ?
Architecte de profession et engagée sur les sujets environnementaux, je me suis toujours intéressée à la vie locale de Saint-Germain-en-Laye.
En 2008, Emmanuel Lamy, le maire de la Ville, m’a proposé de figurer sur sa liste. J’ai donc fait un premier mandat comme adjointe à l’Enfance (vie scolaire et petite enfance), puis un second en 2014 comme 1ère adjointe.
Tout en restant très impliquée localement j’ai souhaité poursuivre mon engagement à l’échelon national. C’est ainsi qu’aux élections sénatoriales de 2017, je me suis présentée sur la liste menée par Gérard Larcher.
Une fois élue, j’ai naturellement intégré la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
Mon intérêt et mon expertise pour les questions du numérique et de l’écologie m’ont conduit à être désignée rapporteure à plusieurs reprises comme pour la loi Anti-Gaspillage et Économie Circulaire (dite loi AGEC) ou encore tout récemment pour la loi Climat et Résilience.
Justement, en tant que rapporteur du Sénat sur le projet de loi Climat et résilience, que pensez-vous de ce texte ? Est-il à la hauteur de l’enjeu ?
Ce projet de loi à lui seul ne permettra pas d’atteindre l’objectif que la France s’est fixé à l’échelle internationale, qui est maintenant une réduction de 55% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Beaucoup d’articles de ce projet de loi sont des objectifs, inscrits dans la loi, ou des mesures qui ont déjà été annoncées, il n’y a donc pas de grandes surprises.
Il n’est donc pas à la hauteur des enjeux, mais toute opportunité pour avancer en la matière est bonne à prendre. Au Sénat, nous avons voulu le compléter et rehausser son ambition, tout en ayant en tête les enjeux sociaux et économiques pour chaque ajustement.
Quel regard portez-vous sur la politique climatique et environnementale du quinquennat d’Emmanuel Macron ?
La prise de conscience de l’opinion publique sur la question écologique a été particulièrement forte ces dernières années. Elle est notamment passée par la mobilisation de la jeunesse.
Face à ce phénomène, l’exécutif actuel a fait beaucoup d’annonces, beaucoup de communication aussi comme avec le « Make our planet great again ». Cela s’est traduit par de très nombreuses lois, qui ont fini par s’empiler.
Ce qui compte maintenant, c’est la pleine application des lois, et une grande visibilité législative pour que les acteurs économiques réalisent les investissements nécessaires à leur transition écologique.
Prenons l’exemple de la loi sur l’économie circulaire dont j’étais rapporteur. Il manque de nombreux décrets qui permettent de déployer la loi sur le terrain. C’est préjudiciable pour la crédibilité de l’action publique, on ne peut pas rester au stade des dispositions votées mais qui ne sont pas appliquées.
Aussi, je plaide vraiment pour que l’effort ne se porte pas sur de nouvelles lois ou de nouvelles normes, mais sur la mise en œuvre concrète de tout ce qui a pu être voté récemment.
Vous avez récemment signé une tribune pour en finir avec le « en mmême temps » sur le nucléaire. L’exécutif soutient-il assez ce fleuron national ?
Ma tribune pointait principalement l’incohérence au sein de l’exécutif. D’un côté, Bruno le Maire et François Bayrou qui soutiennent fermement le nucléaire, énergie décarbonée, seule aujourd’hui à pouvoir répondre à nos besoins et à pallier l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque. De l’autre, Barbara Pompili qui maintient que la France peut se passer de l’énergie nucléaire à terme.
Entre les deux, le Président de la République qui acte la fermeture de Fessenheim et le présente comme une preuve écologique de son quinquennat, qui maintient la réduction de la part de nucléaire dans notre mix énergétique et qui, dans le même temps, se rend au Creusot pour rappeler que notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire.
L’avenir de la filière nucléaire française appelle à des décisions courageuses sur la construction de nouvelles centrales et la poursuite de la recherche et développement sur de nouvelles technologies, au-delà des fonds prévus par le plan de relance. Il faudra également réinvestir le chantier des compétences humaines, qui se raréfient, tout comme celui de notre souveraineté sur les technologies consubstantielles aux centrales.
Je l’ai dit à plusieurs reprises : il ne s’agit pas d’opposer les énergies entre elles, mais plutôt de travailler à leur complémentarité. Et face à l’intermittence de plusieurs énergies renouvelables, à cette étape, le nucléaire reste notre meilleure option.
La droite a-t-elle suffisamment en matière écologique lorsqu’elle était au pouvoir ?
On l’oublie souvent, mais la droite a été plutôt pionnière en matière d’écologie en France.
C’est Georges Pompidou qui créa le premier ministère de l’environnement et qui fera voter une loi sur les espaces boisés à conserver.
Valéry Giscard d’Estaing a fait voter deux lois majeures : la loi sur la protection de la nature, qui institue une liste d’espèces protégées, et la loi de 1975 sur le Conservatoire du littoral.
Le Président Chirac était lui aussi un précurseur, avec son discours de Johannesburg en 2002 qui sonne la prise de conscience mondiale, et la Charte de l’environnement intégrée à notre Constitution était un acte extrêmement fort.
Plus récemment, le Grenelle de l’environnement impulsé par Nicolas Sarkozy, sous la houlette de Jean-Louis Borloo, a débouché sur deux lois dont les objectifs étaient de lutter contre le changement climatique et de préserver la biodiversité et les ressources naturelles.
Et nous continuons à agir. La majorité sénatoriale de droite et du centre a introduit le préjudice écologique dans le code civil.
Dans la loi sur l’économie circulaire, le travail de la majorité sénatoriale a permis d’enrichir le texte. Encore récemment, mes collègues députés ont, eux aussi, fait des propositions innovantes dans ce domaine.
Les actes sont là, les constats et les idées sont établis. À nous maintenant de les porter dans le débat public.
L’écologie est-elle une valeur de droite ?
Etymologiquement, l’écologie signifie « science de l’habitat ». Philosophiquement et historiquement, elle a d’abord émergé dans les milieux conservateurs, et donc souvent de droite, car entendue comme une préservation de l’environnement, du sol, de la biodiversité, … face au progrès.
Depuis, d’autres versants de l’écologie se sont construits, plus ancrés à gauche, et une écologie politique qui a malheureusement été captée par la gauche.
Cette perspective historique montre que l’écologie n’appartient à aucun camp.
Mais pour faire avancer les choses, il faut continuer cette mobilisation de l’ensemble de la société au-delà des clivages politiques tant cette préoccupation est ancrée dans le quotidien des Français. On peut débattre des modalités et des moyens, et c’est le cas, mais nous devons garder cette même ambition.
Quelle vision de l’écologie doit aujourd’hui être portée par la droite ?
Il est important d’inclure l’ensemble de la société dans la transition écologique. Qu’au-delà des effets d’annonces, les choses changent concrètement sur le terrain et dans la vie quotidienne.
Pour cela, il faut mettre au cœur les enjeux sociaux et prêter une attention particulière aux Français les plus modestes. Ils seront les plus touchés par les conséquences du changement climatique ; il convient donc de les accompagner massivement. Les obligations sont de plus en plus fortes pour tenir nos engagements climatiques internationaux, mais il est essentiel que l’ensemble de notre société puisse suivre. C’est particulièrement vrai pour la production et la rénovation des logements.
Mais il faut aussi que notre tissu économique puisse se plier à ces nouvelles obligations, ce qui nécessite de forts investissements sur plusieurs années. Cela passe par une plus grande visibilité et une stabilité législative, pour que les standards environnementaux ne soient pas modifiés tous les matins.
C’est cette méthode que j’ai souhaité appliquer dans le cadre du projet de loi Climat et résilience. Une transition écologique adossée à un pilier social et un pilier économique : voilà une écologie partagée par le plus grand nombre et qui peut susciter l’adhésion de tous. C’est le sens même du développement durable.
Propos recueillis par Guillaume spot