Mohammed MIRZALI est un journaliste indépendant et blogueur azerbaïdjanais. Il vit en tant que réfugié en France.
Bonjour Monsieur MIRZALI, quel est votre parcours ?
Cela fait maintenant depuis 2012 que je lutte contre le régime au pouvoir en Azerbaïdjan. En 2013, j’ai pris la tête de l’organisation de jeunesse du parti politique « Front Populaire d’Azerbaïdjan » dans la région du Goychay. J’ai été arrêté la même année puis libéré. Avant l’élection présidentielle de 2013, le Gouvernement m’a forcé à effectuer mon service militaire, puis je suis revenu en 2014 et j’ai repris mes activités politiques. A la suite de cela, j’ai fais l’objet d’un emprisonnement de 20 jours pour m’être opposé à Aliev. En 2015, j’ai créé mon premier blog ainsi que ma page Facebook « Made in Azerbaïdjan ». J’ai fui mon pays un an après.
Pourquoi êtes-vous venu trouver refuge en France ?
J’ai trouvé refuge en France en 2016. A mon sens, la France est l’un des seuls pays au sein desquels on peut parler ouvertement contre le pouvoir en Azerbaïdjan sans être inquiété. Je pensais que ce pays était plus sûr pour moi puisque je subissais des menaces en Azerbaïdjan, et j’avais peur d’être tué. C’est pour cette raison que j’ai fait le choix de fuir le pays.
Pouvez-vous nous faire une description de l’Azerbaïdjan actuellement ?
Si je devais parler de l’Azerbaïdjan en détails, cela prendrait plusieurs mois. Cependant, si je peux faire un résumé de la situation du pays, celle-ci est terrible. Des activistes, des blogueurs et des journalistes innocents sont emprisonnés. D’autres parts, des officiers coupables de crimes peuvent se promener librement dans les rues. L’Azerbaïdjan est actuellement l’un des pays les plus sombres du Caucase.
Quels sont les dérives du Gouvernement Aliev sur ses citoyens et contre son voisin arménien ?
Je pense qu’Aliev n’est pas seulement un danger pour les azerbaïdjanais, mais qu’il l’est pour l’ensemble du Monde. Par exemple, lorsque j’allais à l’école, c’est par la faute de cet homme que l’on m’enseignait à avoir la haine contre les arméniens. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’avant des venir en France, je voyais les arméniens comme des ennemis. Pourquoi ? Parce que c’est ce qu’on m’avait appris à l’école. A mon avis, les vrais ennemis de l’Azerbaïdjan, après Ilham Aliev, ce sont les enseignants. Le Gouvernement Aliev s’oppose aux Droits de l’Homme de manière générale, et les violations de ces dernières sont récurrentes. Ce que le Gouvernement a fait aux arméniens pendant la dernière guerre a été terrible, et soyez sûr que ce dernier fait subir la même chose à son peuple, mais d’une manière différente.
Existe-t-il une opposition politique au pouvoir actuel ? Pensez-vous qu’elle a une chance d’arriver au pouvoir un jour ?
Il y a une opposition politique à Aliev en Azerbaïdjan, mais elle a été réduite au silence dans tout le pays. Pour le moment, je ne pense pas que cette opposition ait une chance de venir au pouvoir en Azerbaïdjan, certains ont accepté l’argent d’Aliev pour garder le silence. Le seul véritable pouvoir dont Ilham Aliev craint actuellement, ce sont les blogueurs qui s’opposent à lui depuis l’Europe, même si malheureusement, Aliev use de tout son pouvoir pour effrayer les blogueurs actifs en Europe. Nous, les blogueurs, avons un travail très difficile en ce moment, aucune organisation ne nous finance, et lorsque cela se produit, nous avons souvent les mains liées. Cela fait presque quatre ans que nous avons travaillons contre Ilham Aliev et son régime, et personne ne nous a jamais financé. Nous effectuons des petits emplois (restauration par exemple) durant la journée, et nous travaillons en postant nos vidéos le soir. Notre job est vraiment très difficile…
Comment analysez-vous les conséquences de la dernière Guerre du Haut-Karabagh ?
La Guerre du Haut-Karabagh était prévue depuis un certain temps. Les erreurs politiques commises au fil des ans ont mené à la guerre. Deux camps sont cependant sortis vainqueur de ce jeu, la Russie ainsi que la famille Aliev. Cette guerre était ainsi la dernière chance pour le clan Aliev de rester au pouvoir. En effet, avant les évènements d’octobre dernier, le peuple affamé, commençait à s’opposer aux Aliev. Voyant cela, le dictateur Aliev utilisa immédiatement sa carte de la guerre afin de devenir célèbre dans le pays au fil des ans. Après la guerre, les citoyens des deux pays ont réalisé qu’ils avaient été trompés jusqu’à maintenant, mais des milliers de vies ont été sacrifiées entre-temps, et les premières victimes des ces conflits insensés furent la jeunesse arménienne et azerbaïdjanaise. La guerre a été le seul message pour nos peuples, mais notre seule chance de coexistence, c’est la paix !
Comment voyez-vous les arméniens aujourd’hui ?
Les arméniens sont nos voisins, et je respecte mes voisins. J’aimerais me rendre en Arménie un jour et me faire des amis. Nous sommes tous humain, qu’est-ce qui nous rend si différent les uns des autres ? Rien !
Est-il possible que les peuples arméniens et les azerbaïdjanais puissent trouver le chemin de la paix ? Comment ?
Oui, et en réalité il est très facile de trouver la voie de la paix à mon sens. Pour ce faire, les deux pays doivent d’abord se débarrasser de ceux qui les manipulent politiquement puisqu’ils le sont au nom du message mortifère de la guerre. Il ne faut plus que cela arrive. Le peuple arménien et azerbaïdjanais ont le droit de vivre heureux et en paix comme des frères.
Propos recueillis par Alexandre SARADJIAN