Quels sont les objectifs des députés LR pour cette année 2023 ?
Se relever après l’échec violent de la présidentielle et porter, à l’Assemblée nationale, nos convictions pour le redressement du pays.
Notre combat dans les trois ans qui viennent, c’est de montrer qu’Emmanuel Macron a eu une stratégie vraiment assumée, calculée, méthodique – et malheureusement efficace – de fracturation et de radicalisation du pays. Cette stratégie qui a consisté d’abord, en 2017, à appâter, – à force de postes – une partie du PS qui n’a plus rien de très socialiste, et des carriéristes de chez nous qui, idéologiquement, avaient choisi la droite à la sortie de l’ENA comme ils auraient pu choisir la gauche, bref, ceux qui incarnaient “l’UMPS » pour créer ce qui est devenu le macronisme. Ensuite sa stratégie a été de radicaliser les Français pour pousser les gens de gauche dans les bras de Jean-Luc Mélenchon et pousser les gens de droite dans les bras de Marine Le Pen.
A ceux qui douteraient que ce fut une stratégie délibérée, je rappellerai les déclarations du président de la République sur la vaccination, quand il souhaitait « emmerder les non-vaccinés » qui n’étaient pas forcément des personnes anti-vaccination… Cette stratégie de fracturation repose sur une analyse électorale assez simple : unifier les catégories sociales les plus aisées, plutôt urbaines qui représente environ 30 % de la population et permettre à ce « bloc élitaire » et ceux qui par mimétisme pensent en faire partie, d’être majoritaire dès lors que le « bloc populaire » est fracturé en deux. Elle a très bien fonctionné, mais elle est un désastre absolu pour le pays parce qu’aucune Nation n’a jamais rien produit de grand ou d’utile en étant fracturée. La France, lorsqu’elle était prospère, créative, entreprenante, savait entraîner dans un même mouvement, sur de grands projets, l’ouvrier, le chercheur, le commercial et l’ingénieur.
On a le sentiment, aujourd’hui, que le monde politique est divisé en parts de marché électoral : Macron c’est plutôt l’élite urbaine, bourgeoise, CSP+ ; la France insoumise parle aux quartiers ; Marine Le Pen à un monde rural et périphérique qui a souffert de la mondialisation et de la désindustrialisation ; les écologistes à la jeunesse urbaine. Donc chacun sa part de marché qui amène à la guerre de tous contre tous et cela se terminera mal.
Ma conviction – mon espoir – c’est qu’à un moment, les Français mesureront la stérilité de tout cela et auront envie de passer à autre chose et de recréer de la cohésion nationale. La cohésion nationale n’est pas quelque chose de mièvre, ce n’est pas le « vivre-ensemble » que l’on nous a servi pendant des années. C’est dire : comment on reconstruit ce pays, comment chacun y prend sa part. C’est accepter que personne ne soit laissé pour compte. C’est une vision d’effort collectif et de justice sociale, de dignité : je prends pour exemple l’assistanat qui est la négation de ce que doit être une Nation où chacun doit avoir sa place, car chacun est nécessaire et a vocation à être utile. J’avais proposé au moment de la présidentielle que les allocataires du RSA réalisent 15 heures d’activité qui pourrait être autant d’heures de service dans un EHPAD par exemple, où l’on manque tant d’accompagnement humain.
C’est donc ce projet de cohésion nationale que l’on veut porter en vers et contre tout.
Cette stratégie de fracturation en marché politique n’est-elle pas la conséquence d’une perte de l’idée de Nation chez les politiques qui oublient les devoirs qu’ils ont envers elle ?
Oui, c’est très clairement cela. L’ambition d’être une Nation, l’idée que le pacte politique se noue au niveau de l’État-Nation a été rejetée par tout le monde. Par ceux qui, par tradition politique, sont de vrais mondialistes : les socialistes, les Verts et les tenants du grand marché mondial. On est allé trop loin dans cette voie. On voit bien que ce retour des nations est partout. Cette idée qu’il y a des réalités qui reposent sur les nations est une idée que je dirais vieille comme le monde, il suffit de lire la Bible ! C’est une donnée identitaire fondamentale qui n’empêche évidemment pas la conscience qu’il n’y a qu’une seule humanité comme il n’y a qu’une seule planète. Mais on ne construit rien en niant cette réalité.
Dans votre livre « Les liquidateurs : Ce que le Macronisme inflige à la France et comment en sortir » en 2021 vous parlez de ces élites qui souhaitent liquider la France. Comment renouveler cette élite mondialisée qui semble être dans le sens de l’Histoire par une élite plus patriote ?
La question de la formation des individus est très importante dans ce processus. On voit le travail de sape qui a été fait dès l’école sur la place de l’Histoire, du récit national. Quand j’étais petit, on glorifiait Vercingétorix, Jeanne d’Arc, Napoléon Bonaparte comme des grandes pages de construction de la Nation ; aujourd’hui, on a arrêté de livrer cet enseignement. Puis, ça se poursuit dans les grandes écoles. A partir des années 1990, il y a eu une forme de mainmise sur le monde politique par une technostructure porteuse d’un prêt-à-penser mondialiste. Ce fut vrai au PS comme au RPR à l’époque. J’avais beaucoup plus d’admiration pour les écoles comme Polytechnique ou l’École normale supérieure qui partagent cette idée d’être dépositaire d’une espèce d’héritage, là où à l’ENA, on était plutôt détenteur d’un privilège… Pour recréer cette élite, il y a donc un vrai travail sur l’éducation.
Je pense aussi qu’il y a des générations différentes en politique. Elles promeuvent autour d’elles des gens différents. Je pense à Nicolas Sarkozy et François Fillon qui n’ont pas été élèves de grandes écoles et qui avaient une façon de penser différente avec l’idée que la volonté politique devait primer avec une intendance qui devait suivre. La primauté du politique reste le grand défi.
En fin d’année dernière, Éric Ciotti, que vous avez soutenu, a été élu président des Républicains. Quelle influence cette élection aura-t-elle sur le groupe des députés LR à l’Assemblée ?
Je pense que ce qui est important est que nous avons un parti qui se remette à produire des idées. Quand on regarde l’histoire de la droite sous la Vème République, il y a des moments fondateurs et ce dernier moment date de 2005-2007.Sur la sécurité, l’immigration, le travail, …etc. Aujourd’hui, on ne peut plus parler de ces sujets dans les mêmes termes qu’il y a 15 ans. La question de l’immigration est vue aujourd’hui de manière plus objective parce que même des gens de gauche comprennent qu’il y a un échec profond de capacité d’intégration en accueillant 300 000 personnes par an. En Afrique, on annonce 1 milliard d’individus d’ici 30 à 40 ans, le détroit de Gibraltar, ce n’est que 13 kilomètres. Il va falloir se réveiller, sortir des discours de repentance et parler plus sérieusement avec les pays africains pour envisager un pacte gagnant-gagnant de développement du continent africain. Pour ce qui est de la question de la sécurité, la technologie et l’IA nous donnent aujourd’hui des moyens colossaux de contrôle, de traçage, d’anticipation, …etc. Le vrai débat est en termes de liberté et de savoir jusqu’où on est prêt à aller. On doit aussi avoir une réflexion très profonde sur l’écologie : aujourd’hui, les écologistes ont le monopole du débat. Or, plus la question du réchauffement climatique devient évidente et plus on a le sentiment que leur approche est anecdotique : ce n’est pas l’interdiction du barbecue qui va changer quoi que ce soit ! Aujourd’hui, la majorité de nos émissions en CO2 sont en réalité importées. On a inventé une tartufferie au service de la mondialisation : ce que l’on ne produit plus en France avec de l’énergie nucléaire, on le fait produire en exportant vers la Chine, où l’électricité est issue du charbon, puis les biens sont ramenés en Europe par porte-conteneurs. Il faut qu’on ait une vision plus cohérente et crédible sur ces sujets-là.
Il y a une vraie réflexion à avoir sur la question du « domaine du marché ». On assiste depuis une quinzaine d’années à une extension du marché et de la marchandisation, y compris dans le domaine de l’humain, mais aussi de la nature. Je suis sensible à la question de la redéfinition de ce qu’on appelle les biens communs, qui est une notion très ancienne dans notre histoire, pour lui redonner une force pour que tout ne soit pas soumis à la loi du marché.
On a d’ailleurs une illustration de l’imposition de ce dogme du marché à l’échelon européen.
On a vendu l’Europe aux peuples comme étant une “Europepuissance”, c’est-à-dire « on sera plus fort ensemble », en réalité, l’Union européenne est l’accélérateur des défauts de la mondialisation avec une concurrence déloyale au sein même de l’Union. Il suffit pourtant de relire Pompidou qui en 1972, au cours du sommet à l’Élysée dit en substance « Prenons garde à ce que les différences de niveau de vie entre les États ne faussent la concurrence ou l’Europe explosera ». C’est ce qu’on vit aujourd’hui avec les pays d’Europe de l’Est qui produisent à bas coût -souvent en sous-traitance pour l’Industrie Allemande – ce qui a conduit à la désindustrialisation de notre pays. Il faut dire que nous avons tout fait pour ne pas résister à ce choc de concurrence en n’anticipant pas du tout les conséquences du système de change fixe qu’est l’euro.
Une Europe qui tend à se fédéraliser et à laquelle Emmanuel Macron semble adhérer. A-t-il complètement perdu l’idée de la Nation préférant un mondialisme ouvert ?
J’ai essayé, assez honnêtement, de comprendre quelles étaient les véritables convictions d’Emmanuel Macron tant il a opéré des virages à 180°. Et je pense vraiment qu’il se sent Européen avant d’être Français, il croît plus en l’Europe qu’en la France. Il raisonne à l’échelle européenne et en est convaincu.
Fondamentalement, je crois au projet européen, car on a besoin de créer un bloc européen face aux blocs chinois, indien, etc. Un bloc européen qui a des valeurs chrétiennes occidentales communes. Mais c’est plus une Europe des Nations, sinon le projet politique ne fonctionne pas. Le seul pacte politique dans lequel les gens se reconnaissent est au niveau national. Le cadre de l’État-nation reste le seul cadre possible d’un pacte politique solide. Quand j’entends certains militants de la majorité présidentielle proposer pour les élections européennes des listes européennes transnationales, je me dis qu’on est chez les fous !
Aujourd’hui la France a perdu son autonomie énergétique. Qui est responsable de cet échec ? Comment s’en sortir ?
Ce sont des petites affaires politiciennes. En Allemagne, ce fut la coalition entre les Verts et Mme Merkel, en France, l’accord entre M. Hollande et les Verts. Cette trahison n’a été possible que parce que les idées anti-nucléaires se sont installées. Il n’y a qu’en Allemagne et dans les pays sous son influence (la Belgique, la Suisse, et pardon de le dire, la France) qu’on a cru à ces idées là. Partout ailleurs on a continué à faire du nucléaire : Finlande, Turquie, Angleterre… Quelle influence a eu le lobbying de Gazprom ? Il y a donc un vrai sujet sur la transparence des ONG. On ne peut pas laisser des gens apparaître comme des grands donneurs de leçons de morale dans le débat public quand ils sont bien trop souvent l’outil d’intérêts économiques puissants.
Vous avez été maire d’Anet de 2008 à 2017, et vous êtesdéputé depuis 2012, vous avez donc été député-maire. Un cumul qui a été interdit en 2014. Pour vous cette interdiction a-t-elle été une plus-value démocratique ou bien une erreur ?
C’est une farce. En réalité, c’est un projet conçu, là aussi, par les Verts qui ont installé cette idée dans le débat politique pour que les députés soient pleinement au service de leurs « idées politiques » et non plus dépendants de contingences locales. Le résultat c’est que les députés – singulièrement dans la majorité – sont devenus trop souvent les pantins des partis politiques. Sans ancrage local, dépendants d’une investiture, ils sont interchangeables et ne sont plus le contre-pouvoir qu’ils devraient être vis-à-vis du gouvernement. Le cumul des mandats donnait une indépendance. On ne devenait pas député parce qu’on était placé par un parti politique, mais parce qu’on était d’abord le fruit d’un processus de « présélection » local. C’est d’ailleurs la force de mon groupe par rapport à ceux du RN, de la NUPES ou alors de la majorité qui est composée de personnes qui existent parce qu’ils ont tous un fort ancrage d’élu local là où dans les autres groupes, ils sont interchangeables.
De plus, cette casquette d’élu local vous permet de connaître les problèmes du quotidien sur le territoire. Une étude du Cevipof publiée lors du débat législatif sur l’interdiction ducumul montrait que les parlementaires qui étaient les plus impliqués dans le débat parlementaire étaient ceux qui cumulaient !
Vous avez été président de l’Union des Jeunes pour le Progrès, mouvement de jeunes gaullistes sociaux. De quelle manière le gaullisme est-il toujours adapté à notre temps ?
Oui, il l’est plus que jamais. C’est intéressant de regarder ce qu’a fait le général de Gaulle. C’est une œuvre de redressement du pays au sens le plus complet. C’est l’idée d’affirmer la singularité de la France, son ambition, de lui donner les moyens de son indépendance et de sa souveraineté dans tous les domaines clés. C’est aussi un vrai redressement financier. Ce qu’on se plaît à oublier c’est que le général de Gaulle revient aussi au pouvoir en 1958 parce que la IVème République est au bord de la banqueroute. Le début de l’œuvre politique du général de Gaulle c’est le plan de redressement Armand-Rueff qui demande un grand effort de redressement. Que ceux qui invoquent De Gaulle pour dire qu’il faut s’opposer au recul de l’âge de la retraite révisent leur histoire ! De Gaulle a aussi été un grand réformateur sur le plan économique.
Et puis il y a grand projet de société. Ce refus de la marchandisation, de la conscience des défauts inhérents au système capitaliste même s’il sait qu’il n’y a pas d’alternative à ce système. De Gaulle est conscient de cette infirmité qui est une sorte de loi humaine dont il faut avoir conscience pour en corriger les défauts.
Selon vous, quelle est la droite de demain ?
Elle est fondamentalement gaulliste dans tous les sens du terme. Elle porte un projet de reconstruction autour de la Nation, autour de cette envie collective d’avoir un destin commun dans ce grand projet qu’est la France. Un projet qui demande donc de l’effort, des réformes pour enclencher un redressement économique.
Il y a aussi cette question de la dignité de l’Homme au sein de la société. Qui suppose une dimension plus spirituelle et respectueuse de notre environnement en luttant contre la marchandisation à l’extrême qui porte atteinte à la dignité de l’Homme et à ce que doit être sa place sur Terre.
Propos recueillis par Théo Dutrieu