Entretien avec Othman Nasrou :
Othman Nasrou est 1er Vice-président de la Région Île-de-France en charge des affaires européennes et des relations internationales.
Bonjour Othman Nasrou, les élections régionales approchent, Valérie Pécresse s’est déclarée officiellement candidate à sa réélection, quels seront les enjeux en Ile-de-France ?
L’enjeu principal devrait être d’éviter que notre région Île-de-France ne reparte en arrière dans les mains d’une Gauche qui l’a dirigée durant 17 ans et qui la menace de revenir à la ruine financière. La dette de la région avait tout simplement triplé en 10 ans avant que nous arrivions. Leurs propositions démagogiques, comme la gratuité des transports, risquent de ruiner la région. Il y aurait aussi une faillite morale, car c’est une Gauche qui cultive de grandes ambiguïtés sur sa vision républicaine et plus précisément sur sa définition de la laïcité. Nous voulons éviter ce scénario. Avec Valérie Pécresse, cela fait désormais 5 ans que nous avons remis la région sur de bons rails, que la région agit enfin très concrètement sur le quotidien de tous les Franciliens. Je pense que notre région a démontré sa capacité durant la crise sanitaire. Aujourd’hui, c’est une région bien gérée, il faut absolument qu’elle le reste.
Valérie Pécresse avait annoncé en 2019 avoir renforcé drastiquement la sécurité des usagers dans les transports en commun, pour quel bilan ?
La question de la sécurité illustre bien ce que je disais auparavant. Nous avons mis en place un bouclier de sécurité qui n’a été voté ni par la Gauche, ni par le Rassemblement national qui dénonce les problèmes mais n’est pas là pour les régler. Dans ce bouclier de sécurité existe tout un volet touchant à la sécurité dans les transports. Aujourd’hui, toutes les gares sont vidéoprotégées, ce qui n’était pas le cas auparavant. Tous les bus le sont également. Nous avons ajouté près de 1000 agents de sécurité supplémentaires dans les transports ; ce sont là des chiffres très importants. Nous avons tout simplement quintuplé le budget de la région. Quand je dis que nous avons ajouté 1000 agents de sécurité, je regrette que dans le même temps, le gouvernement ait retiré 500 policiers et gendarmes des transports en commun depuis 2017. On demande à La République en Marche, s’ils veulent faire de la sécurité, qu’ils s’adressent d’abord au Gouvernement pour que celui-ci rajoute des policiers et gendarmes dans nos transports. Nous augmentons les effectifs, eux les baissent, c’est dommage. Ce n’est pas ce qui est attendu par les citoyens de la part de l’État. Nous avons aussi mis en place un numéro d’urgence unique : le « 3117 ». A partir de cette année, nous mettons en place un commandement unifié, avec une supervision unique – SNCF, RATP, les services de sécurité des transports, la Préfecture de Paris – où arriveront les flux vidéo de 80 000 caméras de vidéosurveillance que nous avons déployées. Désormais, toutes les rames que nous achetons sont entièrement vidéoprotégées, 650 sont actuellement en circulation. C’est un effort massif et nous continuerons de le faire.
Sur quels leviers la Région peut-elle agir sur les enjeux de sécurité ? Que proposez-vous durant cette campagne pour la renforcer ?
Ce ne sont pas les prérogatives de la région mais nous avons décidé d’aller au-delà de nos compétences sur ce sujet important. Nous avons commencé par financer la vidéoprotection. Nous l’avons fait dans 333 communes différentes en Île-de-France. Toutes celles qui nous l’ont demandé ont vu leurs demandes satisfaites. On a cofinancé au total près de 6 000 caméras hors réseaux de transport. Nous avons financé des opérations de rénovation et de construction de commissariats de police nationale et de gendarmerie. Ce n’est en théorie pas notre compétence mais celle de l’État. En tout, c’est 82 opérations de ce type que nous avons soutenu financièrement. Nous finançons désormais l’équipement des polices municipales dans 300 communes : gilets pare-balles, véhicules… C’est un effort colossal pour que toutes les villes augmentent leur niveau de sécurité. Nous avons commencé des opérations d’extension, de rénovation et de sécurisation des prisons en Île-de-France. Nous voulons plus de places de prison, dans des conditions acceptables et c’est pour cela que nous les finançons nous-mêmes. L’effort de la région est significatif en matière de sécurité sur tous les plans. Je finis sur le sujet en évoquant les lycées. Nous faisons là-aussi de la vidéoprotection autour des lycées, des sujets contre lesquels vote systématiquement la Gauche. Nous avons créé des brigades régionales de sécurité – cinq au total, composées de 25 agents – qui interviennent quand il y a de l’hyperviolence, des rixes, de l’intrusion, des règlements de compte dans les lycées, et ces brigades ont déjà effectué près de 1000 interventions depuis leur création. L’enjeu de cette élection, c’est aussi que la région continue de protéger les Franciliens.
Séparatisme : en Ile-de-France, le séparatisme n’est-il pas surtout territorial avec une région totalement disparate ? Comment résoudre cette fracture territoriale ?
Nous nous battons pour la mixité sociale. La mixité sociale va dans les deux sens. Nous avons, par exemple, installé un principe durant ce mandat : la « plan anti-ghetto ». Nous arrêtons de financer du logement « très social » là où il y en a déjà plus de 30 %. On arrête de concentrer les difficultés territorialement. Nous garderons ce principe afin d’éviter tout phénomène de ghettoïsation. Globalement, le sujet des fractures territoriales en Île-de-France s’explique aussi par un sentiment de relégation. On a deux millions de ruraux dans notre région desquels on ne parle jamais. Ces ruraux étaient complètement oubliés par la région, nous investissons désormais fortement pour eux, pour la ruralité. Ces territoires étaient abandonnés par la Gauche et nous avons décidé de réinvestir pour eux. Sur la question du séparatisme, nous avons fait adopter une charte de la laïcité, adoptée en 2017, qui oblige tous les bénéficiaires de la région à signer cette charte et donc à s’engager à respecter les principes et valeurs de la République. Si jamais ils l’enfreignent par du prosélytisme ou de la radicalisation, ces structures devront rembourser la subvention. Nous ne voulons pas qu’un seul euro de la région puisse servir à financer des structures non-républicaines. Nous étions la première collectivité à adopter une charte de la laïcité et je vois que, désormais, le gouvernement, dans son projet de loi sur le séparatisme, nous emboîte le pas ; en attendant, on a perdu 3 ans.
Pour vous, le séparatisme est donc religieux et non territorial ?
Je crois que ce qu’on appelle aujourd’hui le séparatisme est la crainte d’avoir sur notre territoire des personnes et des quartiers qui ne vivent plus dans le cadre des règles de la République. Il y a des gens qui ne veulent pas respecter ces règles républicaines. Une minorité agissante qu’il faut mettre hors d’état de nuire. Maintenant, le sujet est plus large car derrière lui se trouvent les sujets de la ghettoïsation, de la mixité sociale et de la cohésion territoriale. Le contraire du séparatisme, c’est de créer une société commune en évitant les sociétés parallèles et pour cela, il faut une action des pouvoirs publics qui, malheureusement, ont parfois oublié de défendre la République sur le territoire.
Audrey Pulvar a demandé aux « blanc » de se taire dans les réunions en non-mixité, est-ce ici la faillite de nos principes républicains ? La Gauche a-t-elle perdu son combat de l’universalisme et flirté avec des idéologies racistes ?
J’étais devant mon écran de télévision quand Audrey Pulvar a fait ces déclarations. Ce n’était pas une erreur de communication mais une faute majeure. Malheureusement, elle décide d’aller volontairement vers ces thèses indigénistes, racialistes et décoloniales. Des idéologies qui considèrent que la République n’est pas universelle mais que ce qui compte c’est la couleur de peau. C’est extrêmement dangereux et très choquant. Il ne faut pas être dupe, il y a des arrière-pensées électorales et je regrette que la Gauche ait tourné le dos à la République au profit d’une clientèle électorale. Ces élections régionales sont importantes à cet égard, car la Gauche est puissante ici et surtout, c’est une Gauche qui joue avec le feu sur ces sujets. La seule capable d’être le rempart contre ces dérives de toute une partie de la Gauche, c’est Valérie Pécresse.
La montée de la violence est importante, est-ce que le thème de la sécurité est un enjeu des prochaines présidentielles ?
La question de l’ordre sera une question importante pour les prochaines présidentielles. Nos compatriotes ont le sentiment d’un vrai désordre dans le pays. Un désordre à la fois en matière de sécurité mais aussi sur la réponse pénale avec un sentiment de laxisme – 60 000 peines de prison non-exécutées tous les ans. Un désordre aussi dans le fonctionnement de l’État qui a montré ses limites durant la crise sanitaire. Je pense qu’il y a un réel besoin de sécurité mais plus généralement d’autorité et d’ordre. Je ne me reconnais pas dans les paroles de ceux qui veulent déconstruire l’Histoire de France ; il nous faut au contraire une culture en commun et nous rassembler à travers cette fierté d’être Français. Nous devons nous approprier cette histoire. Pour 2022, je pense qu’il faudra remettre de l’ordre dans notre pays.
En tant que soutien de Valérie Pécresse, vous défendez l’idée qu’il faut « mieux punir pour mieux protéger », les lois ne sont-elles pas bien appliquées en France ? Est-ce vraiment un manque de sévérité ou plutôt un manque de moyens ?
C’est surtout un manque d’exécution, et pas seulement un problème de moyens juridiques et financiers. En Île-de-France, on a réussi à faire mieux avec moins. Nous avons fait des économies : près de 2 milliards d’euros sur les dépenses de fonctionnement, une dette parfaitement maîtrisée alors que celle de Paris a doublé dans le même temps. Malgré tout, nous n’avons jamais autant investi, et ce même en matière de sécurité en suppléant l’État dans ses prérogatives régaliennes. C’est donc surtout un sujet d’exécution. Comme nous l’avons dit précédemment, ce sont 60 000 peines non-exécutées alors que le Président de la République s’était personnellement engagé à créer 15 000 places de prison supplémentaires durant le quinquennat ; il en a engagé 7 000 et encore, ce ne sont que les crédits qui sont votés. En réalité, pendant ce quinquennat, ce ne sont que 116 places de prison qui ont été construites. Ces 15 000 places sont pourtant la fourchette basse de ce dont nous avons besoin. Quand on compare la France avec d’autres pays en Europe, on n’emprisonne pas plus mais on a moins de places, des policiers moins bien équipés et que l’on ne soutient pas assez. On doit aux policiers 23 millions d’heures supplémentaires qui n’ont pas été réglées. Nous devons revoir toute la chaîne de la réponse pénale et nous devons avoir ce souci d’efficacité. Je crois qu’à travers toutes ces difficultés, ce sont les limites du « en même temps » qui ressortent.
Propos recueillis par Paul Gallard