Bonjour Pierre-Marie Sève, la situation à Mayotte révèle-t-elle une forme d’hypocrisie et met-elle en lumière l’inaction de nos politiques de sécurité concernant les clandestins en métropole ? Quand on veut, on peut ?
Indubitablement. Lorsque l’on presse le gouvernement d’agir contre les clandestins ou l’insécurité, les excuses ne manquent pas : telle mesure serait inconstitutionnelle, telle autre contraire aux droits de l’Homme, ou on manquerait de moyens, ou bien les pays d’origine ne voudraient pas reprendre leurs criminels, etc… L’expérience actuelle de Mayotte montre que ces excuses ne sont en réalité que des leurres pour éviter d’agir. Mais, je pense qu’il faut bien comprendre que l’Etat n’agit pas à Mayotte, il réagit. C’est parce que la situation est proprement catastrophique que la population est quasi-unanimement en faveur de l’opération, donc que les élus de tous bords aussi et donc – enfin – que l’Etat réagit. Si l’opération réussissait, il faudrait clairement se réjouir de son issue, mais il ne serait pas possible de parler de grande réussite stratégique. L’Etat aura mis fin à une situation intolérable, mais c’est bien le minimum qui lui est demandé.
Insécurité et immigration sont-elles liées ?
A Mayotte comme dans la grande majorité des pays où elle a eu lieu, l’immigration a un effet stimulant de l’insécurité, voire moteur (par exemple en Suède où plus de 50% des auteurs de viols sont issus de l’immigration). Depuis plusieurs décennies, les sociologues ont remarqué la surreprésentation des immigrés et des étrangers dans la délinquance. Dans « Le déni des cultures », le sociologue Hugues Lagrange établissait que les adolescents originaires du Sahel était 3 fois plus susceptibles de commettre des crimes ou délits que des adolescents élevés dans des familles autochtones françaises. En France, le débat statistique est tranché par les chiffres du ministère de l’Intérieur lui-même puisque les étrangers sont surreprésentés par rapport aux Français dans toutes les catégories de crimes et délits du code pénal.
Il n’est aujourd’hui rationnellement pas possible de nier le lien entre insécurité et immigration, ce qui ne règle d’ailleurs pas le débat qui existe sur la solution pour régler ce problème. Encore plus d’intégration ? Plus de sévérité judiciaire ? Moins d’immigration, voire un renvoi des criminels ? Vue la gravité de la situation, il faudrait certainement un peu de tout.
Vous accusez l’État d’inaction « sécuritaire » dans un édito publié sur Valeurs Actuelles, quelles sont les raisons de ce laxisme ?
Avant même de parler des raisons, le constat est clair : l’insécurité a explosé ces dernières décennies (+600% de coups et blessures en 30 ans, +100% de viols en 10 ans, etc..) et l’Etat n’a absolument pas répondu avec la célérité nécessaire. Le nombre de places de prison stagne depuis 10 ans, les mécanismes d’aménagements de peine se sont multipliés (et continuent de se multiplier avec la récente libération sous contrainte de plein droit) et comble de l’inaction : des libérations massives de détenus ont lieu, comme les 6000 détenus libérés lors de la pandémie de covid.
Sur les raisons de cette inaction, je pense que trop de responsables politiques ont agi de manière irresponsable ces dernières décennies, sans penser aux conséquences de leurs décisions ni au futur de notre société. Je pense aussi que l’immense influence de la gauche judiciaire a eu un effet moral et politique dévastateur sur ces responsables, les poussant toujours à traiter la délinquance par la même stratégie : éviter la prison, tenter de réinsérer les délinquants, protéger toujours plus les droits des accusés. Avec le résultat qu’on connait à cette stratégie.
Les positions de Gérald Darmanin et Éric Dupont-Moretti sont aux antipodes, est-ce la preuve de cette ambivalence coupable d’Emmanuel Macron ?
Emmanuel Macron est le capitaine d’un bateau qui coule. Mais plutôt que d’écouter la voie de la raison et de colmater les fuites, sa seule priorité est de ménager le plus possible tous les membres de l’équipage. Le problème, c’est que malgré ces ménagements, l’équipage continue à se diviser et implosera de toute façon, entre les « wokes » et les « conservateurs », car ce sont 2 visions irréconciliables. Et dans le même temps, les petites fuites qu’étaient la délinquance et l’immigration se sont accélérées et sont devenues de vraies bombes à retardement.
La justice est-elle la raison principale de la montée de l’insécurité ?
La raison principale est à la croisée de la Justice et de l’immigration incontrôlée. Je m’explique : la Justice française ne sait pas comment sanctionner des personnes dont les codes culturels sont à mille lieux des nôtres. Comment un juge peut-il savoir si sa peine est dissuasive lorsqu’il parle à un homme d’origine afghane par exemple, où 90% de la population préconise la peine de mort pour l’apostasie. Lorsque l’on ajoute à cela des encouragements multiples – contenus dans la loi – à libérer les criminels, naturellement, la Justice perd toute crédibilité et ce faisant n’accomplit aucunement son rôle fondamental qu’est la dissuasion.
L’Institut pour la Justice a sorti une étude révélant que 4 condamnés sur 10 ne vont jamais en prison, comment expliquer ce chiffre effrayant ?
C’est précisément pour les raisons que j’ai développées plus haut. Depuis les années 1980, la France traite l’insécurité par une stratégie : éviter le recours à la prison. Ce qui voulait d’abord dire faire sortir de prison des personnes qui y sont (ce sont les multiples lois d’amnisties et les mécanismes de réduction des peines), mais cela se traduit depuis 20 ans par une autre stratégie, complémentaire si je puis dire : ne plus faire entrer en prison ceux qui sont supposés y entrer. Depuis 1994, et surtout depuis la loi pénitentiaire de 2007, la plupart des délinquants condamnés à des peines de prison ferme allant de 1 mois à 2 ans ne vont plus en prison. Ce qui explique que 4 condamnés à de la prison ferme n’y mettent pas les pieds et que chaque condamné effectue en moyenne que 62% de sa peine.
A Nice, le quartier des Moulins fait douloureusement l’actualité, peut-on rétablir l’ordre dans ces zones de non-droits ?
Il faut noter qu’un droit et un ordre existent dans ces quartiers, ce sont simplement la loi et l’ordre des dealeurs. Ces derniers n’ont d’ailleurs que peu intérêt à la petite délinquance. Pendant les fameuses émeutes de 2005, ce sont les quartiers tenus par les dealeurs qui n’ont pas flambé. L’ordre peut d’ailleurs y être rétabli momentanément. Lors d’opérations de police ponctuelles, il n’y a aucun quartier de France où la loi de la République ne puisse pas s’appliquer. Tout le problème serait de le tenir dans le temps, ce qui engagerait un nombre considérable de forces de sécurité. L’ancien préfet Michel Aubouin avait publié d’ailleurs un essai inquiétant dans lequel il annonçait que si un jour le gouvernement décidait de lutter contre le trafic, les cités entreraient dans un mode insurrectionnel, « alors la France pourra trembler, car il ne s’agira plus d’opérations de maintien de l’ordre classiques mais d’opérations de guerre exigeant des moyens dont nous ne sommes pas sûrs de disposer ».