Rémi Tell est un entrepreneur engagé dans la vie publique. Adolescent, il a été scolarisé au Collège du Bois d’Aulne de Conflans-Sainte-Honorine, dans lequel enseignait Samuel Paty.
Trois mois après l’assassinat de Samuel Paty, et alors que son collègue Didier Lemaire tire la sonnette d’alarme à Trappes (Yvelines), comment jugez-vous l’évolution de la lutte contre l’islamisme dans notre pays ?
Aucune leçon véritable n’a été tirée du martyre subi par Samuel Paty. Pire, la situation semble s’être encore aggravée, avec une contagion de la victimisation identitaire à tout le débat public et un déni gouvernemental jamais atteint sur ces questions. Quand le Ministre de l’Intérieur affirme que « l’islamisme n’a pas de religion », il insulte la mémoire des Français dont l’islam politique a pris la vie. Et que dire des accusations portées contre certains groupes chrétiens pour masquer la nature véritable de ce qui nous menace ? Dans une démocratie saine, M. Darmanin aurait été contraint de démissionner pour ces amalgames odieux.
Y a-t-il également, comme le sous-entend Didier Lemaire, une responsabilité des élus locaux dans ce fiasco ?
J’en ai été le témoin direct, et cela fait partie des raisons qui m’ont poussé à démissionner de mon mandat dans les Yvelines en juillet 2017. En périphérie des grandes villes, beaucoup de Maires se sont accommodés de la montée des revendications communautaires, par lâcheté ou par calcul électoral. Force est d’ailleurs de constater que nombre d’entre eux sont étiquetés à droite… Si la responsabilité de la gauche dans cette déroute est monumentale, je n’oublie pas la compromission d’une partie de notre famille de pensée.
Vous avez, comme élève puis au titre de vos fonctions d’élu chargé de la jeunesse, fréquemment arpenté les couloirs du collège du Bois d’Aulne où enseignait Samuel Paty. Quel regard portez-vous sur les événements du 16 octobre 2020 ?
Tout d’abord, ce drame témoigne de la dynamique terrifiante animant l’islam politique. Jamais il n’avait été question de religion du temps de ma scolarité dans cet établissement. Dix ans plus tard, des élèves y ont vendu leur professeur pour quelques propos anodins sur la liberté d’expression… Ensuite, Samuel Paty ne serait pas mort si l’écosystème censé le protéger avait joué son rôle. Entre ceux qui ont crié avec la meute après le cours du 6 octobre, les autres qui ont considéré que c’était seulement le problème de l’éducation nationale…la chaîne des complicités est immense.
Dans ce contexte, le projet de loi contre le séparatisme constitue-t-il un espoir à vos yeux ?
En passant à côté des enjeux essentiels et en créant de la confusion sur la notion de séparatisme, ce texte risque au contraire de galvaniser nos ennemis. Selon moi, il est le produit de deux impensés : le premier est celui de la question migratoire, totalement évacuée alors qu’elle se situe au cœur du problème : le changement de population imposé à la France depuis les années 1970 ne peut plus durer à moins d’accepter le risque de la guerre civile. Le second impensé réside dans l’absence de récit alternatif offert à notre jeunesse. C’est une faute de laisser croire que notre identité culturelle se résume aux caricatures. Notre pays vaut bien mieux que cela. Il est riche de ses 1500 ans d’Histoire, de sa langue, de ses paysages et – assumons-le – de la religion qui l’a fait.
Quelle vous semble être la priorité pour vaincre l’islam politique en France ?
Nous devons changer d’approche et sortir du fétichisme républicain. C’est la France qu’il nous appartient de transmettre, non l’idée qu’il faudrait mettre un signe égal entre 15 siècles d’histoire chrétienne et 60 années de présence musulmane sur notre territoire. L’islam a toute sa place en France, mais comme religion et culture minoritaire. Tant que nous n’aurons pas le courage d’assumer cette vision pour notre pays, le sang coulera dans nos rues.
Propos recueillis par Guillaume Pot