Serge Grouard est maire Les Républicains d’Orléans.
La laïcité est-elle en danger en France ? Surtout, est-elle toujours bien comprise ?
Les enjeux de la laïcité et sa définition ne sont pas toujours bien compris. La laïcité est pourtant un concept très simple et clairement énoncé dans la loi de 1905 : c’est à la fois la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais également le fait que la religion n’empiète pas sur le domaine public et le principe du droit à pratiquer une religion librement. Enfin, la laïcité française garantit l’égalité des religions entre elles. Le concept est malheureusement trop souvent mal interprété voire manipulé. La laïcité n’est pas le dialogue interreligieux. Ce concept de laïcité est puissant, philosophiquement abouti mais il faut le protéger car la laïcité est menacée en France.
Que pensez-vous de la loi « Renforcer la laïcité et conforter les principes républicains » ? Va-t-elle au fond des choses ?
La loi proposée par le Gouvernement est assez technique. Elle peut améliorer certains points précis en matière de sécurité mais le fond du problème n’est lui, pas réglé : le réarmement moral, matériel et politique de l’Etat doit primer. Un exemple qui touche à la question de la sécurité : la décision du Conseil d’Etat du 12 février qui considère que pour un étranger, faire l’apologie du terrorisme ne suffise pas à remettre en cause son statut de réfugier afin de l’expulser. Quand un pays en est arrivé là, c’est qu’effectivement la volonté politique est absente. On peut faire tous les textes législatifs que l’on veut, cela ne changera rien.
Que pensez-vous du changement sémantique – avec le retrait du terme séparatisme ? Est-ce un rétropédalage du gouvernement ?
Le gouvernement est mal à l’aise pour nommer les choses. Ceci est le signe d’une gêne, manifestation d’une volonté claire : Il veut lisser les choses, être dans la demi-mesure afin de ne vexer personne ; c’est typique. Aujourd’hui, la situation de la France est suffisamment grave pour qu’on prenne le problème à bras le corps, surtout que cela dure depuis des années …
Le gouvernement a décidé de s’en prendre au groupuscule d’extrême-droite Génération Identitaire, peut-on réellement le mettre sur le même plan que le séparatisme islamiste ?
Pas du tout ! Personnellement je ne connaissais même pas ce groupuscule, la preuve qu’il n’est pas si dangereux que ça. Vous voyez, c’est là qu’on voit le « savant » dosage politique : le souci de mettre tout sur le même pied. Finalement, on n’identifie pas l’adversaire. Je ne partage évidemment pas les idées de ce groupuscule mais je regarde simplement le danger qu’il représente pour notre pays et notre société. On est très loin du péril de l’islamisme.
En tant que Maire, constatez-vous ces dérives séparatistes dans votre ville ?
On constate certaines dérives séparatistes, elles se situent surtout dans le renforcement des tendances de l’islamisme radical. À Orléans, nous mettons en place un certain nombre de dispositifs efficaces. Nous avons par exemple le dispositif de prévention de la radicalisation. L’objectif est d’accueillir puis accompagner des personnes afin d’éviter qu’elles ne basculent dans le radicalisme islamique. On a eu, par exemple, une jeune fille en partance pour faire le jihad qui, à l’aide de cet accompagnement, n’est pas partie et a même repris des études d’infirmière. C’est un travail de l’ombre, très précis, sur des personnes qu’on ne laisse pas dériver. Lorsqu’on a quelques personnes à prendre en charge, on sait le faire, mais quand le nombre augmente beaucoup, ça devient compliqué.
C’est là où il faut dire les choses. Je dis par expérience que de manière plus large, sur les questions de sécurité, de prévention de la délinquance, donc aussi de prévention de nombreuses dérives, lorsque les objectifs politiques sont clairement énoncés, lorsqu’il y a des dispositifs, que l’on travaille sur la durée, on obtient des résultats. Il n’y a pas de batailles perdues, que des combats non-menés. Lorsqu’on les mène réellement, il n’y a pas de raisons de les perdre. Mais il faut avoir les objectifs politiques clairs et nets, affichés et revendiqués, mettre les dispositifs et les moyens. Je vois les indicateurs à Orléans qui sont froids mais qui ont l’objectivité, on diminue la délinquance des mineurs, c’est un fait. Si vous diminuez cette délinquance, vous diminuez l’isolement, l’échec scolaire – dont on sait l’importance. On ne réussit pas toujours et c’est pour cela qu’il faut accompagner tout cela d’autres dispositifs : prévention, réussite éducative, sanction et répression. Il faut aussi lever les tabous qui existent dans notre pays dont en particulier celui de l’immigration, parce qu’on n’y arrivera pas avec cette immigration massive.
Pensez-vous que le séparatisme est lié à l’immigration ?
Evidemment, s’il n’y avait pas cette immigration, nous ne constaterions pas l’ampleur des difficultés. Après il faut du discernement, les extrêmes vont nous dire que tout immigré est un islamiste en puissance, évidemment que non. Nous pouvons parler des difficultés premières avec bon sens et sans en oublier pour autant la fermeté nécessaire. Il faut oser dire les choses. Nous sommes en train de lever ce tabou de l’immigration. On se base sur les chiffres, 400 000 personnes entrent tous les ans et 200 000 restent sur le territoire national, en 1 mandat vous avez 1 million de personnes étrangères en plus sur le territoire national ; ce sont les chiffres de l’INSEE. Il y a un voile pudique qui ne veut pas dire les choses et pourtant c’est une réalité. Une partie de cette immigration provient d’une culture diamétralement opposée à la nôtre et est de confession musulmane. On peut continuer à faire de l’angélisme, mais je suis dans la réalité et en tant que Maire, je la vois tous les jours.
N’y aurait-il pas un problème lié aussi à l’assimilation, à l’éducation, est-ce que la République donne envie de s’intégrer ?
D’un côté oui, nous avons un discours de repentance mais la France est un bon pays où l’on vit bien, c’est un pays de culture et de libertés. N’importe quel gamin s’il en a envie peut s’instruire. L’égalité des chances n’est pas complète certes, mais on n’empêche personne d’apprendre, sauf peut-être dans certains milieux sortant du cadre républicain – les filles sont parfois empêchées d’études. Nos valeurs proviennent de siècles entiers d’histoire et parfois de combats. Ça mérite d’être défendu ! Quand on voit l’affaire de Trappes, je constate qu’un enseignant a utilisé sa liberté de parole, désormais, il est obligé de quitter l’Education Nationale. Si l’on multiplie le nombre de ces faits, quels seront les enseignants qui auront encore le courage d’enseigner ? La liberté est un principe fondamental. De nombreuses personnes expriment des idées opposées aux miennes mais je suis d’accord pour qu’ils continuent de les exprimer – excepté s’ils outrepassent le cadre normatif. Une certaine censure qui ne dit pas son nom s’installe.
Si l’on réaffirme nos valeurs, bien-sûr que l’intégration peut se faire. A Orléans, on a mis en place des dispositifs de réussite éducative, qui sont la clé de l’insertion dans la vie professionnelle. Nous avons, par exemple, ouvert l’école de la deuxième chance depuis quelques années maintenant. On reprend des jeunes qui sont sortis du système scolaire sans rien, ils sont dénués de tout et on leur propose de revenir dans l’éducation, de refaire de la formation, de travailler sur leurs faiblesses… Il y a quelques cas où cette démarché a échouée mais nous avons de bons résultats. Il n’y a pas de fatalité mais, encore une fois, il faut oser prendre le problème à bras le corps. C’est un ensemble dans lequel on retrouve la lutte contre l’immigration clandestine, un combat pour l’intégration et une politique de réussite éducative mais sans oublier de sanctionner quand il le faut ! Sortons de la demi-mesure !
La montée de la violence chez les jeunes ne serait-elle pas un nouveau séparatisme plus générationnel ?
Ce phénomène de bande, de repli sur un territoire et de défense de celui-ci, est quelque part assez vieux mais augmente ces dernières années. Prenons quelques précautions cependant avec le prisme médiatique. Ce sont des jeunes qui se sont exclus du système et qu’on laisse totalement à la dérive. C’est là où c’est très compliqué. Il faut les connaître. Un gamin n’est pas par essence ultra violent, il le devient en se laissant entraîner par cet effet de groupe. Un phénomène de bande en corrélation avec l’argent facile des trafics de stupéfiants, ne l’oublions pas. Ces gamins sont jeunes et la perspective d’obtenir certaines sommes pour pas beaucoup de travail – guetteur, puis vendeur – les attirent. On le voit bien, c’est le déficit du contrôle parental qui en est le premier facteur. A Orléans, nous avons un dispositif sur la parentalité. On fait venir les parents pour la petite délinquance, ils sont convoqués grâce au dispositif « Conseil des droits et devoirs des familles ». On les met face à leur responsabilité. Ensuite, en fonction des situations, la famille en question passe devant un conseil local de sécurité – réunissant les différentes autorités – et nous mettons en place des solutions personnalisées pour chaque famille. Le plus important est le suivi de la situation et de l’enfant. Le travail est lourd donc on ne peut pas le faire pour le plus grand nombre.
Quelle est votre vision de la droite de demain ?
Nous avons besoin d’une Droite en phase avec la réalité des problèmes de notre société. Elle ne doit pas s’auto-censurer et dans ce sens, il est nécessaire qu’elle ait le courage d’affirmer les choses. Cette Droite doit rester force de propositions et dans une volonté de construction. Nous devons rétablir la proximité avec les citoyens. Toutes les formations politiques ont perdu ce lien avec le peuple. Il faut identifier les phénomènes et ne pas tomber dans cette bien-pensance insupportable. Aujourd’hui, nous avons à comprendre que le pays est au bord de la déliquescence. L’enjeu est historique. Il faut le courage de le dire pour avoir le courage de le faire ! Nous avons abordé les questions de sécurité, de l’islam radical, nous aurions pu parler aussi du dérèglement climatique, tous ces enjeux sont vitaux. La France a dû faire face à ces défis en même temps mais elle a toujours su se relever. Notre exemple doit être celui du Général de Gaulle en 1958, en dix ans seulement il a remonté la France parmi les pays les plus puissants du monde. Il faut s’inspirer de cette volonté !
Propos recueillis par Paul Gallard pour droite de demain.