(Entretien) Sophie de Menthon, « Le libéralisme est un mot qui est devenu tabou »
(Entretien) Sophie de Menthon, « Le libéralisme est un mot qui est devenu tabou »

(Entretien) Sophie de Menthon, « Le libéralisme est un mot qui est devenu tabou »

Sophie de Menthon est présidente du mouvement Ethic.

Crédits Photo : CC BY-SA 4.0

Bonjour Sophie de Menthon, nous venons de sortir des présidentielles. Vous qui avez pu interroger les candidats avec le mouvement ETHIC, quel est votre sentiment sur leurs programmes économiques ?

Le libéralisme est un mot qui est devenu tabou. Il n’a été prononcé par aucun candidat excepté Jean-Luc Mélenchon pour l’associer au diable. Ce qui est encore plus regrettable, c’est la faible utilisation du terme « entreprise », devenu pratiquement invisible dans le programme des candidats. Lors des débats, il était étonnant de constater une dissociation de la problématique de pouvoir d’achat et de la notion d’entreprise. Le Gouvernement se met en scène avec la distribution de chèques pour tout et rien : chèque essence, chèque énergie, voire chèque alimentaire, au gré des situations. Les politiques ont un peu trop vite oublié que ce sont les entrepreneurs qui possèdent le chéquier ! Les entrepreneurs souhaitent mieux rémunérer leurs salariés et cela passera par la mise en place d’un environnement économique propice. En ce sens, j’ai lancé un grand appel à travers une pétition pour un libéralisme disparu, signée par Hervé Novelli, Luc Ferry, Jérôme Dedeyan, Patricia Balme… [cf lien ci-dessous]. Dans sa définition, le libéralisme correspond à la liberté d’entreprendre et à la confiance de chaque individu accompagné de sa responsabilité individuelle.

Beaucoup de candidats ont appelé une réindustrialisation de la France, est-ce souhaitable ? Faut-il sortir du modèle d’entreprises de produit à valeur ajoutée ?

Bien sûr que la réindistrialisation est nécessaire mais cela ne dépend pas de la décision de l’Etat centralisateur. Je préside le mouvement patronal ETHIC et nous avons émis un rapport sur la « relocalisation des industries ». Si nous sommes dans cette situation, c’est la conséquence de décisions d’Etat ces trente dernières années en misant sur les industries de services. Là encore, nous nous heurtons à de nouvelles difficultés. D’abord, nous ne demandons aucune aide mais bien un environnement favorable et une administration moins lourde afin de pouvoir relocaliser. Par exemple, nous avons au sein de notre mouvement une société, Velcorex, qui a complétement relocalisé toute une filière textile, et qui a même planté des champs de lin en France. Pour réussir cette réindustrialisation, il faut rapatrier toute la filière dans son ensemble, sans quoi ce sera un échec car nous serons toujours tributaires de l’étranger. Relocaliser important pour avoir une traçabilité des produits importés. Cependant, les contraintes écologiques nous handicapent également. Le Président nous garantit un monde plus écologique pour son deuxième mandat, mais il oublie que ce sont les entreprises qui permettent l’écologie grâce à leurs recherches et leurs innovations, or les écologistes débarquent dans tous les recoins de notre territoire pour faire freiner la moindre initiative au nom d’une potentielle pollution…

Comment interprétez-vous le « quoi qu’il en coûte » du gouvernement ?

Il faut dissocier deux choses. L’Etat a été très solidaire durant la crise et a sauvé l’économie grâce à ses mesures : la mise au chômage partiel des salariés et la compensation pour certains secteurs. Cependant, nous ne sommes désormais plus en pandémie. Stop au chéquier ! L’Etat peut mettre la main à la poche dans certaines circonstances mais si l’économie va mal et que l’inflation augmente, ce n’est pas à l’Etat de compenser. C’est impossible. Cette pratique ne doit pas perdurer.

Jean-Luc Mélenchon est monté dans cette présidentielle en critiquant l’image du mauvais patron capitaliste, ce qui tranche avec l’image du bon patron donneur d’emploi…

Jean-Luc Mélenchon est le Robespierre des entreprises ! Il est pourtant minoritaire sur ces sujets quand on constate qu’il y a 80% d’opinions favorables envers les chefs d’entreprises ; en comparaison, les politiques sont à 15 %. L’année dernière lors de notre opération annuelle « J’aime ma boîte » qui célèbre les toutes les entreprises, un sondage OpinionWay soulignait que 77% des salariés étaient confiants dans leur entreprise. Les Français ont bien assimilé le fait que le travail vient de l’entreprise, que les patrons ont désormais un devoir envers les salariés. Une nouvelle fois, le candidat Insoumis se démarque par des faux slogans, de fausses promesses et disons-le, des mensonges.

Quelles sont les peurs des entrepreneurs ?

Le problème majeur est la difficulté de recrutement pour les chefs d’entreprise même si l’on nous vante la perspective du plein emploi. Nous avons à nous adapter à un nouveau mode de travail, en prenant compte de la pandémie avec les changements qu’elle a apportés. Certains travailleurs à distance désirent revenir travailler en présentiel car ils ne supportent pas l’isolement, alors qu’a contrario, d’autres ne veulent plus revenir. La crainte de perdre le contact social est concrète. Les entreprises vont avoir à faire face au défi de l’adaptation. Les très grandes entreprises ont craint la crise ukrainienne, notamment dans le rapatriement d’importantes filières depuis la Russie. Avec la Chine qui ne fournit plus, la crise sanitaire, la crise ukrainienne, les entreprises ont été de véritables héroïnes de ces crises, elles ont tenu le cap. Nous n’avons pourtant reçu aucune reconnaissance. Aucun politique n’a exprimé un soutien en faveur du monde de l’entreprise.

Pourquoi les secteurs politique et économique ont-ils encore du mal à faire confiance aux femmes dans des postes à responsabilité ?

Ce sont des problématiques qui évoluent de jour en jour. Le temps n’est pas arrêté, c’est de moins en moins vrai. Demeurent encore quelques difficultés, notamment dans le différentiel de rémunération entre hommes et femmes à travail égal. Cependant, le néo-féminisme doit être arrêté car il est contreproductif : on croit aider les femmes avec l’écriture inclusive, en les faisant passer sans arrêt pour des victimes et en les infériorisant. Pour qui ces gens prennent-ils les femmes d’aujourd’hui ? Si j’ai besoin d’une place, je n’ai en aucun cas besoin d’un homme pour me la donner !

Quel est votre regard sur la montée du wokisme dans les grands groupes ?

Je suis très critique et sévère envers cette idéologie woke. Elle représente la décadence de notre civilisation occidentale. Le respect du désir de l’individu doit être considéré mais il ne faut pas tomber dans de tels extrêmes.

Concernant l’appel que vous lancez, en quoi la mort du libéralisme est-elle si grave ?

Le libéralisme est apparu au siècle des Lumières. C’est avant tout la liberté et la responsabilité individuelle, la liberté d’entreprendre, la liberté d’agir et de circuler. L’Etat doit s’en tenir à son rôle fondateur d’assurer ses fonctions régaliennes. Quand on prend la définition du dictionnaire de l’Etat libéral, son rôle n’est pas d’assurer la loi de la majorité mais de protéger la liberté des individus. Pourquoi un tel appel ? Tout simplement pour combattre les idéaux de l’extrême-gauche menée par Jean-Luc Mélenchon, dont le principal objectif est de mettre fin à cette idéologie pourtant si fondamentale à notre Etat de droit.

Comment vous aider dans votre action ?

D’abord, je crois au mouvement ETHIC que nous avons créé. L’objectif est de mettre en place une véritable éthique au sein des entreprises. L’éthique doit s’adapter aux nouveaux modes de travail. Les libéraux doivent obéir à leurs propres règles éthiques. Par exemple, au sein de notre mouvement, nous refusons totalement le concept de retraites chapeaux, car on ne peut pas vouloir prendre notre retraite à l’âge que l’on veut et en même temps donner une retraite disproportionnée à un patron. Le libéral n’est pas un ogre ! En revanche, il faudrait cesser que nous soyons les « sujets » de l’Etat plus que des citoyens. Des sujets qui entretiennent l’Etat dans un train de vie exorbitant.

Propos recueillis par Paul Gallard pour droite de demain.

Pour signer l’appel de Sophie de Menthon :

https://www.change.org/p/sos-lib%C3%A9ralisme-en-danger

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