(Entretien), Yannick Neuder, « La santé n’a pas de prix mais elle a un coût »
(Entretien), Yannick Neuder, « La santé n’a pas de prix mais elle a un coût »

(Entretien), Yannick Neuder, « La santé n’a pas de prix mais elle a un coût »

Bonjour monsieur le député, vous êtes membre du “shadow cabinet” des Républicains en charge des questions de santé. Pouvez-vous nous expliquer quel est l’objectif de cette ?

Cette fonction exige premièrement de réaffirmer la ligne des Républicains sur les thématiques de santé, des préventions, des solidarités qui sont des thèmes assez larges. Mais également, il faut que nous soyons force de proposition dans l’alternative que nous proposerons en 2027. Enfin, c’est surtout un suivi de l’action gouvernementale pour pouvoir être dans la riposte vis-à-vis des politiques de santé qui pourraient être proposées par le Gouvernement, et pouvoir ainsi être force de propositions aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, aussi bien en commission que lors de la proposition de textes.

Le PLFSS sera bientôt proposé au Parlement. Quelle sera la position des Républicains sur le texte de financement de la Sécurité sociale ?

Au moment où l’on se parle, le texte vient d’être proposé il y a quelques heures. Avant de pouvoir être force de proposition, il faut tout d’abord laisser le travail parlementaire s’effectuer en commission.

Nous sommes un parti de Gouvernement, notre ligne est donc d’être un parti de responsabilité. Donc nous n’irons pas dans la surenchère des mesures au niveau du PLFSS parce que la santé n’a pas de prix, mais elle a un coût. Nous serons dans une position qui consiste à ne pas faire des économies sur le dos de la santé. En France, nous avons un budget global qui est considérable avec 3 000 milliards d’euros de dette, dont plus de 1 000 milliards ces cinq dernières années avec Emmanuel Macron. Nous sommes le dernier pays européen à contenir son déficit en dessous de 3 % du PIB, il faut donc faire des économies. Nous allons donc nous tenir à une position de contre-budget pour la France avec pour objectif de diminuer la dépense publique. Cela tout en diminuant les prélèvements obligatoires en étant le parti de la baisse des impôts. Nous voulons devenir le parti de la fiche de paie parce que la priorité des Français est le pouvoir d’achat.

Concernant le PLFSS, il y a cinq branches. Sur la branche famille, qui est l’une des branches excédentaires, je pense qu’il faut que l’on propose une vraie politique familiale. Le taux de natalité baisse en France, il faut donc une politique familiale forte avec un retour à l’universalité des allocations familiales qui a été supprimée par François Hollande. Mais également proposer des politiques innovantes pour favoriser le travail lorsque l’on a des enfants. Naturellement, le gros des choses de ce PLFSS se retrouve sur la branche santé. Il faut avoir des mesures d’efficience de soins, de lutte contre les fraudes sociales. Il faut arrêter de mettre la pression sur l’hôpital et les personnels en renforçant leur attractivité et en arrêtant de bureaucratiser l’hôpital par l’imposition des tâches inutiles. Il faut redonner de la liberté aux soignants en les laissant soigner. Pour la médecine libérale, il faut permettre une juste revalorisation des actes qui ne l’ont pas été depuis une dizaine d’années.

Il ne faut pas faire d’économie en laissant les mutuelles couvrir les frais, car ce seront in fine les plus démunis et nos retraités qui en paieront le prix par l’augmentation des cotisations. Nous devons garder un système social solidaire.

Vous avez été nommé vice-président du groupe d’étude de l’Assemblée sur les déserts médicaux et l’accès au soin. Est-ce que le droit d’être soigné est garanti aujourd’hui en France ?

Malheureusement non. C’est pour cela que je viens de déposer une proposition de loi à l’Assemblée nationale. 87 % des territoires français sont des déserts médicaux. J’ai donc déposé cette proposition de loi qui vise à former davantage de professionnels de santé. Toutes ces situations de mauvaise prise en charge s’expliquent par le manque de bras dans le milieu de la santé.

Je pense que nous avons tout fait pour décourager notre jeunesse de faire ces formations dans le domaine de la santé. Lorsque l’on regarde les résultats de Parcoursup, ces professions sont les plus plébiscitées, pour autant, 90 % de notre jeunesse est découragée. Elle n’a plus le droit de redoubler avec le PASS/LASS. Une bonne partie de nos étudiants part à l’étranger. Je propose donc une suppression totale du numerus clausus, permettre de rapatrier nos jeunes Français partis faire leurs études à l’étranger d’être rapatriés dans nos facultés françaises pour poursuivre leur cursus et aussi de permettre à tous les professionnels de santé dans le paramédical de reprendre un cursus de médecin.

C’est uniquement par une augmentation de nos professionnels que nous pourrons faire face à la demande de soins.

Pensez-vous que les nouvelles formes de consultations “à domicile” ou encore en “téléconsultation” peuvent être une solution à la crise de l’hôpital public ?

Je ne pense pas. Quand on a un certain nombre de pathologies, que l’on a des douleurs abdominales ou que l’on fait un infarctus, ce n’est pas la téléconsultation qui répondra à votre problématique. L’on aura toujours besoin d’une médecine présentielle à travers un examen clinique d’un professionnel de santé. Cela pourrait n’être utile que dans des situations de renouvellement d’ordonnance ou d’examen de symptomatologie mineure. C’est donc une aide, mais pas une véritable alternative. La seule solution passe par l’augmentation des soignants.

Vous avez, dès le début de votre mandat, demandé la réintégration des soignants non-vaccinés. Le gouvernement a finalement annoncé leur réintégration au mois de mai dernier. Que pensez-vous de cette réaction tardive ? Quelles sont les conséquences de cette lenteur ?

C’est pour moi une forme de scandale d’État. J’ai effectivement demandé très rapidement la réintégration de ces soignants et l’État a mis plus de six mois à réagir. Je demandais cette réintégration, car l’État n’avait pas de logique : on a demandé à des personnels soignants vaccinés, atteints par la Covid avec des symptômes faibles de venir travailler alors qu’en même temps, l’on interdisait aux professionnels de santé qui n’étaient pas vaccinés, mais qui n’avaient pas la Covid de ne pas venir travailler.

Pour le patient, si l’on se place sur la focale de la prise de risques, il vaut bien mieux être soigné par une infirmière qui n’a pas la Covid, mais qui n’est pas vaccinée que de l’être par un personnel de santé atteint par la maladie. On a demandé à des personnels soignants vaccinés, atteints par la Covid avec des symptômes faibles de venir travailler alors qu’en même temps, l’on interdisait aux professionnels de santé qui n’étaient pas vaccinés, mais qui n’avaient pas la Covid de ne pas venir travailler. Nous avons été le dernier pays d’Europe à se rendre compte de cette aberration !

Je pense que le Gouvernement a voulu se protéger juridiquement vis-à-vis de certaines juridictions.

Cela a conduit à une démotivation des effectifs et a nuit à la bonne prise en charge des patients.

La crise du Covid a révélé que nous ne produisions plus de médicament sur le territoire français, pas même des antibiotiques. Le Ministre de l’Économie avait annoncé en début d’année un plan de réindustrialisation du pays. Est-ce que ce plan prévoit la création d’une industrie pharmaceutique sur notre territoire ?

Il y a des mesures qui sont prises, mais il faut désormais voir ce que cela donne dans l’application. Je pense que l’enseignement de la crise sanitaire est qu’il y a eu une véritable crise de souveraineté. Je rappelle que l’on ne trouvait pas de masques, pas de respirateurs artificiels qui étaient fabriqués pour les uns en Chine, pour les autres en Allemagne et que chaque pays commençait par regarder son propre provisionnement. Cela est malheureusement le résultat de décisions peu glorieuses. Auparavant, le médicament a été la variable d’ajustement du PLFSS. Il est facile de diminuer ou de dérembourser des médicaments. Le problème est que quand on le fait de manière systématique, les industriels, producteurs de ces médicaments, qui font eux-mêmes face à l’augmentation des matières premières et de la hausse de l’énergie et qui font face à des tarifs réglementés qui tendent à ce qu’on achète le moins cher possible, ont un coût de productivité qui n’est plus abordable en France. On va donc procéder à une délocalisation pour avoir un coût du travail moins cher. Sur un marché mondial, la France est loin d’être le premier pays à être approvisionné en médicaments. Cela va prendre du temps avant que la tendance de délocalisation soit inversée.

Propos recueillis par Théo Dutrieu

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