Entretien avec Eric Pauget, député de la 7èmecirconscription des Alpes -Maritimes et conseiller municipale d’Antibes Juan-les-Pins.
Vous êtes vice-président du groupe d’études sur la valorisation des activités touristiques, quel jugement portez-vous sur le plan de relance et sur le plan tourisme en particulier ?
Sur l’aspect réaction du gouvernement, il y a eu une réaction assez rapide de l’Etat et notamment sur la problématique du tourisme. Dès le mois d’avril-mai, nous avons senti que nos gouvernants ont pris la dimension de cette problématique avec des réponses largement apportées par les propositions de notre groupe, qui a beaucoup travaillé entre mars et juin.
Le fait du report des charges, la mise en place du P.G.E (Prêt garanti par l’Etat), l’exonération des charges sociales ont été des réponses à la hauteur.
Pendant l’été, il y a eu ce qu’on appelle le plan tourisme qui a été chiffré à hauteur de 18 milliards d’euros. Or, dans cette enveloppe, une grande partie de ce montant est consacré aux valorisations de chômage partiel des salariés de la filière du tourisme. On notera des points positifs, particulièrement au-delà de la période de confinement, la volonté de préserver un certain dispositif d’aides comme : Le fond de solidarité, le bénéfice du chômage partiel, le P.G.E prolongé, l’exonération de charge après le 11 juillet, correspondant à la fin du confinement. A mon avis, il y a deux grands manques dans ce plan, que l’on a essayé de valoriser. Nous souhaitions, qu’au vu du peu de chiffres d’affaires réalisés par les acteurs du tourisme dû à une activité fortement dégradée, celui-ci pouvait être moins taxé. Pour prendre exemple sur nos voisins allemands et anglais, ces deux pays ont réduits drastiquement le taux de T.V.A pendant une période donnée, afin de pallier les difficultés des professionnels du tourisme. L’Allemagne est passé de 19% à 7%, l’Angleterre quant à elle, de 20% à 5% de taux de TVA, jusqu’à la fin de l’année 2020. Donc, ce que nous proposions avec le groupe, était le même type de méthode, en le baisant à 5.5%, jusqu’au 30 décembre 2020, pour optimiser le chiffre d’affaire qui allait être réalisé. C’était une réponse apportée à une forte demande des entrepreneurs. Ceci est un premier point de frustration et de déception.
Le deuxième point, c’est que nous voulions un peu à l’imagedu statut des intermittents du spectacle, pouvoir créer un statut similaire pour les acteurs saisonniers du tourisme. Par exemple, ils font la saison d’été sur une plage, puis la saison d’hiver dans une station de ski. Ils cumulent donc des fichesde paie et cotisent. Mais, entre ces deux périodes, ils ne sont pas pris en charge contrairement aux intermittents du spectacle. Je pense que la période de la crise sanitaire aurait été un bon moyen pour établir un focus sur cet aspect-là, en créant le statut d’intermittent du tourisme. Ce qui permettait d’avoir une indemnisation chômage, même s’il ne disposait pas du nombre d’heure traditionnel, et ainsi répondre à cette spécificité de l’activité touristique saisonnière dégradé par la crise sanitaire.
Néanmoins, le gouvernement a répondu massivement, ce qui a permis de tenir le coup face à cette crise, mais c’est plus sur le moyen et long terme que j’émets des inquiétudes, aujourd’hui.
Le pays traversant une crise sanitaire et sécuritaire, la destination pour la France ne risque-t-elle pas d’être boudée ?
A l’échelle européenne, on observe que dès le 15 aout, les anglais annoncent des mesures de quarantaine à l’égard des passagers venant de France. Puis, vers la fin aout,l’Allemagne, la Belgique et l’Autriche annoncent que la Côte d’Azur et Paris sont en zone rouge. Inexorablement, cela pose un effet butoir et créer un problème. Pour se consoler, nous ne sommes pas les seuls, dans la mesure où toutes les destinations touristiques ont été confrontés à ce même type de complications. Sur la corrélation entre l’attractivité touristique et la crise sanitaire, il y a quelque chose qui va aller au-delà de la crise que l’on vit actuellement, notamment pour la saison d’automne, car les réponses ponctuelles et conjoncturelles vont montrer leur limite. L’Etat ne pourra pas maintenir ad vitam aeternam le chômage partiel et les mesures d’aide mise en place prévu jusqu’à la fin de l’année. La crise s’inscrivant dans la durée, comment va se passer la saison d’hiver pour les stations de ski ? En février-mars, comment l’Etat va répondre ? Alors que cela fera quasiment un an qu’il réagit.
Au titre de « proposition forte et innovante pour relancer l’économie », l’ancien maire de Nancy, Laurent Hénard suggère de supprimer 5 jours fériés sur 10, qu’en pensez-vous ?
Je ne sais pas si le présenter comme cela est une bonne solution, et j’aurai préféré que l’on parle du temps de travail. A mon sens, ce ne sont pas les jours de congés qui posent un problème, c’est d’avoir réduit le temps de travail avec les fameux 35 heures, cette idéologie socialisante qui dit qu’en diminuant le temps de travail, on pourrait mieux le répartir entre tout le monde. Je suis d’accord sur la philosophie générale de travailler plus, mais supprimer des jours de congés est un leurre. Car, cela aura une incidence sur l’attractivité touristique et certaines destinations. Je pense qu’il vaut mieux travailler sur un temps de travail en « libéralisant » les 35 heures, pour que celle ou celui qui a envie de travailler plus, puisse le faire selon les branches et les endroits. Cela me semble plus intelligent.
Qu’en est-il du tourisme français en France ?
C’est une de mes propositions que j’avais effectué en tant que rapporteur sur le budget tourisme, il y a deux ans en arrière, bien avant la crise. A l’issue de ce rapport, il y avait deux types de tourisme à développer. Le premier c’est le tourisme des français en France, car à cette époque on l’a trop peu considéré. On se contenter de l’affluence étrangère, américaine, asiatique, moyen-oriental et nord-européenne, sans se préoccuper du tourisme intra national. Aujourd’hui, cela a été corrigé. « Atout France », qui est l’organe de promotion de la France à l’étranger aide les territoires à développer des campagnes de commercialisation et publicitaire de destination en France. La France est un territoire plein de richesses et il faut encourager le Breton qui veut voir les Alpes, l’Alsacien souhaitant découvrir la côte basque.
Le deuxième aspect qui mérite d’être développé dans l’intérêt de la filière tourisme, c’est le « tourisme responsable ». C’est-à-dire, plus responsable en terme écologique, environnementale et en terme « d’acceptation des populations ». Le tourisme de masse puissant, plus communément appelé « sur-tourisme » excède les habitants originels de Venise ou Barcelone par exemple. Nous avons une vraie réflexion à se poser dans certains lieux emblématiques en France où se pose cette problématique comme le Mont Saint Michel, Paris, etc… Il faut intégrer le ras le bol que peuvent avoir les habitants face à ces surpopulations éphémères qui vident les centres-villes de leurs habitants originels. Trouver le point d’équilibre entre l’attractivité économique-touristique et le bien-être de la population locale,« le tourisme responsable », est l’enjeu des dix prochaines années.
Le tourisme vert a su tirer son épingle du jeu pendant la crise, comment mieux le développer pour les années à venir ?
Cela passe beaucoup par des campagnes de promotion du tourisme français en France. Le tourisme vert, c’est en grande partie les français qui redécouvrent leur pays. On l’a constaté pendant la période de crise, les citadins en milieu urbain ont désiré respirer l’air de nos montages et de nos campagnes. Cela est à mettre en adéquation avec le tourisme des français en France et la valorisation de notre patrimoine. J’avais fait une proposition auprès de Franck Riester, Ministre de la Culture à l’époque, en lui demandant de développer sur les chaînes publiques, des émissions de télévision qui promeuvent et valorisent nos territoires.
Vous êtes attaché au littoral méditerranéen en encourageant les opérations « mer propre ». Le bilan que l’on peut esquisser de l’état de la pollution plastique du bassin méditerranéen et des perspectives d’évolution de cette pollution à l’horizon 2040 n’incite pas à l’optimisme. Quelle réponse politique à ce fléau qui atteint la chaîne alimentaire ?
La réponse politique doit être locale et territoriale. Ma modeste conviction sur le sujet c’est que l’on ne peut pas avoir des réponses centralisées et nationales applicables de la même manière sur l’ensemble du littoral français. La problématique du rivage méditerranéen n’est pas la même que celle de la côte bretonne. Cette prise de conscience est locale, et je me rend compte, lorsque je viens soutenir le tissu associatif de protection du littoral méditerranéen, que la population est extrêmement sensibilisée et mobilisée sur ces opérations locales. Cette dimension de la protection de nos fonds marins, de nos rivages doivent relever de la proximité du local et ce sont les maires qui doivent être les acteurs principaux de cet élément-là. Ensuite elle peut être déclinée de plusieurs façons, par des opérations citoyennes, bénévoles, associatives ou techniques comme la pause de filet de récupération des micro-déchets. Je crois beaucoup au territoire, et à l’interface commune-population, au plus proche du terrain.
En décembre 2019, vous avez déposé une proposition de loi constitutionnelle instituant le conseil citoyen, quelle en est la teneur ?
J’ai l’intime conviction qu’aujourd’hui, il y a une défiance envers la politique et les politiques de tous bords confondus, on s’en aperçoit au fil des élections avec des taux d’abstentions records, et de ne pas le prendre en compte est un manque de lucidité Il ne s’agit pas de remettre en cause notre système démocratique Il y a toujours des choses à améliorer, et la représentation quelle soit territoriale ou parlementaire respecte le principe démocratique. Cependant, il faut que l’on arrive au 21ème siècle à être capable de parler à la population, et notamment à une grande tranche des jeunes qui ne vont plus ou ne veulent plus voter. J’ai proposé un outil parmi d’autre, d’instaurer un conseil citoyen permanent et non pas ponctuel comme l’a fait Emmanuel Macron dernièrement sur le climat. Il se ferait par tirage au sort et non par désignation, avec toutes les méthodes scientifiques de garanties et de transparences. Ce conseil citoyen aurait vocation à être saisi sur un certain nombre de sujet pour éclairer les chambres parlementaires. Ce serait un vrai moyen d’associer la population, d’avoir son avis et de le prendre en considération. Le débat qui se pose aujourd’hui, à l’heure de la réforme du C.E.S.E (Conseil Economique, Social et Environnemental) est de savoir si on le remplace par le conseil citoyen ou si ce dernier doit être un complément. C’est-à-dire réduire le nombre de membre du C.E.S.E et le compléter par un collège citoyen tiré au sort pour une mandature qui serait sollicité sur tous les sujets de société. Je pense qu’il y aurait quelque chose d’équilibré qui nous permettrait d’avoir cette ouverture sur la société qui n’existe pas aujourd’hui.
Vous avez parlé de défiance, que pensez-vous de l’appel à la désobéissance civile amené par le leader des gilets jaunes Jerôme Rodrigues ?
On est dans ce grand thème de la défiance envers la représentativité. Si on veut vivre ensemble dans un pays de 66 millions d’habitants, forcément il faut des règles dans le cadre de l’état de droit et de la loi républicaine. Je ne cautionne pas cette manière de faire, ni les débordements du mouvement des gilets jaunes de l’année dernière, ni ceux d’aujourd’hui. Cela n’empêche pas d’entendre ce problème. Il y a manifestement une cassure entre les représentants politiques quelque soit la strate et une partie de la population, qui ne se reconnaît pas à travers ces représentants. Je crois qu’il y a un certain nombre de choses à améliorer dans la représentativité, dans la transparence aussi. J’avais d’ailleurs proposé une loi qui stipule que tout citoyen se présentant à des élections, doit déposer son casier judiciaire lors de sa déclaration de candidature, cela me semble une évidence et traduit un gage de transparence. C’est le genre d’outil qui pourrait montrer une autre image de la représentation politique, et rejoint l’idée du conseil citoyen.
En termes de représentativité, on a pu constater plusieurs rentrée politique au sein de la droite, quel regard portez-vous ?
C’est malheureusement l’image de la droite actuelle en France, nous sommes en faiblesse. Pourquoi existe-t-il des pré-rentrées ? Pourquoi plusieurs responsables ont développé leur mouvement ? Parce que l’on est faible, et il faut avoir la lucidité de le reconnaître. D’un autre côté, avoir des structures qui innovent et qui proposent permettent de nourrir la réflexion et c’est plutôt positif. Mon cas de figure personnel en témoigne, je suis membre des républicains, attaché à ma famille politique, mais je pense que si on reste dans l’entre-soi, on se sclérose et on ne progressera pas. C’est pourquoi, j’ai fait le choix d’adhérer au mouvement politique « Libre »de Valérie Pécresse qui rassemble, pas uniquement des LR, mais aussi des centristes, des sympathisants où l’on débat, on échange pour faire des propositions. D’ailleurs, le sujet qui porte sur le débat d’idée m’a un peu exaspéré lors des rentrées politiques. La population n’attend plus de ces représentants politiques qu’ils aient des idées, mais qu’ils passent à la phase de proposition et d’action. Des propositions précises, compréhensibles et applicables, c’est à ce prix là que l’on pourra réconcilier les français. Par exemple chez Libre, nous faisons des propositions sur le thème actuel de la délinquance en touchant au portefeuille directement sur la fiche de paie. Elle répond ainsi à cette forme d’impunité de plus en plus croissante L’expérimentation de l’amende forfaitaire délictuelle de consommation de cannabis est aussi une bonne réponse. Il faut passer de l’idée à la proposition, puis à la solution pragmatique. Si demain, nous arrivons au pouvoir, en 90 jours nous devons pouvoir décliner les propositions du programme voté. J’étais très partisan de ce qu’avait proposé Jean François Copé, de diriger par ordonnance le pays sur les 50 mesures précises du programme en quelques mois. Les gens veulent du concret, et partir d’une idée qui fera l’objet d’une nouvelle loi voté, dans l’attente de son décret d’application est trop long. Il faut du pragmatisme. Cela est nécessaire pour renouer un climat de confiance avec les français en général, les électeurs et notre électorat.
Pour vous qu’est-ce que la droite de demain ?
C’est une droite qui a un socle de valeurs avec la liberté, avec un régalien fort. La droite de demain, c’est une droite qui est pragmatique, qui apporte des solutions concrètes qui se décline rapidement aux problèmes des français dans tous les domaines. La condition majeure pour que la droite puisse revenir aux affaires, c’est du précis, du concret en somme du pragmatisme. La droite de demain est une droite d’action plus de réflexion.
Propos recueillis par André Missonier