Le 12 décembre 2019 sonne la fin d’une campagne effrénée à la sauce “BoJo“. Le nouveau Premier Ministre Britannique a mené une prospection éreintante ; tantôt s’affichant avec un tablier de cuisine marqué au fer rouge du fameux “Get Brexit Done“ sur Twitter, tantôt traitant du Brexit dans un clip vidéo de trois minutes sur des pancartes en carton façon “Love Actually“ : clap de fin pour la team Corbyn et les travaillistes. La victoire écrasante du Conservative Party est confirmée aux lueurs du jour du 13 décembre : 365 sièges sur 650, plus large victoire pour la droite outre- Manche depuis l’ère Thatcher, infligeant au passage une solide claque au Labour Party, qui perd 60 sièges.
Dans un pays où le clivage droite-gauche a encore une signification importante et universelle, la question est de savoir si la droite française ne devrait pas s’inspirer de ses confrères britanniques. Il ne s’agit pas de traiter du programme ou du fond politique en lui-même, puisque le contexte du Brexit actuel est relativement spécifique au Royaume-Uni, tout comme le mode de scrutin, majoritaire à un seul tour, différent de nos deux tours traditionnels. Mais il semble important de s’attarder sur la stratégie électorale de Boris Johnson et du camp conservateur.
Alors qu’une bonne partie des médias occidentaux se moquait éperdument du locataire du 10 Downing Street (souvent sur le fondement d’arguments ingrats attaquant allègrement le physique de M. Johnson ; preuve d’un manque cruel de fond pour une partie des médias européens), celui- ci a pris une décision, et non des moindres : celle de jouer la carte de l’honnêteté avec les électeurs britanniques. Alors que le “No deal“ reste préoccupant pour une grande partie de la population, il dit stop à un feuilleton qui n’a que trop duré, quitte à être impopulaire : ce sera une sortie le 31 janvier 2020, avec ou sans accord (même si le “No deal“ semble s’éloigner).
La droite française a de quoi apprendre : à force de vouloir ménager la chèvre et le chou, “la droite la plus bête du monde“ (pour reprendre une expression célèbre), ne s’est pas rendue compte qu’elle perdait les électeurs. Beaucoup ne savent plus pour qui ils votent, faute de trancher clairement certains sujets fondamentaux comme les questions sociétales, économiques ou même environnementales. Renouer avec une ligne claire, voilà ce qu’il nous manque !
De plus, les conservateurs britanniques sont, eux aussi, pris en étaux sur l’échiquier politique ; ce qui ne les a pas empêché pour autant d’envoyer au tapis le “Brexit Party“ de Nigel Farage qui n’obtient aucun siège à la Chambre des Communes, mais également les libéraux de Jo Swinson qui totalisent 11 sièges, soit un de moins que sous la mandature précédente. Ce constat prouve qu’avec une ligne claire et tranchée, la droite britannique a su se distinguer de l’extrême centrisme des libéraux-démocrates ainsi que du Brexit sans concession version Farage. C’est une bonne nouvelle pour la droite française : une recette appliquée à la lettre donne les mêmes résultats.
Pour s’extirper de la situation délicate dans laquelle Les Républicains sont enlisés, entre un “en même temps“ sans fond idéologique de La République en Marche, et un “programme-girouette“ du Rassemblement National changeant au grès du vent sondagier, la droite de gouvernement doit se réconcilier avec un programme clair sur les questions régaliennes et économiques, bâtir un véritable programme écologique pour concurrencer le monopole imposé par l’anticapitaliste Yannick Jadot, comme certains parlementaires ont déjà commencé à le faire en interne, ou encore adopter une position commune sur le thème sociétal, notamment sur les questions éminemment importantes de bioéthique.
Outre le fait de s’assumer, la droite française doit continuer l’effort qu’elle a déjà entrepris. Celui d’une communication nouvelle, moderne ; n’hésitant pas à s’immiscer sur le terrain de l’humour ou des références culturelles récentes, solution efficace si elle veut conquérir à nouveau et mobiliser une jeunesse déjà désabusée et inintéressée par les affaires politiques et militantes.
La victoire du 12 décembre prouve à la droite hexagonale qu’elle a toutes les cartes en main pour un avenir prospère, il ne lui reste plus qu’à trouver le courage (et ce n’est pas si simple) de se positionner clairement sur l’échiquier politique qui, malgré ce que beaucoup veulent faire croire, reste fortement marqué par le clivage gauche-droite.
Lucas Michalon