Femmes de droite – Anne Coffinier, « L’effondrement de l’école publique en France a des racines profondes »
Femmes de droite – Anne Coffinier, « L’effondrement de l’école publique en France a des racines profondes »

Femmes de droite – Anne Coffinier, « L’effondrement de l’école publique en France a des racines profondes »

On assiste à un effondrement du niveau des élèves français sur les derniers classements PISA. Comment expliquer cet effondrement de notre école ?

L’effondrement de l’école publique en France a des racines profondes. Parce qu’elle est investie d’une mission idéologique avant tout, elle ne peut réussir à mener à bien son ancienne mission qui était de transmettre les savoirs fondamentaux. Elle est en effet chargée d’être le fer de lance de l’égalité des chances, et de pratiquer la mixité sociale et académique à tout prix.

Les problèmes de l’école sont devenus si structurels qu’on ne peut plus décemment parler de « crise » de notre système scolaire. A la différence de l’Allemagne qui a redressé la barre suite à son choc Pisa, la France n’a rien changé à sa ligne et sa chute aux enfers dans les classements internationaux, test Pisa après test Pisa, n’a pas troublé outre mesure nos ministres successifs.

Ensuite, l’école française a abandonné toute espèce d’ambition pour ses enfants. Pourquoi ? Par peur de pénaliser moralement les moins bons élèves. Mieux vaut être mauvais et sympathique que bon et bosseur… L’école prétend paradoxalement les éduquer à la sexualité ou à l’écologie – ce qu’il faut faire selon des modalités précises et certainement pas expérimentales – mais a renoncé à des objectifs qui devraient être primordiaux, au premier rang desquels la commande exacte de la langue, la maîtrise de la grammaire ou encore des fondamentaux en mathématiques. Cherchez l’erreur !

Enfin, l’école est un objet politique mais qui, en France, n’intéresse pas la politique. Aucun des derniers ministres de l’Education qui ont dirigé la rue de Grenelle n’avait un cap pour l’école. Aucun n’avait une vision qui lui aurait donné la force de surmonter l’immobilisme des syndicats pour réformer en profondeur ce qui mérite de l’être.

Selon vous, comment le système éducatif français peut-il être sauvé ?

Il a d’abord besoin d’être mis en concurrence. Oui, je sais, ce mot fait peur en France. Mais il est de Condorcet en somme, qui dès 1792, plaida – d’ailleurs en vain- en faveur d’une saine concurrence de l’instruction publique pour la stimuler et lui éviter de se scléroser. Notre école a besoin d’être mise en concurrence par des établissements privés c’est-à-dire issus de la société civile. Il faudrait que l’Etat assure l’accessibilité de chacun à ces écoles en en prenant en charge leur fonctionnement pour qu’elles jouent pleinement leur rôle. Sinon elles continueront à être fréquentées par ceux qui peuvent se les payer, alors qu’elles pourraient accueillir tous les élèves qui en ont véritablement besoin. Un mécanisme fiscal qui ouvrirait les portes des meilleurs établissements aux élèves qui en ont besoin forcerait utilement l’Education nationale à faire les réformes nécessaires. Comme c’est le cas dans certains Etats américains par exemple. A avoir une politique de recrutement responsable, à porter une ambition réaliste mais généreuse pour tous les élèves. Autrement dit, à renouer avec la promesse de l’école publique d’autrefois… avec les moyens du XXIe siècle !

Vous menez un combat pour une école libre en favorisant la création d’écoles privées à travers l’association “Créer son école” que vous avez fondée. C’est par les écoles privées que peut venir le sauvetage de notre jeunesse ?

Elles y contribuent indéniablement depuis des années ! On compte aujourdhui 90 000 élèves dans près de 2000 écoles indépendantes de la maternelle au bac.  Elles transmettent des traditions pédagogiques bêtement négligées (comme la pratique du calcul mental, de la récitation de textes classiques, les 4 opérations dès le CP, l’histoire chronologique etc..) et explorent, en véritables laboratoires, des voies innovantes d’enseignement pour transmettre toujours mieux aux nouvelles générations. Elles forment hic and nunc une élite et constitue une seconde chance pour les enfants qui ont des besoins que l’école publique est incapable de combler. Je pense, par exemple, aux enfants victimes de harcèlement scolaire, de discriminations ou présentant des troubles de l’apprentissage…

Ensuite, une école privée est une école payée. Les familles qui consentent l’effort financier d’inscrire leurs enfants dans un établissement privé en attendent des résultats.. Elles s’impliquent et c’est capital. L’école en est comptable et se mobilise pour répondre aux attentes des parents, dont les exigences sont davantage prises en compte qu’à l’école publique. Cette logique, venue des pays anglo-saxons qui, eux, ont la culture de la concurrence et de l’évaluation chevillées aux corps, est tout à fait étrangère à l’école publique.

Vous avez créé en 2020 la Fondation Kairos pour l’innovation éducative, quelles innovations notre système éducatif a-t-il besoin ?

Hannah Arendt disait que l’école était conservatrice ou n’était pas. Elle « passe » le trésor des savoirs et de la culture accumulés dans les temps passés. L’école fait hériter les nouvelles générations de notre civilisation. Elle est transmissive et soumise à cet impératif catégorique ou c’est une farce. Notre école actuelle est fascinée par le présent supposé par nature être supérieur au passé. Elle tend à critiquer le passé et donne aux élèves un regard anachronique et condescendant sur les faits et gestes de leurs ancêtres.

Rien d’étonnant à ce que les jeunes d’aujourd’hui ne soient plus disposés à hériter ni même à reconnaître l’autorité des adultes et qu’ils la vivent comme une violence inique qu’ils ont le devoir de combattre.

L’urgence est de renouer avec la transmission et l’attention au génie des siècles passés. Comprendre plutôt que juger. Mettre en perspective, comparer, analyser plutôt que contester ou s’indigner.

Cette urgence de retrouver le désir de transmettre et d’hériter, après la tornade née de 1968, n’enlève rien à la nécessité d’innover. Notre temps n’a rien à voir par exemple avec les années 1950. Ni la technologie, ni l’environnement sociétal et familial, ni le contexte économique et spirituel ne sont identiques. Il y a fort à parier à l’heure de Chat GPT et de la généralisation du travail à distance qu’il y a presque tout à réinventer dans l’acte d’enseigner. Il faudrait surtout dire l’acte de « s’instruire ». La dimension personnelle, autodidacte, personnalisée, individuelle s’impose comme fondamentale pour une éducation personnalisée qui devra se déployer tout au long de la vie. Les formes héritées comme l’école collective fondée sur un modèle massifié, militaire et standardisé a vécu. D’où la devise de la Fondation Kairos : « innover pour transmettre. Transmettre pour innover. »

Quelle est pour vous l’école idéale ?

Aucune. Il faut différentes écoles, qui soient d’ailleurs institutionnelles ou non institutionnelles, à la suite de la pensée d’Ivan Illich. Ce qui compte, c’est l’élévation de chaque être, dans sa singularité. Il faut trouver pour chacun un bon cadre et une bonne influence éducative. Un modèle unique en matière d’éducation est une perspective totalitaire qui me donne froid dans le dos.

Le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye dit vouloir créer une école plus “inclusive”. Que pensez-vous de cette volonté qui semble être en total décalage avec les problématiques réelles de l’éducation ?

L’inclusion, c’est comme l’égalité des chances, plus nos ministres en parlent et plus elle recule. Quand la discipline reviendra à l’école, que le harcèlement ne sera plus qu’un vieux souvenir et quand le respect de la dignité sacrée de chaque être sera une évidence pour chaque élève et pour chaque professeur, alors on n’aura plus besoin de parler d’inclusivité. L’école publique est devenue l’ombre d’elle-même. Lui ajouter de nouveaux objectifs, au stade où elle est arrivée, ne fera qu’écraser davantage les enseignants qui constatent douloureusement la faillite de l’institution dans laquelle ils exercent tant bien que mal.

Ce ministre, n’est-il pas, en fait, à l’image du mal qui ronge l’école de la République : l’idéologie avant la pédagogie ?

Ce mal ronge l’école publique depuis sa naissance. Son but fut, dès la Révolution française puis avec la IIIè République, d’enraciner la République et de détourner les futurs citoyens de l’Eglise catholique. Une fois cet objectif acquis, elle muta dans ses objectifs politiques mais elle s’assigna toujours une fonction idéologique dominante. La performance académique et pédagogique passe après les objectifs idéologiques en France. C’est une constante fondamentale qu’il est effectivement décisif de bien avoir à l’esprit. L’école privée serait-elle manifestement et incontestablement plus efficace académiquement qu’elle n’en resterait pas moins un repoussoir pour la classe politique française.

Pour vous, qu’est-ce qu’une femme de droite ?

Je ne me préoccupe pas d’être de droite ou de gauche. Je partage avec la philosophe Simone Weil une profonde détestation des partis politiques. Il faut recoudre le tissu politique et social français. Travailler sur le passé de la France et l’assumer. Renouer avec des ambitions importantes dont notre pays est parfaitement capable. Je crois au génie français. A nous de servir la France, chacun à notre place, avec notre cœur, notre intelligence et nos mains.

Propos recueillis par Théo Dutrieu

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