Droite de demain lance la semaine « Femmes de droite » avec pour objectif de réfléchir aux enjeux de la féminisation de la société. Vous considérez-vous comme une féministe ?
Pas vraiment, si on le considère dans sa définition usuelle, à savoir le mouvement pour l’égalité entre l’homme et la femme et pour l’extension du rôle de la femme dans la société. L’équité me parait plus ajustée que l’égalité, exception faite de l’égalité dans la dignité et dans la vie civique. Pour donner un exemple parlant, même les féministes convaincues rechignent pas quand dans le jeu télévisé Koh-Lanta, les épreuves sont différenciées avec des parcours ou des poids à porter plus faciles pour les femmes, qui ont des gabarits plus frêles.
C’est un peu malheureux, mais le terme féministe a tendance à me crisper tant on nous en rebat les oreilles aujourd’hui, alors que certains combats de ce mouvement, comme celui sur le droit de vote ou de posséder un compte en banque étaient nécessaires et essentiels. A mes yeux, la dérive dans laquelle je ne me reconnais pas a commencé avec le combat pour l’avortement qui n’a pas apporté la libération promise, au contraire. J’ai vu et entendu trop de femmes forcées à l’avortement par leur conjoint par des menaces physiques ou verbales ou portant le poids de la décision, lâchées par des hommes que l’on a déresponsabilisé. Ni féministe, ni machiste, je suis pour une complémentarité entre l’homme et la femme. Je n’ai pas envie d’être comme un homme, je souhaite être considérée comme la femme que je suis, avec mes particularités, mes manques et mes richesses.
La pensée progressiste moderne a accouché d’un renouveau de la doctrine féministe que l’on qualifie de “néoféminisme”. Ce féminisme beaucoup plus “virulent” est-il dangereux pour notre société ?
L’adjectif dangereux me semble un peu fort. Ce qui est certain, c’est qu’il est néfaste : pour la société, en engendrant et alimentant des scissions, et pour les femmes dont il dessert la cause en les infantilisant. En jouant les hystériques à chaque atteinte supposée à la sacro-sainte égalité homme-femme, ces féministes font des femmes des éternelles victimes,
incapables de se défendre. Le danger potentiel réside dans sa frange radicale, heureusement peu fournie, qui en vient à professer une haine des hommes comme Alice Coffin qui revendique ne plus lire des livres écrits par des hommes, écouter de la musique et voir des films produits par des hommes ou encore assimile le fait d’avoir un mari à celui d’être tabassée, violée, tuée.
Tomber dans ce genre de raccourcis, se couper d’une grande partie de notre culture révèle une idéologie de type sectaire qui, heureusement, ne fait pas (encore) trop d’émules.
Les néoféministes sont dans une lutte contre le “patriarcat”. Notre société est-elle patriarcale ? Qu’est-ce que cette notion cache en réalité ?
Elle ne l’est plus, notamment avec l’éclatement des schémas familiaux. Le pouvoir est désormais loin d’être détenu uniquement par les hommes. Dans certains domaines, on est clairement dans une société matriarcale : par exemple, un homme n’a aucun pouvoir sur l’enfant à naitre. Si sa compagne décide d’avorter dans les trois premiers mois, qu’importe son avis, qu’importe s’il s’est déjà attaché au fœtus, il ne pourra pas s’y opposer et défendre ce fœtus qu’il a pu considérer comme son enfant en développement. Toujours dans ce domaine, la PMA pour toutes dans le cas d’un couple de femmes accentue cette société matriarcale avec un pouvoir exercé par les deux mères. Dans le domaine médiatique, avec le féminisme ambiant et l’effet « Me too », on a également l’impression d’un crédit donné sans réserve aux femmes, d’une attribution automatique et immédiate des torts pour les hommes, ce qui fait peu de cas de la justice.
Elles ont également embrassé le concept de la lutte intersectionnelle. Peut-on être féministe et défendre le voile en même temps ?
C’est la plus grande incohérence de ces néo-féministes. Elles la justifient avec le sempiternel slogan : « mon corps, mon choix » et parce qu’à leurs yeux, ne pas défendre le port du voile serait islamophobe. Je les invite à lire les sourates du Coran sur les femmes : le féminisme n’est pas un concept oriental. En embrassant l’intersectionnalité, les néo féministes considèrent que l’ennemi à abattre est l’homme blanc hétérosexuel, éternel coupable d’avoir opprimé et d’opprimer encore les minorités que seraient les femmes, les homosexuels, les personnes noires ou encore les musulmans. Cela les rend aveugles et muettes sur des faits qui nécessiteraient pourtant leur mobilisation comme les viols massifs du nouvel an 2016 à Cologne par des migrants ou encore le déferlement de haine et de menaces qu’a subi la jeune homosexuelle Mila pour avoir critiqué l’islam dans une vidéo. Comment les trouver crédibles alors qu’elles ne défendent même pas ces femmes victimes ?
Y a-t-il une alternative à ces idéologues de la pensée “woke” ? Existe-t-il un féminisme de droite ?
Il y a des alternatives : des intellectuels et penseurs qui osent dénoncer cette culture de l’annulation. Mais aussi toute personne de bon sens et un peu indépendante d’esprit. Le wokisme ne fait heureusement pas l’unanimité dans la population. Je ne saurais dire s’il existe un féminisme de droite vraiment défini, ce sont plutôt des initiatives individuelles.
Le collectif Némésis qui défend un féminisme identitaire est intéressant, notamment dans leurs critiques du néoféminisme. Ou encore les Antigones qui étaient apparues en réaction aux Femen. Je remarque que si des figures féminines se distinguent de plus en plus à droite, à part les collectifs précédemment cités, et peut-être d’autres que j’ignore, peu militent spécifiquement et uniquement pour la cause des femmes. Elles font entendre leurs voix de femmes au sein de mouvements plus vastes.
Pour vous, qu’est-ce qu’une femme de droite ?
C’est indéfinissable tant le concept droite-gauche est flou aujourd’hui. Le clivage progressiste-conservateur me parait plus pertinent dans ce cas de figure. C’est une femme enracinée mais pas sclérosée, forte de son identité de femme sans en faire un but en soi.
Propos recueillis par Théo Dutrieu