Quand j’allume ma télévision ou mon poste de radio, ou lorsque je me connecte sur Twitter ou un autre réseau social, je suis confrontée, malgré moi, à un fond sonore où prédomine une forme permanente d’agressivité. Elle semble caractériser le label de notre époque.
Ce que j’entends, c’est un « show » permanent, un flux continu de désaccords et d’expressions colériques. Comme si la polémique avait pris le pas sur tout débat apaisé et constructif.
Pourquoi la classe politique participe-t-elle à cette hystérisation du débat public ? Pourquoi les médias, nos proches, vous, moi, sommes-nous si facilement complices de ces conflits montés en épingle ? Vous savez ces affrontements qui prennent le pas sur le débat d’idées, avec ses vainqueurs et ses vaincus, alors qu’il s’agit de chamailleries dignes d’une cour d’école.
Plongeons-nous dans les archives et redécouvrons l’interview de Jacques Chirac du 14 juillet 2004. Il y évoque par deux fois la « politique avec un petit p ». Il s’agit certes pour le président de rabaisser son ministre de l’intérieur mais le tacle à l’égard de Nicolas Sarkozy n’est pas le sujet. Ce qui m’intéresse est l’expression employée par le président d’alors. Une formule intéressante pour comprendre le monde politique contemporain. 20 ans plus tard, « la politique avec un petit « p » » semble plus que jamais prendre sens.
N’entretenons-nous pas ce désir inassouvi de voir nos hommes politiques s’étriper sur les plateaux de télévision ?
Comme si la posture raisonnable et apaisée n’intéressait plus l’homme de notre époque. L’affrontement permanent est bien devenu un besoin naturel de notre époque. On ne sait plus y évoluer qu’en s’inscrivant dans la culture du clash et du buzz, du « choc frontal » et de la surenchère inévitable.
Nous voilà bien dans la société de la violence. Celle des rapports sociaux sans mesure et sans nuance. Celle de l’affadissement et de la banalisation des tensions du quotidien. Une société où il faut désormais avoir une opinion sur tout et tout de suite, une société des commentaires désabusés et des propos haineux.
Je ne suis pas nostalgique. Je veux simplement rêver d’un monde où politiques et journalistes assumeraient leur responsabilité pour protéger un minimum de sérénité pour faire vivre une démocratie apaisée. Un monde où une publication sur Twitter d’un homme ou d’une femme politique critiquant son opposant ne recevrait pas deux fois plus de partages qu’une publication qui défendrait des idées.
Il est plus que temps de réfléchir au fond et donc à la manière dont notre démocratie régule le débat public. Il faut urgemment mettre à distance ce qui n’est rien d’autre que la dimension la plus superficielle, mais hélas pas la moins bruyante, des échanges politiques. Il s’agit certainement là de la première étape de la nécessaire régénération de la vie de la cité. Elever le débat, avant qu’il ne soit trop tard !