François-Xavier Bellamy, (Les Républicains), « Il y a (…) une tendance à la déconstruction en France »
François-Xavier Bellamy, (Les Républicains), « Il y a (…) une tendance à la déconstruction en France »

François-Xavier Bellamy, (Les Républicains), « Il y a (…) une tendance à la déconstruction en France »

François-Xavier Bellamy est professeur agrégé de philosophie et député au Parlement européen depuis 2019. Ses livres « Les déshérités » et « Demeure » nous inspirent dans la réflexion sur la Droite. Nous remercions le député Eric Pauget, pour son invitation à la rencontre entre François-Xavier Bellamy et les professionnels du tourisme des Alpes-Maritimes, à laquelle cet entretien fait suite.

Six ans après votre essai, « Les déshérités ou l’urgence de transmettre », aujourd’hui quel constat portez-vous sur la transmission au sein de l’éducation nationale ?

Pour relier ce sujet à l’échange que nous avons eu avec les professionnels du tourisme il y a quelques semaines : la question de la transmission de notre culture est pour eux cruciale, parce qu’ils ont parfois des difficultés à recruter des jeunes qui aient à la fois l’envie de travailler dans ce corps de métiers, et le bagage culturel indispensable qui leur permettrait d’exercer au mieux ces métiers.

Nous nous trouvons clairement devant une crise éducative majeure. La France est le pays de l’OCDE dont le système scolaire est le plus inégalitaire, c’est-à-dire celui où le parcours des élèves est le plus directement relié à leur milieu social d’origine. C’est le système qui produit la plus grande différence entre ceux qui réussissent et ceux qui échouent. Un indicateur qu’il faut redonner parce qu’il permet vraiment de prendre conscience de l’ampleur de ce drame : en France, à 18 ans, un jeune français sur cinq, d’après la statistique officielle, a une grande difficulté dans la maîtrise de la lecture et de l’écriture. Je l’ai dit tout récemment, sur une grande radio du service public, qui m’a soumis à un fact-cheking – se révélant d’ailleurs positif, cette statistique étant issue de la DEPP [Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale]. Il faut prendre conscience de ce que cela représente comme difficulté d’intégration dans la communauté nationale, dans la vie économique, sociale, démocratique, citoyenne. Je pense que nous sommes là devant une injustice majeure et je déplore que sur ce sujet il n’y ait aucun progrès depuis des années.

Jean-Michel Blanquer a incarné beaucoup d’espoir, car beaucoup se sont dit qu’il allait peut-être remettre les choses à l’endroit, remettre l’école sur de bons rails. Cependant, lorsque nous regardons la réforme du lycée, par exemple, je suis navré de constater qu’elle est la suite logique de la réforme du collège qu’avait imposée Najat Vallaud Belkacem. Au fond, il y a toujours moins de temps consacré à la transmission des savoirs fondamentaux, toujours plus de dispersions, et une sorte de logique pédagogique un peu aberrante qui s’impose à la faveur de calculs budgétaires médiocres ou d’options idéologiques. Je crois malheureusement que nous n’avançons pas du tout dans le bon sens, et je le regrette, en tant qu’enseignant en particulier. Il est temps que notre famille politique puisse proposer les solutions dont l’école a tellement besoin, pour pouvoir se reconstruire, et offrir à tous les enfants de France ce qui leur permettra de se reconnaitre dans ce pays, dans ce qui nous est commun. Lutter contre le séparatisme, c’est d’abord et avant tout un défi éducatif. La grande priorité pour notre avenir se trouve là.

Avec les mesures sanitaires de confinement, Emmanuel Macron ne rend-il pas plus difficile d’avoir 20 ans en 2020 ?

Le manque de clarté ou la désorganisation du gouvernement en cette période est bien sûr critiquable – ses dernières décisions sont sidérantes – mais il serait sans doute malhonnête de ne pas attribuer d’abord à l’épidémie les difficultés que traversent cette année les jeunes de 20 ans. Mais ce ne doit pas être un prétexte pour y être indifférent. J’ai échangé très récemment avec un groupe d’étudiants de Toulouse, qui souhaitait m’inviter à venir au sein de leur faculté. Ils m’ont écrit pour me dire à quel point ils ressentaient un profond malaise devant la solitude que cette situation génère, notamment pour ceux qui débutent leur vie étudiante, qui entrent dans un univers qu’ils ne maîtrisent pas encore totalement ou qui ne leur est pas encore vraiment familier. On parle beaucoup, et à raison, de la solitude de nos aînés, mais n’oublions pas les situations difficiles que cela génère pour les jeunes également. Il faut d’ailleurs porter une attention particulière à ceux qui terminent leurs études, et entrent aujourd’hui sur le marché du travail dans un contexte extrêmement difficile. Pour en avoir parlé avec les professionnels du tourisme, la crise actuelle est susceptible de générer un effet « ciseaux » dévastateur : dans un premier temps, beaucoup de chômage, pour une multitude de travailleurs qui ont de l’expérience et un parcours professionnel. Puis, dans un deuxième temps, une restriction des capacités de recrutement, qui menacera sans doute davantage les moins expérimentés. Nous n’avons pas le droit d’offrir ces perspectives. L’emploi des jeunes doit aussi faire partie des priorités nationales. Une partie de la solution consisterait déjà à aménager localement le niveau de restrictions sanitaires. Ensuite, il faudra réfléchir à une combinaison entre allègement de fiscalité et dispositions incitatives à l’embauche, en parallèle du nécessaire soutien conjoncturel à l’activité des entreprises contraintes de cesser leur activité avec le confinement.

Indigénisme, racialisme, théorie du genre, mouvement radical féministe… Y a-t-il une tendance à la déconstruction en France ?

Il y a clairement une tendance à la déconstruction en France, qui nous vient du monde anglo-saxon et qui infiltre les milieux universitaires et médiatiques français depuis quelques années maintenant. Les résultats dépassent d’ailleurs ces sphères, et le formatage éducatif qui en résulte est particulièrement préoccupant. On le remarque en particulier dans le retour de discours racialistes, qu’on aurait cru dépassés pour toujours. Les manifestations qui se sont déroulées en France suite à la mort de George Floyd en témoignent : l’émotion politique mise en scène et les indignations de circonstances avaient largement pris le pas sur l’argumentation rationnelle. Je ne peux que me contenter d’observer que, lorsqu’encore tout récemment ce sont des membres des forces de l’ordre qui ont été à plusieurs reprises passés à tabac, l’émotion n’était plus partagée par toutes les belles âmes qui s’indignaient peu avant. Certains ont été ou sont encore entre la vie et la mort, avec des familles qui attendent de savoir s’ils survivront. Où sont passées les manifestations ?

Je crois que la seule chose que nous devrions redire ensemble, avec un vrai souci universaliste de la dignité humaine, quelles que soient les personnes concernées, c’est que chaque vie compte et que nous devons lutter contre l’injustice où qu’elle soit. Il n’existe pas de justice s’il n’y a pas d’ordre public, d’ordre commun. C’est ce qui se vit encore sur le terrain tous les jours avec les élus locaux… Nous partageons cela avec les élus qui m’entourent ici : aucun d’entre nous ne s’est engagé pour défendre une communauté contre une autre, pour défendre un camp contre un autre. Nous essayons de servir le mieux possible le bien de toute la société, et je pense qu’il n’y a que cette perspective qui puisse redonner une confiance, redonner une espérance.

Nous vivons dans un climat de défiance, la démocratie est-elle en danger ?

La défiance est profonde. On ne peut y répondre par des anathèmes, ni des clivages artificiels, mais en apportant des réponses claires, précises, concrètes. C’est une urgence au plan français mais également au plan européen : l’Europe doit retrouver son efficacité et son modèle – qui n’est pas celui de générer des normes mais de développer des stratégies communes.

Selon vous qu’est-ce que la droite de demain ?

Une droite qui ait le courage de l’engagement, de la constance et de la fidélité à ses combats… et l’ambition de servir !

Propos recueillis par André Missonnier pour Droite de demain.

Un commentaire

  1. Musch Marie

    François Xavier Bellamy est une chance non seulement pour la droite mais aussi pour le monde politique tout entier qu’il serait à même de régénérer et ainsi de réhabiliter.

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