(Interview) Angélique Delahaye (LR), « Au-delà de l’hystérie collective le plus important c’est la base scientifique »
(Interview) Angélique Delahaye (LR), « Au-delà de l’hystérie collective le plus important c’est la base scientifique »

(Interview) Angélique Delahaye (LR), « Au-delà de l’hystérie collective le plus important c’est la base scientifique »

Angélique Delahaye était députée au parlement européen Les Républicains au sein du groupe PPE. 

Bonjour Madame Delahaye, vous étiez députée européenne au PPE durant 5 ans, vous êtes donc au fait des négociations entre l’UE et le Canada au sujet du CETA. Déjà, pouvez-vous nous en dire plus sur les enjeux de ce fameux traité ratifié le 23 juillet dernier par l’Assemblée Nationale ?

Le CETA est à mon sens un accord acceptable moyennant que l’UE donne les moyens aux filières impactées, en autre la filière bovines les moyens de retrouver de la compétitivité face à d’éventuel importations bovines car je pense qu’il y a un énorme malentendu sur les accords commerciaux – savamment entretenu par certains politiques qui laissent à penser que les produits qui seront importés via ces accords répondraient aux critères du pays d’origine et non pas du pays de destination. Je m’explique : tout produit importé sur base de cet accord doit répondre aux normes européennes ! Donc il est impensable que nous importions de la viande aux hormones, des poulets chlorés. La seule vraie question est que la filière bovine manque de compétitivité, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle lors du vote au Parlement Européen je me suis abstenue. J’ai considéré que malgré des avancées intéressantes, il n’y avait pas assez d’assurance sur la compétitivité de notre filière bovine face à l’importation de viandes Canadiennes.

Un autre sujet clivant est celui du traité MERCOSUR. Ce traité a causé une levée de boucliers de nos agriculteurs. Vous êtes vous-même agricultrice, est-ce réellement un accord mettant en place une « concurrence illégale » ?

Tout d’abord j’étais contre cet accord car il met en concurrence un certain nombre de filières qui le sont déjà en Europe. Je pense plus particulièrement à la filière des bio-carburants, du sucre. Ce n’est pas tant la filière bovine ici qui m’inquiète mais plutôt le contrôle intra-communautaire, c’est à dire que l’Europe n’a pas de réel corps de contrôle. Elle fait des contrôles aléatoires, ces contrôles sont confiés aux états membres mais certains malheureusement sont très peu regardant. Par ailleurs comme nous avions des doutes sur la traçabilité de la viande bovine d’origine brésilienne, une mission parlementaire s’y est rendue (mené par mon collègue Michel Dantin) et qui nous a fait un compte-rendu très inquiétant. C’est pour toutes ces raisons que j’ai considéré que c’était un accord mal ficelé.

De nombreuses associations accusent aussi cet accord d’être totalement en contradiction avec la défense de l’environnement. Selon elles, la hausse des trajets par bateaux causerait une augmentation des gaz à effet de serre, du trafic marin et de la pollution des océans, êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?

La pollution des océans est surtout liée à la production de plastique et à l’absence d’éradication complète de ces plastiques. Sur la question des gaz à effet de serre, le sujet est très banal. Si on s’arrête à la seule problématique de la déforestation on passe à côté du sujet. Pour moi le sujet c’est de ne surtout pas accroître cette déforestation et d’être moins dépendant des échanges inter-régions du monde, en autre sur la question des protéines (c’est une des questions essentielles de cet accord) pour la prochaine politique agricole commune (apparemment le gouvernement Français a décidé de se saisir de la question du plan protéine dans la PAC alors que lorsque je l’ai proposé à la Commission Européenne qui n’y était pas favorable). Ce plan permettrait en effet de réorienter la politique agricole vers plus d’autonomie alimentaire pour la production animale sans OGM. Quand vous produisez des protéines pour la production animale à partir de végétaux comme le colza, le tournesol, soja, etc, vous obtenez des co produits les bio-carburants. Ces bio-carburants permettent de limiter les gaz à effet de serre car ils remplacent les carburants fossiles. Donc nous entrerons dans un vrai cercle vertueux et plus intelligent en matière d’environnement, c’est aussi cela l’économie circulaire.

Cet accord entraînera-t-il également une explosion de la déforestation de l’Amazonie ?

C’est un mauvais accord sur les questions environnementales en effet car il encourage la déforestation pour mettre en place des cultures qui permettent la production de bio-carburants alors qu’en Europe si on avait les moyens d’une vraie filière protéine on pourrait être plus compétitif sur la production de bio-carburants et l’alimentation animale.

Dans les deux cas, les détracteurs de ces accords mettent en avant l’argument de l’incapacité de l’UE à répondre à d’éventuelles fraudes ou non-respect des normes, l’UE peut-elle vraiment agir ?

C’est très simple, ce n’est pas à l’UE de contrôler. L’UE a délégué aux états-membres qui sont très attaché à leurs prérogatives et compétences en matière de contrôles des importations, faute de quoi il faudrait augmenter le nombre de fonctionnaires européens et il y a déjà énormément de critiques sur le nombre de fonctionnaire en Europe. C’est donc une délégation de l’Europe à chaque état- membre, le problème étant qu’il n’y a pas une homogénéité des contrôles.

L’Union européenne peut agir s’il y a non respects des normes ?

Oui, il y a un certain nombre de dispositifs d’alertes en cas de fraude auquel j’ai travaillé durant mon mandat. D’ailleurs, ces dispositifs ont été activés et ont été performant dans la fraude au fipronil aux Pays-Bas et en Belgique, mais aussi la fraude à la viande de cheval dans les lazagnes ou encore il y a peu pour des steak-hachés vendus dans le cadre d’un appel d’offre d’associations d’aide alimentaire. Il y a donc un dispositif d’alerte qui permet une réaction rapide sur les fraudes. Cependant les fraudes il n’y a rien qui puisse les empêcher, aucun texte de loi n’empêchera jamais une fraude, l’important est de la détecter le plus rapidement possible et d’y mettre fin.

En tant qu’ancienne membre de la commission ENVI quel est votre regard sur le glyphosate (substance très controversée en France) ? Faut-il tout simplement le bannir ?

Au-delà de l’hystérie collective le plus important c’est la base scientifique. Il y a eu là aussi notoirement de la part de certains politiques socialistes et écologistes, une volonté d’entretenir une confusion entre la notion de risque et de danger. L’une est quantifiable, pas l’autre. L’une est scientifiquement établis, l’autre ne permet pas des calculs scientifiques. Donc je pense à partir de ce moment-là, le seul repère c’est la science. La décision qui a été prise par le Parlement Européen de mettre sous contrôle cette molécule, était la bonne solution – mais on pourrait en mettre bien d’autres dont personnes ne parlent tel que le fipronil par exemple utilisé par tout propriétaire de chien et de chat qui ne se lavent pas systématiquement les mains après avoir caresser leur animal traité- et je pense là aussi qu’il faut savoir raison gardée sur cette question des produits chimiques. J’étais à titre personnel contre la suppression pure et simple du glyphosate mais j’ai fait 10 propositions d’amendement au Parlement Européen, dans laquelle j’ai proposé la mise sous contrôle, une certification pour utiliser ces produits chimiques (ce qui est le cas en France mais pas dans le reste de l’Europe) et donc chaque agriculteur voulant se servir des produits phytosanitaires devrait obtenir ce certificat à conditions d’avoir les capacités telles la lecture des sigles, être capable d’effectuer une règle de 3 (cela semble enfantin mais nous constatons que ce n’est pas toujours le cas),… ne pas les utiliser dans des lieux publics, à proximité de lieux sensibles comme les écoles, hôpitaux, maisons de retraite. Mais surtout l’obligation de revoir en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques, les autorisations de mise sur le marché des produits tous les 7 ans et non pas tous les 15 ans comme c’était le cas. Peut-être que dans 7 ans nous aurons des outils plus optimaux pour mesurer leurs impacts. De plus aujourd’hui on mesure l’impact sur la santé humaine

mais pas encore l’impact sur la faune et la flore.

Un mot sur la PAC ?

La PAC doit prendre mieux en compte les questions environnementales ; pas en mettant en place plus de contraintes mais en mesurant mieux l’impact. Par exemple, si on prend le cas du
glyphosate : beaucoup d’agriculteurs sont partis depuis une dizaine d’années dans des pratiques de non-labour et quand on ne laboure pas un champ, on émet moins de gaz à effet de serre, on capte mieux le carbone, on respecte mieux la faune et la flore des sols. Donc à ce moment-là l’unique moyen de mettre en place des cultures quand on ne laboure pas c’est de passer un coup de désherbant. Sinon votre champ est envahi de mauvaises herbes, la nature est faite ainsi, et cela ne permet pas l’installation de nouvelles cultures. Il vaut peut-être mieux passer du glyphosate et permettre une meilleure vie de la faune et de la flore, de mieux capter le carbone et de limiter les gaz à effet de serre plutôt que de l’interdire et ainsi revenir au labourage. Il faut donc mieux qualifier les modes de production, les pratiques de culture plutôt que de mettre des carcans telle que le prévoir aujourd’hui la PAC, qui est un dispositif qui s’appliquent de la même manière du sud au Nord de la France, d’Est en Ouest de l’Europe alors que les climats, les sols sont extrêmement différents. Il faut passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats.

De quelle manière la droite de demain doit-elle se placer sur le thème de l’alimentation?

La première chose c’est sur notre autonomie alimentaire, or aujourd’hui pour nourrir nos animaux nous importons du soja, des tournesols OGM alors qu’on s’interdit d’en produire en Europe. C’est un paradoxe, je ne dis pas qu’il faut interdire les OGM mais il faut voir si cela comporte un risque, quel type de risque, c’est sur base scientifique qu’une décision politique doit se prendre mais surtout pas dans l’hystérie collective. La droite se doit de s’occuper de la qualité de notre alimentation hors l’agriculture française est l’une des plus sûres au Monde, je ne vois pas ce qu’on pourrait faire de mieux en France à ce niveau à part s’assurer que ce soit la même chose en Europe pour que le marché intérieur sécurise le consommateur sur ce qu’on lui propose dans les rayons de supermarché ou même dans les petits marchés. Ce n’est pas parce que c’est produit par un petit producteur que c’est forcément meilleur qu’un « grand » producteur. Je ne crois pas qu’il faille faire de sectarisme sur les tailles des exploitations, ni sur les modes de production, il faut que ces modes de productions soient identifiables par le consommateur et surtout qu’il existe une assurance sur la qualité sanitaire et alimentaire pour le consommateur. Puis il faut qu’on se préoccupe de ce que mangent nos concitoyens car aujourd’hui si les taux d’obésité augmentent c’est bien que la consommation alimentaire des Français n’est pas en adéquation avec leurs besoins. Il faut s’assurer de même que les produits importés répondent aux exigences des normes européennes et informer le consommateur sur l’exigence supérieure des normes imposées à la production française

Propos recueillis par Paul Gallard pour Droite de Demain.

%d blogueurs aiment cette page :