(Interview) Damien Abad (LR) « Soyons honnêtes : la droite a oublié de changer de décennie »
(Interview) Damien Abad (LR) « Soyons honnêtes : la droite a oublié de changer de décennie »

(Interview) Damien Abad (LR) « Soyons honnêtes : la droite a oublié de changer de décennie »

Damien Abad est député Les Républicains de l'Ain depuis 2012 et conseiller départemental depuis 2015

Vous avez un parcours assez impressionnant, étant notamment sorti major de votre promotion à Science Po Bordeaux, diplômé de Science Po Paris, plus jeune député français au parlement européen… peut-on dire que vous êtes un exemple de cet ascenseur social ?

Mon parcours est celui d’un homme engagé ayant appris très tôt l’importance du travail. Petit fils de mineur, mes racines maternelles comme paternelles trouvent leurs sources dans des origines modestes. Mais j’ai eu la chance de naître dans une environnement familial et social disponible pour m’accompagner dans mes choix et ambitions – ce qui n’est pas le cas de tous.

Je crois en l’ascenseur social mais malheureusement il est trop souvent en panne dans notre pays. D’après l’INSEE, les fils de cadres ont cinq fois plus de chance que les enfants d’ouvriers de finir cadres. Il en résulte une stagnation à la fois en bas et en haut de l’échelle sociale. Les contraintes financières, géographiques, culturelles et sociales sont tellement fortes que le seul mérite ne suffit pas pour réussir en France.

Cette méritocratie est souvent utilisée à droite mais est-elle réellement possible sous un prisme sociétal ?

La méritocratie est un idéal que nous devons nous efforcer de rendre réel. Une société qui accompagnerait vraiment tous ses citoyens de façon à ce que l’égalité des chances soit effective serait méritocratique. Notre premier objectif doit être de lever les freins financiers à l’ascension sociale. Le jour où le fils d’ouvrier, comme celui de cadre, cessera de prendre en compte le coût de ses études dans ses choix d’orientation, nous aurons une société plus méritocratique.

Le travail était durant longtemps la possibilité pour s’intégrer mais également de gravir les marches sociales, est-ce toujours le cas ?

Ne remettons pas tout en cause : seul le travail doit permettre de gravir les échelons sociaux. Je ne veux pas d’une société égalitariste qui promet à chacun une position favorable sans effort. Mais, la droite, parti des libertés, doit proposer de lever les freins au travail afin de décupler son retour sur investissement. Aujourd’hui, notre société comporte trop de barrières qu’il faut abolir pour permettre à chacun de s’élever. 

En parlant de méritocratie, la réforme du concours d’entrée à Science Po a défrayé la chronique, quel avis portez-vous sur cette actualité ?

Je suis avec intérêt les réformes engagées par la direction de SciencesPo depuis 20 ans. Si elles n’ont pas toutes été efficaces, l’ensemble a porté des fruits :  26% des étudiants en 2017-2018 étaient boursiers.

Si je m’interroge sur cette réforme, j’apprécie que cette vieille institution soit en perpétuelle recherche d’amélioration. J’espère qu’elle fera une évaluation d’impact sérieuse et rapide pour mesurer l’efficacité de cette réforme.

L’éducation nationale a souvent cherché à enrayer les inégalités dans l’accès aux études d’un point de vue géographique et culturelle, et a ainsi complément abandonné le handicap, comment améliorer cette situation ?

Je ne partage pas forcément votre point de vue : l’éducation nationale a cherché à enrayer les inégalités d’un point de vue sociale, pas géographique. L’étude récente de France Stratégie a dévoilé que « les chances d’ascension sociale des individus d’origine populaire (soit les enfants d’ouvriers et d’employés) varient du simple au double selon leur département de naissance ». Des mesures concrètes comme la déconcentration des universités parisiennes en campus régionaux, comme l’a réalisé Richard Descoings pour SciencesPo, seraient utiles en la matière.

Ceci étant dit, les inégalités en matière de handicap sont aussi criantes dans notre pays. La loi de 2005 impose aux structures, notamment aux écoles, d’assurer à un enfant en situation de handicap « une scolarisation au plus près de son domicile, de garantir une continuité du parcours scolaire et d’assurer l’égalité des chances aux examens ». Si le budget dédié à la scolarisation des élèves en situation de handicap a augmenté de plus de 25% au cours de ces deux dernières années, atteignant près de 2,4 milliards d’euros, et si le nombre d’élèves en situation de handicap accueillis dans les établissements scolaires a quasiment triplé, passant d’environ 118 000 en 2006 à plus de 340 000 en 2018, et que le nombre d’enfants accompagnés par une aide humaine a été multiplié par 6, passant sur cette même période de 26 000 à 166 000, trop d’enfants se trouvent encore en situation de rejet ou tout au moins de solution acceptable pour eux-mêmes comme pour leurs parents soucieux de leur intégration en milieu scolaire classique.

Pour vous qu’est-ce que la droite de demain ?

Soyons honnêtes : la droite a oublié de changer de décennie. Les thèmes des années 2000 ne sont plus ceux d’aujourd’hui. En repartant de notre socle de valeurs, je pense notamment aux libertés, au travail et à l’identité, nous devons investir de nouveaux champs thématiques.

Prenons, par exemple, la question environnementale. La droite ne cesse de parler de racines et d’identité. Elle a raison mais ne voit-elle pas que l’action humaine altère de plus en plus notre environnement, c’est-à-dire nos racines et notre identité ? La droite ne doit pas s’interdire de parler des gaspillages écologiques et de l’importance d’une société de la sobriété qui fait de l’homme non plus un maître mais un gardien de la Nature.

Propos recueillis par Paul Gallard pour Droite de Demain

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