Jean-Martin Mondoloni est Président du groupe Per L'Avvene à la Collectivité de Corse.
Bonjour Monsieur Mondoloni, vous avez récemment fondé le parti Per l’Avvene auparavant groupe d’opposition à la Collectivité de Corse. Pouvez-vous nous présenter votre parcours politique ainsi que ce nouveau parti ?
Bonjour, Per l’Avvene est le 1er groupe d’opposition à la majorité nationaliste depuis décembre 2017, et nous avons décidé de l’organiser en mouvement politique pour l’enraciner dans le paysage politique et pour permettre d’exposer sur le terrain notre action politique à l’Assemblée de Corse. Engagé depuis toujours au sein de la famille gaulliste et libérale, j’ai assumé mon premier mandat en 2004 en accédant à l’hémicycle régional jusqu’en 2010, puis à partir de 2016. Parallèlement, les structures nationales se sont coupées des ancrages locaux. Combiné au fait que la droite insulaire faiblissait, cet état de fait s’est traduit par une incompréhension de la Corse de la part des partis nationaux, aggravé par le fait qu’électoralement, notre poids est plus que minime. D’où la nécessité de créer une entité régionale, de droite, qui assume la décentralisation et se concentre sur la Corse.
Quels sont les axes idéologiques liés à ce parti ?
Justement, notre vision est fondée sur le pragmatisme face au dogmatisme porté par les nationalistes qui bercent d’illusions les Corses et désignent un ennemi, l’Etat, responsable de tous les maux, alors que la Collectivité dispose de bon nombre de leviers et de prérogatives qu’elle se doit d’assumer. Nos axes se veulent novateurs sur des sujets comme l’environnement, où nous prônons une ambition assez tranchée pour que la Corse parvienne le plus rapidement à l’autonomie énergétique et constitue un modèle d’excellence écologique. En termes de santé également même si c’est une compétence qui appartient à l’Etat. Formation, économie, gestion des déchets, transports font partie du bloc de compétences dévolues, entièrement ou pour partie, à la région et qui méritent une action forte.
Qu’est-ce qui différencie une politique régionaliste d’une politique fédéraliste ?
Sur le plan de la théorie politique, je dirais que la différence réside dans le type d’Etat. Le fédéralisme est ascendant, des Etats s’associent et transfèrent une part de souveraineté à un Etat central. Dans les Etats unitaires, comme la France par exemple, le mouvement est descendant, le pouvoir est dévolu par l’Etat aux collectivités locales dans certains domaines. Dans une logique de subsidiarité, il est juste et légitime que le pouvoir s’exerce localement lorsqu’il peut l’être et surtout lorsqu’il s’agit des spécificités d’un territoire. A titre d’exemple, il est normal que la Corse gère elle-même la desserte maritime qui la relie au continent, ou encore la gestion des déchets en choisissant le modèle qu’elle souhaite pour leur traitement… Tout autant, pour tout ce qui est régalien, c’est à l’Etat de l’assumer.
Vous défendez une droite régionaliste, de quelle manière la droite de demain doit-elle prendre en compte la décentralisation ?
Comme je vous le disais plus haut, en l’assumant sans pointer sans cesse du doigt l’Etat, l’Europe, etc… Gouverner c’est faire des choix, et choisir c’est renoncer. Il faut savoir prendre des décisions. La question des déchets est le meilleur exemple de l’inaptitude de la majorité nationaliste à faire des choix. Nous leur avons proposé, tout en optimisant le tri par une politique incitative et par des unités de surtri, d’envisager la méthanisation des fermentescibles et le lancement d’une étude sur la faisabilité d’une unité de valorisation énergétique. La majorité rejette cette série d’idées combinatoires et nous oppose finalement de continuer à enfouir comme si c’était plus écologique… Après des décennies d’engagement contestataire à tous niveaux, les nationalistes peinent à assumer la gestion et à faire les choix qui s’imposent.
Quelles sont les spécificités qui vous différencient d’une droite nationaliste ?
Clairement, les nationalistes aspirent à faire nation et sont dans une logique de rupture et de distanciation de principe d’avec la France. C’est une logique très jacobine qui consiste à dire qu’on est soit français soit corse. Or, nous, nous considérons qu’on peut être soi-même tout en étant ensemble. Je suis corse, français, européen… sans que ça me pose de problème d’identité.
Etre régionaliste signifie simplement exercer les responsabilités au plus près de la population, assumer une identité insulaire qui n’est en rien incompatible avec l’appartenance à un ensemble national du moment que celui-ci reconnaît nos spécificités.
La Corse dispose déjà d’un statut particulier, il en est de même pour différentes régions (Alsace, Bretagne, Nouvelle-Calédonie) est-ce insuffisant ? Quelle devrait être dans ce cas la nouvelle étape ?
Le dernier statut, celui de 2002, qui est le plus abouti, n’est pas pleinement opérationnel notamment ce qui concerne les pouvoirs d’adaptation et d’expérimentation législatifs et réglementaires. Ca fait par exemple 10 ans que l’on essaye par ce biais de modifier les dates d’ouverture et de fermeture des temps de chasse des oiseaux migrateurs, décidés au niveau ministériel, parce que les migrations sont naturellement décalées de deux semaines en Corse par rapport au continent. Les demandes sont formulées conformément à l’article 4422-16 du CGCT. Or, lorsqu’elles arrivent au Secrétariat Général du Gouvernement, organe producteur de la norme, qui n’a pas l’habitude de partager ses prérogatives, elles sont classées sans suite parce que la Constitution ne reconnaît pas ces pouvoirs d’adaptation et d’expérimentation. D’où l’idée d’inscrire la Corse dans la Constitution pour offrir à ces mesures un fondement permettant enfin leur opérationnalité. Donc la prochaine étape, c’est l’inscription de la Corse au sein de l’environnement de l’article 72 qui concerne l’ensemble métropolitain, et pas au-delà comme le voudraient les nationalistes.
Vous êtes proviseur d’un lycée, on assiste à un réel déclin des traditions régionales dans les établissements scolaires notamment au niveau du patois, comment réagir face à cela ? Peut-on réellement lutter ?
Contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions, la langue corse bénéficie d’un soutien actif de la part du Rectorat et de la Collectivité de Corse qui font que les élèves qui le souhaitent ont accès à un apprentissage et un enseignement de qualité. Malheureusement, trop peu d’élèves y ont recours. C’est un phénomène qui s’aggrave de façon concomitante et inversement proportionnel à l’essor du nationalisme dans les urnes. On ne parle plus corse, on ne vit plus au village, mais on vote nationaliste pour compenser et se bercer d’illusions reposant sur une vision mythifiée de la Corse au lieu de prendre ses responsabilités et d’assumer sa part d’effort pour que la culture perdure, que la langue reste un vecteur de communication, etc… Pour ce qui est des traditions régionales, elles sont partout ce que la société locale en fait, ce n’est pas aux établissements scolaires de faire leur promotion si elles ne sont pas naturelles.
De même, Eric Ciotti déclarait très récemment que le pouvoir en place essayait de mettre fin aux villages en formant des pôles de population de plus en plus grands et en ne luttant pas contre la désertification. Tout d’abord êtes-vous d’accord avec cette affirmation, et dans un deuxième temps, est-ce que votre parti a placé ce sujet parmi ses priorités ?
Le phénomène de désertification rurale n’est pas le fait du pouvoir en place, c’est un processus constaté depuis environ 50 ans, la population cherchant en ville confort et travail encadré en lieu et place des difficiles activités agricoles et de l’absence (à l’époque) de commodités. C’est une priorité collective de revitaliser l’intérieur. La clef réside dans la nécessité de doter la Corse rurale d’infrastructures de qualité dans le domaine des NTIC puis des routes. Le télé travail peut être un vecteur formidable de revitalisation, permettant à des familles de se réinstaller dans les villages où le prix du foncier est moins cher, où pourront rouvrir des écoles, etc… Il faut aussi que l’administration et les entreprises adoptent et encouragent cette nouvelle façon de travailler.
Pour vous, qu’est-ce que la droite de demain ?
Une droite qui assume ses traditions, son ancrage, son identité pour mieux se tourner vers l’avenir et être force de proposition. Sans être dans la réaction ou le repli.
La droite a toujours eu du mal à concilier dans le discours la gestion – qu’elle est la plus à même d’assurer tant elle est plutôt libre idéologiquement – et le besoin de faire rêver la population et les électeurs. Choisissons de défendre tout simplement des convictions et leur réalisation de façon concrète et pragmatique.
Propos recueillis par Paul Gallard pour Droite de Demain