Samuel Lafont est le fondateur du site Damoclès, site en ligne de mobilisation.
Bonjour Samuel Lafont, vous êtes spécialisés dans la stratégie en communication, pouvez-vous nous présenter votre parcours en politique numérique ?
En parallèle de mon engagement « sur le terrain », c’est-à-dire dans les universités aux quatre coins de la France avec l’UNI (Union Nationale Inter-universitaire), j’ai commencé à utiliser internet, et en particulier les réseaux sociaux dans le but de toucher un maximum de gens.
Quand vous militez dans les universités, vous savez qu’il est plus efficace d’intervenir devant 300 étudiants dans un amphithéâtre pour présenter votre projet que de se limiter à aborder les étudiants un par un. Je vois la même logique dans l’utilisation d’internet pour militer : l’efficacité. D’autant qu’internet vous permet de faire des buzz, et donc de dépasser très largement votre audience initiale.
Pendant mon engagement à l’UNI, j’ai cofondé une société de communication en stratégie de communication. Je suis ensuite passé par l’association Contribuables Associés où j’ai pu allier mêler l’action sur le terrain (Tour de France en 80 jours) et l’action numérique. Après cette expérience, je suis entré à la Région Ile-de-France. En 2017, j’ai participé à la campagne présidentielle de François Fillon, dans le pôle « société civile ». Surtout, en janvier de cette même année, avec des amis, nous lancions Damoclès, Premier Média de mobilisation. Depuis nous avons lancé de nombreuses campagnes et réunissons aujourd’hui plus de 500 000 Damoclésiens.
La communication politique est-elle désormais au service des convictions ou de l’élection ?
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’effectuer un distinguo ferme entre les convictions et le processus de désignation des dirigeants politiques. Lorsque vous communiquez, c’est que vous avez quelque chose à dire. Or, durant la période de campagne électorale, qui s’étend souvent bien au-delà de la période de campagne dite officielle, les candidats sont nécessairement amenés à promouvoir des idées et à présenter des projets qui, peut-on l’espérer, sont en adéquation avec des convictions.
Cela étant dit, il existe évidemment des techniciens de la communication électorale dont le socle de convictions est soit bien fluide, soit simplement introuvable. Mais les dernières grosses surprises électorales, en tout cas pour les médias politiquements corrects actuels, viennent plutôt de campagnes forgées à partir d’idées claires. Pensons par exemple à la campagne de Donald Trump, qui a littéralement écrasé Hillary Clinton dans les urnes.
Peut-on considérer que la politique se passe désormais sur le numérique et la maîtrise de la DATA comme le laisse à penser les militants de Macron ?
Pendant des années j’ai entendu l’ineptie suivante : « il y a les gens sur internet, et il y a les « vrais gens » », comme si les internautes étaient des robots ou des êtres qu’il nous serait impossible de croiser dans la rue. Non seulement c’est absurde, mais cette croyance a empêché l’investissement du terrain numérique par des organisations militantes. Ce genre d’affirmations grotesques est parfois énoncé par des personnes qui ne veulent pas avoir à innover en sortant de leur zone de confort, ou qui n’osent pas dire qu’elles ne comprennent rien à la logique d’internet, ou encore qui se sentent dépassées par les nouveaux outils disponibles pour communiquer.
Pour autant, il est certain que les campagnes en ligne gagnent en importance dans le domaine politique, non seulement en période de campagne électorale, mais aussi chaque jour dans la promotion des idées. Une bonne vidéo peut convaincre plus de citoyens que des dizaines de « meetings ». Ce qu’il faut comprendre, c’est surtout qu’internet permet de toucher énormément de monde, en très peu de temps et pour un coût très faible, à condition de maîtriser les outils à notre disposition, d’avoir des idées et d’être exigeant envers soi-même.
Enfin, quand il est question de données, il est fréquent de mélanger deux sujets qui me semblent dissociables. D’une part, le fait de savoir quels électeurs, quels quartiers ont davantage tendance à voter pour tel ou tel candidat, pour telle ou telle tendance politique. Remarquez que l’étude des résultats électoraux bureau de vote par bureau de vote autorise à établir un certain nombre de généralités utiles électoralement, sans avoir besoin d’internet. Sur ce sujet, l’innovation numérique avec la gestion des données vient du fait de lier les données accumulées et l’action sur le terrain, notamment le porte-à-porte. Ce mode de militantisme est actuellement celui qui augmente le plus la participation électorale en faveur du candidat qui le pratique. Il en a été beaucoup question lors de l’analyse de l’élection présidentielle 2012, on en entend moins parler aujourd’hui. Derrière l’effet de mode médiatique demeure une réalité statistique.
Le second sujet concerne l’exploitation des données pour cibler les électeurs directement sur la toile, sans avoir à passer par le terrain physique, par la rue. C’est ce dont les médias parlent le plus depuis l’excellente campagne de Donald Trump. Cela peut passer très simplement par des campagnes d’emailing ciblées. L’efficacité de ce mode d’action dépend des données que vous avez le droit de collecter et d’utiliser, de l’intégration dans l’équipe de campagne d’experts techniques , et, comme toujours, de rigueur. L’amateurisme règne encore largement en la matière.
Quels sont les réseaux à privilégier pour une bonne campagne numérique ? Est-ce qu’on peut considérer les « anciens médias » (TV,radio) comme dépassés par les nouveaux médias ?
S’il fallait choisir des réseaux sociaux, je dirais Facebook et Twitter, assurément. Facebook pour toucher directement l’ensemble des Français, comme cela a été fait durant le pic de mobilisation des Gilets Jaunes, et Twitter pour influencer les décideurs et donc s’adresser indirectement aux Français en général. Instagram est également pratique. Pinterest n’a pas encore fait ses preuves dans la sphère politique en France. TikTok est à surveiller. L’email est largement sous-exploité car cela demande un long apprentissage, bien souvent ignoré. Il est plus difficile de se rendre compte qu’on ne sait pas rédiger un bon email, que de constater qu’on ne sait pas utiliser un logiciel de montage de vidéo. La vidéo, parlons-en : nous avons une marge de progression extrêmement importante en France pour les vidéos politiques. Je vous invite à jeter un oeil aux vidéos de Donald Trump ou à la récente vidéo de campagne de Boris Johnson, « Brexit, actually ».
Le problème des anciens médias, bien souvent subventionnés, est qu’ils agissent comme si leur modèle était éternel. Comme s’il était normal de publier un trop grand nombre de papiers, peu lus, et au milieu desquels se trouvent souvent des contenus médiocres, mal écrits ou de simples copiés-collés de dépêches AFP. Comme s’ils étaient chargés de faire la morale aux Français ou d’insulter les citoyens dont ils ne partagent pas les choix électoraux. Ils sont de plus en plus détestés, et, pour ceux qui ne le sont pas encore, le niveau mesuré de confiance de la population baisse inexorablement. Ces médias se sont trompés en choisissant de courir après Twitter. Nous venons d’ailleurs de lancer une grande campagne nationale avec Damoclès pour exiger la suppression des subventions aux médias, que vous pourrez retrouver ici : https://damocles.co/petition-stop-subventions-medias/ Sous couvert de « diversité des opinions » pour justifier les subventions, la presse s’est largement rassemblée autour d’un politiquement correct abrutissant, ruineux pour la pensée. Le système actuel est totalement vicié.
La communication au temps des réseaux sociaux : la droite est-elle au point ?
La droite en général est très présente sur Twitter, qui demeure un peu moins censuré que Facebook et où la liberté d’expression est donc plus grande. Ce qui menace la droite sur internet, c’est le filet d’eau tiède et l’inadaptation à la logique web. Connaissez-vous l’expression « left can’t meme » ? Elle décrit le fait que la gauche est incapable de produire des mèmes car elle se perd elle-même dans son politiquement correct. Dans le règne de l’ « offense », des militants de gauche considèrent qu’il devrait être interdit de dire ou d’écrire quelque chose, ou qu’il faudrait du moins fortement s’en abstenir, devant la simple possibilité qu’une seule personne puisse se sentir « offensée ». C’est la fin de l’humour programmée. Et une limitation extrême de la liberté d’expression. Si on fait l’erreur d’écouter ces gens-là, il faudra bientôt lister les sujets dont on a le droit de parler, et ce qu’il est autorisé d’en dire.
La droite ne doit surtout pas céder au politiquement correct. Ne pas oser dire les choses, c’est s’empêcher de penser. Être en retard sur ce qui se pense et ce qui se dit, c’est montrer sa déconnexion d’avec le peuple. Les suiveurs n’ont jamais fait rêver et ne feront pas davantage rêver demain. La droite de demain ne peut être constituée de tièdes qui ont peur de leur ombre. Courage et volonté.
L’inadaptation au format internet consiste à ne pas penser le contenu qu’on souhaite diffuser en fonction de l’outil utilisé. Toutes choses étant égales par ailleurs, c’est comme si on confondait un tract avec une affiche. Maîtrisons les outils. Ayons l’humilité de reconnaître qu’il faut un temps d’apprentissage. Conservons la curiosité indispensable à la possible prise en main de nouveaux moyens d’action, et à l’optimisation de ceux qu’on utilise déjà. Les médias politiquement corrects, pour l’instant largement dominants, soutiennent les immigrationnistes, les lâches et le relativisme. Nous devons être résistants face aux coups, ne rien céder au politiquement correct et parler directement aux Français. Internet nous permet de ne pas dépendre des médias dits traditionnels. En ce sens, le développement du numérique est une chance pour la droite de demain.
On connaît votre site « Damoclès » dont l’objectif est la mobilisation sur les RS de la droite, est-ce l’une des pistes d’amélioration ?
Damoclès est le Premier Média de mobilisation. Il permet aux Français de reprendre le pouvoir de l’information et de se faire entendre. Cette liberté reprise sur les médias politiquement corrects aurait été impossible sans internet. À l’heure où je vous réponds, nous réunissons plus d’un demi-million de Damoclésiens. Tous ensemble, nous pouvons avoir une influence sur l’avenir de notre pays, pour l’intérêt de la France et des Français. Contre le retour de djihadistes sur notre sol, face à l’immigration massive et à l’islamisation de la France, face au matraquage fiscal qui s’amplifie jour après jour et appauvrit les Français, en opposition au politiquement correct lâche qui a envahi les médias : c’est ensemble que nous pouvons vaincre.
Pour être efficaces sur internet, il faut cesser de perdre son temps en bavardages ou en vaines oppositions avec le voisin. La bulle de filtrage liée aux algorithmes des réseaux sociaux nous fait essentiellement voir le contenu avec lequel nous sommes plutôt d’accord. Et ignorer, sans recherche volontaire du moins, l’immense majorité du contenu, et donc des manières de penser dont on n’a pas forcément conscience. C’est d’autant plus vrai sur Facebook que sur Twitter, car sur Twitter les hashtags en tendance sont toujours l’objet de confrontations ; on voit l’autre. Sur Facebook la multiplication de pseudo débats qui s’éternisent entre personnes d’accord à 99 % consomme beaucoup d’énergie. À droite comme à gauche d’ailleurs.
Pour être efficaces sur internet, il faut aussi inscrire notre action dans la durée. Trop d’initiatives sans doute viables disparaissent au bout de quelques mois faute de constitution d’une équipe solide. Et par équipe solide je n’entends pas une armée mexicaine pour qui l’action numérique est un passe-temps un dimanche après-midi sur deux. Comme pour toute entreprise, tout projet, il faut au commencement une équipe resserrée pour qui l’aventure en question est la priorité. Tenter de nouvelles choses, tester puis valider ou invalider. Ne pas rester dans l’expectation. Le monde ne nous attend pas. Pour ne pas avoir honte devant nos enfants demain, il faut agir. Maintenant.
Pour vous quelle doit être la position de la droite de demain sur les nouvelles technologies ?
Il y a deux positions à la mode à propos des nouvelles technologies : ne jurer que par elles dans un « progressisme » navrant, ou ne parler que d’éthique en se plaçant soi-même en dehors de l’action. La droite de demain doit être prudente, dotée de sagesse pratique. Nous devons à la fois savoir ce que nous voulons pour l’homme, et d’abord pour le Français, et ne pas tomber dans l’opposition bête et systématique à toute innovation. J’entendais récemment lors d’une conférence une personne dans le public expliquer que l’envoi d’emails serait une catastrophe pour notre planète en termes de pollution et qu’il faudrait cesser au plus vite d’utiliser ce moyen de communication. Un intervenant lui a proposé de transmettre alors tous ses messages par pigeon voyageur. Croire et laisser croire que l’outil détruit nos relations passées sans qu’on ne puisse rien y faire, et donc domine l’homme, c’est se rapprocher des sectaires fans du gourou à la mode, Greta Thunberg.
Il existe également une tendance consistant à rejeter massivement la faute de la diminution d’un certain lien social sur les innovations technologiques. Sans voir que d’autres liens émergent. Sans voir surtout que l’état actuel de la France est bien plutôt dû à la lâcheté, aux erreurs et aux errements de ses récents dirigeants, à l’immigration massive, à l’explosion de l’insécurité et au politiquement correct qui ruine la pensée jusque dans la recherche universitaire, plutôt qu’à Facebook, Twitter ou Instagram. Si la France refuse d’être à la pointe de la recherche, d’autres peuples le seront à notre place. Et nous serons dominés. Restons humbles, prudents et curieux face à l’avenir.
Propos recueillis par Paul Gallard pour Droite de Demain
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