Les cérémonies des Césars et des Victoires de la Musique n’ont pas eu bonne presse en 2021. La crise du coronavirus a lourdement impacté un secteur déjà très fragile, et a exacerbé l’engagement politique des artistes qui osent tout pour se faire entendre. L’un des sujets le plus récurrent reste la place des femmes dans les domaines artistiques. L’édition 2021 des Victoires de la Musique s’est notamment fait remarquer car, comme l’édition de l’année précédente, aucune femme n’était nommée dans la catégorie « album de l’année ».
Entre prises de position décalées, propositions extravagantes et réalité du secteur, le chemin de la parité dans la culture est encore long. La droite a tout intérêt à prendre une place dans les discussions, comme le fait d’ailleurs la sénatrice de l’Essonne Laure Darcos, Vice-Présidente de la Commission culture, éducation et communication mais également de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Laure Darcos participait début mai à une table-ronde des Assises de la Parité pour présenter les avancées de la place des femmes dans le domaine culturel. Elle a souligné la différence entre les secteurs, les femmes étant plus présentes généralement dans les métiers de l’édition que dans les métiers de l’audiovisuel, mais également l’évaporation des femmes au fil de l’âge.
Les femmes dans le secteur culturel
Pour l’année 2018-2019, 61% des étudiants en études supérieures artistiques et culturelles (au sein des écoles nationales) étaient des femmes. Elles ne représentent pourtant plus que 46% des professionnels de la culture. L’une des raisons de cet écart est le recours au concours. La fonction de chef d’orchestre en est assez représentative. En France, 586 hommes sont chefs d’orchestre contre 21 femmes. Sans parler de discrimination, les stéréotypes continuent d’influencer les décisions. Dans le milieu, l’expression « diriger comme une femme » est d’ailleurs très souvent employée à titre péjoratif. Le métier de chef d’orchestre est synonyme d’autorité, de charisme, de disponibilité et de voyage, ce que beaucoup de jury ont encore du mal à associer aux femmes.
Afin de laisser leur chance aux femmes, la musicienne Claire Gibault, cheffe d’orchestre et fondatrice du Paris Mozart Orchestra, a organisé en 2020 la première édition du concours international La Maestra à la Philharmonie de Paris. Réservée aux femmes, le message n’est pas d’exclure les hommes mais de permettre à des cheffes d’orchestre du monde entier de se faire connaître lors d’un concours médiatisé et d’accompagner les trois meilleures. Ce projet permet également aux jeunes femmes de s’identifier à des modèles et d’oser intégrer les classes de direction d’orchestre dans les écoles.
L’évaporation des femmes dans les métiers culturels se retrouve également en fonction de l’âge. Alors que 44% des professionnels du spectacle vivant entre 25 et 34 ans sont des femmes, elles ne représentent plus que 33% de la tranche 45-54 ans. Les causes peuvent être multiples : pression de secteurs majoritairement masculins, manque de débouchés professionnels, précarité de l’emploi, changement de voie pour s’occuper de sa famille. Il est pourtant surprenant que ce phénomène touche majoritairement les femmes.
Les politiques publiques en faveur d’une féminisation de la culture
En 2014, le gouvernement de Manuel Valls a fait voter la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Depuis, le Ministère de la Culture tente d’être un exemple de parité et incite lourdement les établissements culturels et artistiques à être ambitieux sur le sujet. Pourtant, alors qu’en 2020, 50% des postes de direction du Ministère étaient occupés par des femmes, elles ne sont plus que 35% en 2021. Les bons élèves sont les cinq entreprises de l’audiovisuel public (France TV, Radio France, Arte, Ina et TV5 Monde) avec 80% de femmes aux postes de direction. Par comparaison, au sein des 100 plus grandes entreprises culturelles privées, ce chiffre tombe lourdement à 16%.
La feuille de route du Ministère pour 2020-2022 se donne un objectif de 50% de femmes à la tête des établissements culturels publics. Elle poursuit également les chantiers concernant les disparités salariales et la visibilité des femmes artistes, mais également le vaste plan de formation à la prévention et à la lutte contre les violences et harcèlements sexuels et sexistes.
Lors de son dernier rapport sur l’égalité homme / femme, la DGAFP précise que la principale source d’inégalité dans les salaires réside dans le fait que les hommes choisissent moins souvent le travail à temps partiel et n’interrompent que très rarement leur carrière.
Pour les artistes femmes, la carrière est très liée à la visibilité qu’elles peuvent avoir sur la scène culturelle et aux récompenses obtenues. Sur ces deux points, les chiffres ne sont toujours pas à la hauteur des belles promesses politiques. Sur la saison 2019-2020, 35% des spectacles programmés dans les théâtres nationaux étaient mis en scène par des femmes. En 2018, sur 300 longs-métrages agréés par le CNC, 69 étaient réalisés par des femmes. La conséquence : dans le milieu artistique, les femmes sont moins consacrées. Entre 2010 et 2019, seulement 1 femme a reçu le Molière du metteur en scène (sur 8 sélectionnées contre 45 hommes) et aucune femme réalisatrice n’a été primée aux Césars (alors qu’elles ont été 12 sélectionnées).
Dire qu’il faut plus de parité est une chose, agir en est une autre. Le Ministère et ses établissements publics ont ainsi imposé des systèmes de quota et des malus financiers pour les institutions ne respectant pas l’égalité. Mais est-ce vraiment la bonne solution ?
Pour une féminisation de la culture censée et incitative
Le changement d’opinion ne peut se faire sur un temps politique. La priorité est donc de montrer que des femmes ont réussi dans le secteur culturel et de les mettre en avant pour provoquer une réflexion sur leur capacité à occuper des fonctions artistiques. En politique, les avancées dans l’équité homme / femme passent malheureusement par la mise en place d’un système de quota pour que les femmes qui le méritent prennent toute leur place. Dans certains secteurs artistiques, nous devons garder l’espoir de ne pas en arriver là.
Une programmation à 50% féminine n’a pas de sens, parce qu’il existe un principe fondamental qui est la liberté artistique et parce que notre société ne peut revenir sur des siècles d’Histoire des arts. Pour exemple, en musique « classique », il existe très peu de femmes compositrices. C’est un fait historique qui correspond à la société de l’époque moderne.
La droite française doit défendre des politiques culturelles censées et incitatives, contre des idées démagogues et punitives. Plutôt qu’une accumulation de législations incompréhensibles, il faut engager un éveil collectif avec des objectifs à atteindre. Ainsi, le CNM (Centre national de la musique) a instauré cette année un système de bonus financier pour les directions artistiques mettant en lumière des femmes compétentes, au lieu de retirer des subventions à des scènes qui programmeraient moins de femmes que d’hommes.
Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer ce sujet et de laisser la gauche et l’extrême-gauche revendiquer des propositions extravagantes appuyant toujours plus sur la division. S’investir dans les réflexions sur la place des femmes dans la culture est pour la droite un des fils à tirer pour retrouver sa légitimité dans les politiques de société.
Alexandra Monet