Illustration : Daniel Vorndran / DXR
La victoire macronienne aux élections présidentielle puis le ralliement du groupe agir ainsi que les différentes alliances avec le centre (UMP) ont donné l’idée à certains, d’une alliance avec l’autre bord politique : le Rassemblement National.
Je ne veux pas céder à la bien-pensance et un jugement qui reste très exagéré́ sur les extrêmes. Il ne faut pas combattre le RN par une chasse aux sorcières démesurée mais bien sur leur vide intellectuel et l’incompatibilité idéologique. Il faut analyser ce projet sous un angle historique et en particulier analyser les exemples de ces alliances « des droites ». Ainsi, nous étudierons le fameux « Bloc National » de l’entre-deux-guerres.
D’abord un petit rappel s’impose. Le Bloc National apparaît à la fin de la Première Guerre Mondiale. Durant cette guerre la population est soudée face à l’ennemi commun : c’est « l’Union Sacrée ». On peut aussi noter que la Droite s’est ralliée aux institutions de la IIIème République pour la première fois. En effet, la Droite a essayé́ à de nombreuses reprises de mettre fin au régime sous MacMahon et s’est replié lors de la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Cette droite veut maintenir l’Union Sacrée et cherche donc à la retranscrire sur une échelle électorale.
Les droites vont s’allier sur la campagne des législatives en 1919. C’est ainsi que la droite modérée s’allie au centre droit (Fédération Républicaine) mais aussi à une droite catholique et nationaliste. C’est un bouleversement électoral ! Cette alliance obtient 415 sièges avec un renouvellement des élus (beaucoup d’anciens combattants). Cette chambre ultra majoritaire est alors surnommée la « Chambre bleu horizon » en référence au fait qu’elle est composée de nombreux anciens combattants.
Les points communs sont nombreux avec la période actuelle. La France sort d’une crise financière et politique avec la crise de 2008 ainsi que le mouvement Gilet Jaune. On relève la montée des extrêmes avec Marine Le Pen qui arrive au second tour de la Présidentielle tout comme la montée des ligues d’extrême-droite dont l’Action Française à l’époque. De même, les partis cités plus haut ressemble étrangement à cette alliance défendue aujourd’hui entre : le Parti Démocrate Chrétien (droite catholique), Les Républicains (Fédération Républicaine), le Rassemblement National (droite nationaliste) et les centristes (droite modérée). Une alliance qui s’oppose fortement au bolchevisme, alors qu’à l’heure actuelle la droite doit lutter face à une alliance des centres (Macron). Et cet anachronisme est assez étonnant car au moment de la montée des droites en 1919, la gauche est très divisée ne trouvant pas de meneur charismatique. Le Congrès de Tours parachève cette division avec la division de la SFIO en deux entités : la SFIC ( parti communiste) et la SFIO (parti socialiste). Il en est de même avec la division de la gauche lors de l’ élection présidentielle où la gauche n’obtient pas un accès au second tour avec la montée de la France Insoumise de Jean Luc Mélenchon condamnant le Parti socialiste.
Après avoir étudié un contexte qui semble très semblable nous pouvons nous atteler sur l’échec de cette chambre à trouver une réelle unité politique. Très vite, des divergences apparaissent avec les crises sociales qui en découlent notamment celle des ouvriers mais aussi l’augmentation des impôts qui vont diviser cette chambre. La chambre n’arrive pas à s’unir sur une ligne claire car chacun dispose d’une idéologie différente. Ainsi Aristide Briand est contraint de se retirer de la Présidence face au refus de son camp de négocier la dette allemande. Ces conflits vont mener à une instabilité gouvernementale importante : Briand démissionne en 1921, Poincaré en 1922 et Millérand en 1924, tous subissent la difficulté d’unir leur camp vers un objectif commun.
Outre la ligne politique cette chambre va difficilement trouver une personnalité l’incarnant. Au départ, c’est Georges Clémenceau sortant de la guerre en héros qui est favoris. Cependant il divise : la gauche n’aime pas son coté homme providentiel et autoritaire tandis que la droite est opposée à sa vision anticléricale. C’est aussi un constat que l’on peut faire : qui pourrait mener une telle alliance à droite ? Marine Le Pen ne plaît pas aux centristes et aux gaullistes, Wauquiez n’est pas considéré par les nationalistes du RN et les ultras gaullistes de DLF, le centre droit est allié à Macron et Dupont Aignan divise au sein de LR par son départ en 2007 de l’UMP.
Cette perspective d’une alliance des droites avec le RN semble donc au départ une bonne idée pour obtenir les voix nécessaire à une victoire. Cependant, la différence des idéologies ne peut que mener cette alliance à un échec comme ce fut le cas avec ce Bloc National. Outre la difficulté à s’entendre sur une vision commune, la nécessité de trouver un leader accentue la difficulté. Cette chambre bleu horizon va prendre fin avec la montée du Cartel des gauches en 1924 ce qui prouve qu’une alliance des droites profite sur le long terme à la montée des gauches. Il ne faut pas faire une alliance qui sur le long terme nous serait défavorable mais bien réaffirmer notre socle idéologique, revenir aux valeurs qui ont fait de la droite le premier parti durant des années. Il faut revenir à une droite populaire, à une droite RPR profondément gaulliste.
C’est ainsi que la droite doit s’inspirer du passé, garder ses valeurs, son attachement historique, ses racines car c’est par cette remise en question qu’elle laissera les extrêmes au plus bas !
Paul Gallard