Le sujet d’une coopération militaire Européenne est remis au goût du jour par notre Président de la République, Emmanuel Macron, en Novembre 2018. Il fait alors une déclaration dans laquelle il explique la nécessaire création d’une « armée européenne » afin de « protéger » les citoyens.
Emmanuel Macron n’est pas le premier à s’engager dans la voie d’une coopération élargie en matière de défense commune. En effet, dès 1950, la création de la Communauté européenne de défense est un véritable échec. Projet porté par Jean Monnet alors Commissaire Général du Plan Français, qui prévoit la mise en place d’une armée européenne permettant l’intégration de soldats de la RFA. Le texte fut rejeté par l’Assemblée Nationale Française en 1954. Un échec pourtant dans une période où les pays européens n’ont toujours pas accès à la dissuasion atomique. On peut aussi noter un échec cuisant durant les années 2000 avec l’agence AED qui n’a permis aucun programme d’armement depuis sa création.
Au départ, tout semble pourtant séduisant : une armée plus puissante, une cohésion renforcée, des moyens augmentés, une répartition plus décentralisée, des bases à travers l’Europe facilitant ainsi le passage des armées dans les pays, et surtout une dépendance moins forte vis à vis des USA… L’Allemagne est séduite par cette idée et Angela Merkel a défendu le projet devant le Parlement Européen. La coopération en matière de défense est ainsi apparue dès le Traité de Lisbonne de 2007, avec la PSDC (Politique de sécurité et de défense commune) qui devait à terme permettre à l’Union Européenne de se doter d’une capacité opérationnelle. La coopération entre l’Allemagne et la France est renforcée notamment à un échelon très local avec la base aérienne Franco-Allemande du Luc ou encore la brigade Franco-Allemande présente à la frontière entre les deux pays.
L’Arme Atomique fait partie de la stratégie de défense française. Si une telle alliance venait à faire son apparition, la France serait dans l’obligation de renoncer à sa souveraineté nucléaire, ce qui nous semble impensable. Ce serait donc un cas inédit pour la France : le partage de la dissuasion nucléaire. On peut se poser deux questions : dans quelles circonstances et comment partager ce pouvoir ? La France sortirait ainsi de ce « club » très fermé des pays possédant la dissuasion au profit d’une Europe – dont seul le Royaume-Uni est aussi détenteur – relativement en retard dans ce domaine. De même une telle gestion de la dissuasion atomique pose aussi problème avec la sortie (probable) de la Grande Bretagne de l’Union Européenne. Quels avantages pouvons-nous tirer alors si nous donnons notre principal argument en matière de défense à l’UE ?
La principale question qui se pose avec cette mise en place reste celle de la logistique. Outre les langues différentes à travers l’UE qui pourrait contraindre des aménagements importants (certes présents lors de coopérations : OTAN, ONU). Il faut aussi préciser que la culture en matière de guerre est aussi différente. L’exemple des grades est criant et il faudrait les harmoniser à travers les différentes armées si l’on veut que l’UE soit opérationnelle. C’est utopique.
La France est une Nation qui intervient de manière régulière sur de nombreux conflits, elle possède donc une expérience du combat très importante. La plupart des pays Européens n’en ont pas la capacité (900 soldats pour le Luxembourg par exemple). D’un point de vue institutionnel, une difficulté d’ordre politique apparaît. Quelle légitimité ont les petits pays de pouvoir voter à égalité alors qu’ils n’ont pas la même capacité opérationnelle ?
Arnaud Danjean (troisième sur la liste Les Républicains aux élections Européennes 2019) déclarait à ce sujet : « Cela renvoie à des questions essentielles de légitimité et d’autorité politique. Qui a la légitimité d’envoyer des soldats tuer et mourir ? ».
C’est encore une fois, une volonté de cette Union Européenne de favoriser l’émergence de ces « petits pays » en diminuant celle des Grandes Nations. Avec une telle coopération, nous risquons de perdre le rapport de force avec l’Allemagne – qui nous dépasse déjà en matière économique – ayant une puissance très inférieure en termes de Défense.
L’expérience inexistante de certains États peut aussi à terme représenter une difficulté supplémentaire, les erreurs de décisions pouvant apparaître.
Pour en finir nous pouvons aborder l’aspect financier de cette Armée Européenne. Dans une période instable, la France étant déjà en crise, la plupart des pays Européens également, serait-il sérieux d’entreprendre de telles manœuvres dont le résultat reste très nuancé. Les frais liés à l’encadrement des soldats de pays dont l’expérience est limitée et le budget militaire moindre, coûteraient une somme importante, sûrement réglée par les Grands États de notre Union Européenne. Le budget de défense de certains États européens est de 0% du PIB ou proche (Slovénie, Autriche). De tels investissements risquent d’être compliqués à débloquer. Or obtenir des prêts sera impossible dans la mesure où cette armée de Défense Européenne exclut les USA de cette alliance et entraîne également un retrait de l’OTAN. Doit-on sortir de l’emprise des USA en matière de défense mais aussi d’institutions Mondiales ?
C’est la réalité, il faut sortir du joug Américain si l’on souhaite créer un tel projet, c’est d’ailleurs les propos réalistes d’Emmanuel Macron sur ce sujet : « on doit avoir une Europe qui se défend, davantage seule, sans dépendre seulement des États-Unis, et de manière plus souveraine ».
Mais concrètement est-ce possible d’arrêter cette liaison existant depuis la fin de la 2nd Guerre Mondiale ? Tel était le souhait du Général De Gaulle en se mettant en retrait de l’OTAN 1966, mais aujourd’hui, il est compliqué de revenir en arrière sur ce point. La preuve avec l’extrême ambiguïté d’Angela Merkel quand on lui demande si ce projet pourrait concurrencer l’OTAN.
Paul Gallard