Bonjour madame de Greef-Madelin, la France a-t-elle connu des évolutions concernant la condition féminine au travail ? Lesquelles ?
La France, comme tous les pays occidentaux, a introduit de nombreuses dispositions pour améliorer la conditions féminines : création du congé maternité (1909) porté à 16 semaines avec versement complet du salaire (1980), possibilité de travailler sans autorisation préalable du mari (1965), création du congé parental d’éducation (1977), affirmation du principe travail égal-salaire égal (1983)…On peut citer aussi le principe d’égalité homme-femme inscrit en préambule de la Constitution en 1946, repris deux ans plus tard dans la déclaration des droits de l’homme. Grâce à toutes ces évolutions, 68% des femmes en France (15-64 ans) travaillent contre 76% pour les hommes. En 45 ans, l’écart hommes-femmes est tombé de 31 points à 8 points. Depuis le début des années 2000, la parité est devenue la norme dans les entreprises ; personne ne peut le nier.
Le taux d’activité des femmes augmente, l’égalité salariale aussi ?
L’Insee a calculé qu’en 2016, le revenu salarial d’une femme du secteur privé était 23,4% moins élevé que celui d’un homme salarié. Pour les cadres, l’écart est de 20,6% contre 17% pour les ouvriers. Selon l’institut, cet écart s’explique « en partie par les différences de volumes de travail entre les hommes et les femmes ».
En matière d’économie, on reproche souvent le manque de femmes au sein des postes à responsabilité – notamment comme PDG des entreprises du CAC 40 – peut-on réellement agir sur des leviers économiques pour le résoudre ou est-ce utopique ?
Les conseils d’administration des groupes français sont parmi les plus féminisés au monde. Pourquoi ? Parce qu’en 2010, la loi a obligé les entreprises à avoir 40% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées en Bourse à partir de 2016. Si bien qu’aujourd’hui, 46 % des postes d’administrateurs sont féminisés contre 12,5% en 2010. En revanche, dans les postes de direction, il n’y a que 22% de femmes (contre 7% en 2009). A la tête des entreprises du CAC 40, il n’y qu’une seule femme (Catherine MacGregor qui a remplacée Isabelle Cocher) et 10 à la tête du SBF 120.
Que penser des politiques de quotas afin d’encourager le recrutement de femmes à des hautes responsabilités ?
Un poste doit s’obtenir avant tout pour les compétences d’une personne et pas par sa description.
Vous travaillez dans un univers – le journalisme – très souvent considéré comme sexiste, avec des rédactions souvent composées d’une majorité d’hommes, vous êtes un contre-exemple ?
Lorsque je suis rentrée à Valeurs actuelles en 1999, la rédaction était fortement masculine et certains considéraient que la place des femmes était davantage au foyer. Depuis, les choses ont changé. Charlotte d’Ornellas est devenue l’une des meilleures ambassadrices du journal. D’une façon générale, les femmes sont davantage présentes dans la presse écrite ; elles représentent 48% des titulaires de la carte de presse.
La vague « me too » a-t-elle réellement eu une importance afin d’éviter ce type de dérives ?
Je ne crois pas. La vague « me too » dénonce davantage le harcèlement sexuel qu’elle ne souligne une moindre féminisation.
On a tendance à intérioriser le fait que pour les femmes, il est parfois difficile de combiner le travail et la grossesse – de nombreuses femmes étant en activité partielle -, cette formule ne correspond-elle vraiment plus à la situation actuelle ? Le travail s’est-il adapté aux femmes modernes ?
La crise de la Covid a démontré que les femmes étaient capables de mener de front vie familiale et professionnelle ; c’est bien la preuve que si plus d’un quart des femmes sont en temps partiel (contre 8% pour les hommes), cela peut aussi se révéler être un choix de vie. Je suis moi-même au quatre-cinquième depuis la naissance de mon premier enfant. Pour la direction de Valeurs actuelles, il est normal que je consacre une partie de mon temps à mes quatre enfants. C’est aussi ce qui m’épanouit dans ma vie de femme.
Propos recueillis par Paul Gallard