Le système politique français s’est toujours bâti dans la rupture. Nous sommes très théâtraux, ce qui a dégoûté le libéral-conservateur Edmund Burke. La France a coupé la tête de son roi, a effacé 1000 ans d’histoire à coups de mirabelle. Cette France à la Louis XIV, qui ne contente plus de faire le tour de France des châteaux, mais défi la terre entière en bâtissant le sublime Versailles. Une France qui, sous l’impulsion d’une jeunesse déstabilise tout un pays pour lutter contre son passé : mai 68 ou la nouvelle révolution sociétale. Nous ne sommes jamais dans la demi-mesure ; s’il faut retenir un auteur de la mesure Michaël Oakeshott peut apporter à notre réflexion.
Ce professeur de sciences politiques à Harvard ou à la London School of Economics est un observateur mesuré de son temps. Opposé à l’idéologie rationaliste, cette idéologie qui impacte fortement les courants de pensées occidentaux et qui, s’adjuge le refus de toute autorité que ce soit sur la pensée libre. La raison, devrait à leur sens, gouverner la pensée. Une manière de vivre, assez individualiste mettant en exergue sa propre expérience. Là, où Oakeshott apparaît dès le départ comme un conservateur, c’est qu’il dénonce dans cette idéologie, le triomphe de la table-rase. Le conservateur peut faire évoluer ses conceptions politiques mais il ne raye jamais le passé, il apprend de lui afin d’éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Un passé qui empêche alors le conservateur de s’embarquer dans le progrès. Il préférera toujours le familier de l’inconnu. Dans les mots de Oakeshott « on ne saurait sacrifier à la légère un bien connu pour un mieux inconnu ». Dans les traditions, le conservateur sait que rien n’a été fait au hasard par ses ancêtres. L’objectif est aussi de maintenir le lien national, son identité au sein d’une collectivité humaine. La Nation étant la réunion du vivant et des morts dans une continuité historique. Être consevateur c’est ainsi s’ancré dans cet héritage, et de vouloir le faire perdurer.
L’auteur britannique est fortement influencé pourtant par la pensée de Thomas Hobbes ; son conservatisme aussi. Ainsi, dans son idéal, pour que le conservatisme perdure dans la société humaine, il faut absolument que l’Etat reste dans ses limites régaliennes. Un Etat minimal, bien loin de la conception française jacobine, d’un Etat qui assure aux citoyens un soutien important, qui légifère sur tout et limite les libertés individuelles ; l’Etat léviathan de Thomas Hobbes. Pour Oakeshott, l’Etat se doit au contraire de joueur simplement le rôle d’arbitre, c’est un peu la conception biblique avec la figure du roi Salomon ou la conception politique d’un Saint-Louis, l’auteur met en avant le triptyque : « pacifier, réconcilier et réguler ». Chaque citoyen cultive en outre son propre jardin, l’Etat garanti à chacun la possibilité de vaquer à ses occupations et n’intervient que dans le cas d’un conflit entre plusieurs citoyens. Il délimite les règles de jeu mais n’interfère pas, enfin, que lorsqu’un antagonisme se crée. C’est donc la célébration de l’Etat régalien que nous apporte Oakeshott, un Etat qui légifère, un Etat qui sanctionne par sa police et qui défend par son armée. La Droite doit s’inspirée de cette vision en demandant à notre Etat de se renforcer dans ses domaines régaliens, la présidence de François Mitterrand ou celle de François Hollande ont débuté ce processus d’abandon du thème de la sécurité, la sanctification du voyou et l’idéologie néocoloniale de la repentance ont achevé l’ordre républicain.
Dans cette France du XXI -ème où tout va très vite, où l’information parcoure le monde à une vitesse sans limite, inspirons-nous d’Oakeshott, de sa pensée du petit pas. Ne tombons pas trop vite dans la révolution, préférons le débat et la concertation afin de trouver des compromis. Ne soyons pas trop arrogants en méprisant nos prédécesseurs. Nous sommes issus d’une civilisation millénaire qui a connu des succès. Si la philosophie conservatrice d’Oakeshott est plus adaptée à une civilisation anglo-saxonne, retenons de lui les dérives d’un Etat envahissant et la continuité nationale.