(Entretien), Olivier Vial, « Les idéologies Woke détruisent tout ce qu’on aime en France ».
(Entretien), Olivier Vial, « Les idéologies Woke détruisent tout ce qu’on aime en France ».

(Entretien), Olivier Vial, « Les idéologies Woke détruisent tout ce qu’on aime en France ».

Bonjour monsieur Vial, pourquoi avoir lancé l’observatoire de la déconstruction ?

Dix ans en arrière, nous avions lancé l’Observatoire de la théorie du genre. A cette époque, la notion était à l’étape embryonnaire. Vincent Peillon avait créé une Commission sur l’éducation à la sexualité à partir de l’école primaire. De façon très naïve, je suis devenu membre de celle-ci. J’avais alors posé la question de l’intérêt d’une éducation sexuelle à cet âge. Croyant me rassurer, les formateurs m’ont expliqué qu’ils ne parleraient pas de sexualité aux enfants mais qu’ils tenteraient de lutter et de déconstruire les stéréotypes de genre. J’ai alors commencé à m’y intéresser et j’ai eu la stupeur de constater qu’il existait une offensive de ces idéologies. Ainsi, nous étions – malgré les moqueries – les premiers à combattre l’écriture inclusive. Nos contradicteurs nous riaient au nez en disant qu’elle n’arriverait jamais en France et que nous extrapolions. Nous alertions aussi sur le risque de l’éducation neutre qui favorise le choix de l’identité de genre et permettrait aux enfants de prendre des bloqueurs d’hormones.

Je me suis aussi aperçu que les universitaires en pointe sur ces combats ne se focalisaient pas que sur celui-ci. En France, c’est flagrant avec les exemples d’Éric Fassin ou Elsa Dorlin, ils sont passés de travaux sur le genre à des travaux sur la race. Finalement, le point commun de toutes ces idéologies – allant des décoloniaux, aux féministes, aux antispécistes, aux racialistes ou LGBT – c’est qu’ils sont affiliés à la déconstruction. C’est un courant philosophique originaire de France mais qui s’est développé dans les années 70 aux Etats-Unis. La déconstruction prendra alors un aspect militant et cela explique en grande partie ce que nous vivons. Les penseurs de la French Theory ont rencontré les militants extrémistes aux Etats-Unis.

Nous avons décidé de combattre ces idées. L’Observatoire s’attache à dénoncer toutes ces dérives car on ne veut pas laisser passer les différentes offensives, que ce soit sur le genre, sur la race ou sur le colonialisme. A chaque fois, ces mouvements toucheront un nouveau secteur afin de le déconstruire. Nous voulons comprendre les racines de chaque problème afin de mieux appréhender les attaques des déconstructeurs. Les gens pensent à tort que ces idées sont anecdotiques, alors qu’elles ont en réalité un socle idéologique solide.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ces dérives idéologiques ?

Le concept de la déconstruction est de dire que le monde est régi par des rapports de domination. On quitte une logique individuelle, où on luttait contre les comportements racistes. Désormais, on considère que ce n’est pas individuel mais que c’est la société qui en est responsable. Typiquement, à Sciences-Po, un cours en visioconférence cherche à déconstruire la blanchité de la gastronomie française. C’est une première, on savait que la culture était trop blanche, que la littérature était trop blanche, que la musique classique était trop blanche ; c’est une surenchère idéologique… Pour eux, le quotidien est politique et il faut donc le déconstruire. Des mouvements qui sont constamment en train de créer de nouveaux concepts, c’est une arme. Ils prennent un élément de la vie quotidienne – souvent anecdotique – et le politisent. L’exemple du manspreading est typique, le fait que les hommes écartent les jambes plus régulièrement que les femmes s’explique en grande partie anatomiquement. Avec l’invention de ce terme, ils ont rendu le phénomène politique car ils expliquent que c’est une volonté de l’homme de dominer l’espace public. Cette question secondaire est devenue désormais dans certaines villes, comme Barcelone ou Paris, un objet de délibération et des campagnes de sensibilisation sont faites. Alexis de Tocqueville avait en son temps saisi l’enjeu lié à l’égalité, en mettant en avant le fait que plus les gens sont égaux, plus la fièvre égalitariste est forte. Plus vous allez accepter leurs concepts, plus ils vont dériver vers des déconstructions ; c’est un engrenage.

L’exemple des Oscars est symptomatique aussi. L’année dernière, la commission des Oscars visaient à changer le règlement pour que les listes soient plus respectueuses envers les minorités. Toutes les associations se sont pleins du colorisme, c’est-à-dire que les noirs seraient représentés mais qu’on favoriserait les noirs plus métissés, surtout chez les femmes. Ils demandent que toutes les carnations soient représentées. Du moment qu’on met des étiquettes sur les gens, on ne cessera jamais d’en trouver de nouvelles.

Est-ce que tous ces concepts se sont imposés dans la société française ?

Ils s’imposent pour deux raisons. Cela fait 20 ans environ que ces concepts ont fait leur retour en France. Le principal vecteur est l’université, avec des professeurs convertis à ces idéologies qui vont encadrer les thèses ou suivre la carrière des autres enseignants ; c’est un phénomène de reproduction. C’est très prégnant dans certaines disciplines avec une réelle mainmise des idéologies de la déconstruction, c’est le cas de la sociologie ou de la linguistique. Les universités deviennent des lieux d’embrigadement idéologique. Le pire, c’est que ce sont par conséquent nos impôts qui financent le développement de ces idéaux. Par ce canal, les idées infusent dans la société.

Un deuxième phénomène, c’est la nouvelle consommation de médias des jeunes. Ces médias ne sont pas mainstream. On peut avoir une consommation importante de médias en ligne tels que Brut ou Kombini, qui sont devenus extrêmement Woke. Ça explique en grande partie pourquoi on a eu du mal à constater l’évolution des pensées. Un sondage paru en novembre 2020 de l’Ifop pour Marianne, montre que les 18-30 ans sont devenus Woke : 41 % de ceux-ci pensent que le racisme systémique est une réalité, 41 % qui pensent que le privilège blanc existe, 22 % qui disent ne pas être à l’aise avec la binarité homme/femme. Quand ce sondage est paru, la majorité des gens ont considéré que c’était ubuesque mais les jeunes ont déjà absorbé ces idées. C’est un effet bulle lié à la consommation de ces médias par les jeunes.

Cependant, il y a un bémol, quand on regarde la situation française, il existe une plus forte résistance à cette culture Woke qu’à l’étranger. L’Observatoire est d’ailleurs très regardé à l’étranger : nous avons fait des interviews pour des médias espagnols, italiens et danois. Ils sont très intéressés par notre capacité à combattre idéologiquement ces mouvements, en France, il y a un certain nombre d’anticorps dans la culture française – notamment notre approche de la laïcité et de l’universalisme. Même s’ils sont attaqués, ils résistent. Evian s’est excusé de sa publicité appelant à consommer de l’eau – durant la période du ramadan – dans les pays anglosaxons ils auraient applaudi la réaction, mais la société française s’est opposée frontalement à cette attitude. C’était aussi le cas avec le Slip français, qui s’est autoflagellée car ils n’avaient pas assez de personnes de couleur dans leurs rangs, ils ont reçu un effet violent sur les réseaux sociaux. Le niveau de résistance français est important et nous avons un rôle déterminant à jouer.

Pourquoi sont-elles dangereuses pour la France ?

Les idéologies Woke détruisent tout ce qu’on aime en France. C’est le mythe de l’Homme nouveau, du bon sauvage, une sorte de rousseauisme ultra dopée aux hormones de croissance américaine. On essaye de faire croire que l’Homme est pur naturellement et que tout ce qui est culture, civilisation ou valeurs le pervertit. Ils veulent déconstruire tout cela pour revenir à un âge d’or qui n’a pourtant jamais existé. Tous les jours nous voyons que l’Homme n’est pas bon par nature et que nous avons besoins de ces structures pour encadrer ses pulsions : éducation, valeurs, institutions, etc. Cette société qu’ils appellent de tous leurs vœux serait destructrice et moins agréable à vivre. Leurs idéaux vont créer du ressentiment, avec une dichotomie entre dominés et dominants, une antithèse de la société française basée sur le mérite. Selon eux, c’est parce qu’on est une victime qu’on possède une identité forte. Ces ressentiments vont créer des affrontements, on le voit avec des violences qu’on pensait révolues entre les différentes ethnies, sexes. Auparavant, personne n’avait imaginé raciser Alexandre Dumas, il était métis, c’est un des grands représentants de notre littérature, ses livres sont éminemment Français et c’est dommage de le cataloguer par sa couleur et non par son talent. C’est ça le génie français. Nous avons plutôt intérêt à défendre nos valeurs et nos traditions car c’est ce qui permet de faire communion entre les citoyens. 

Propos recueillis par Paul Gallard

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