Les dernières régionales ont démontré le gouffre entre l’offre politique et la demande citoyenne. Phénomène de société, flemme des électeurs, non-connaissance des enjeux, dégoût du système ou aucune offre séduisante, autant d’explications diverses et variées prouvant l’échec du politique à comprendre le citoyen. La droite n’y échappe pas, ce qui devait être un raz de marée pour le Rassemblement national, se transforme en baroud d’honneur pour le dinosaure, Les Républicains.
Avantage ou non aux sortants, Jordan Bardella doit avouer sa défaite. Le RN n’a jamais représenté pour l’électeur une alternative crédible aux partis dits « républicains ». Marine Le Pen se targue des victoires à la Pyrrhus des européennes et de l’accession au second tour lors des présidentielles 2017, et pourtant, les électeurs ont montré en PACA que le premier tour n’est qu’un vote de contestation. Le débat de l’entre-deux-tours est la métaphore parfaite de cette incapacité à gouverner, cette volonté de ne pas arriver aux responsabilités ; critiquer mais ne pas agir.
Ce parti n’est et ne devra pas être la voix de la droite aux prochaines élections, c’est une impasse qui ne profite qu’au mouvement présidentiel. Le président l’a bien compris en installant petit à petit ce duel, cette bipolarisation politique. Pourtant, dès 2020, Les Républicains s’imposent aux municipales, le RN ne réussit qu’à prendre Perpignan, LREM perd Lyon. Aujourd’hui, la douche froide a lieu, les cantons sont bleus – pas marine – et les régions restent aux mains des sortants. L’ancrage territorial ne s’acquiert pas en claquant des doigts, le local nécessite des projets collectifs bâtis sur le temps long et la tentative d’imposer un clivage national ne pouvait que se heurter aux urnes.
Mais malgré la victoire, désormais le Game of Thrones va commencer dans le parti fondé par Nicolas Sarkozy. La Région donne des envies, et égaye l’appétit des mastodontes. Laurent Wauquiez sort victorieux d’une triangulaire le voyant largement en tête, l’ancien maire du Puy-en-Velay n’a jamais caché son ambition présidentielle dans le passé, ce qui l’avait mené à prendre la tête du parti dans une élection sans conteste – Maël de Calan et Florence Portelli n’ont pas réussi à lui tenirtête. Son élection avait conduit au départ de Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ne fera que lui saborder la planche, et il aura beaucoup de mal à se remettre de l’échec cuisant des européennes, dans lesquelles il mettra son nom en jeu. S’il est populaire auprès des adhérents, Laurent Wauquiez divise et clive les personnalités hors partis, et son élection en tant que tête de la liste présidentielle apparaît très difficile. Il portera un programme sécuritaire fort, dont le retour de l’autorité sera une pierre angulaire. Il n’est pas le seul cependant à vouloir profiter de cette dynamique régionale. Valérie Pécresse peutêtre la « Présidente de 2022 » que souhaitait dans nos lignes Alexandra Borchio-Fontimp, elle voudra « faire le ménage » comme elle le disait. Candidate qui a fait tomber le premier de la classe Bardella, et victorieuse des Avengers de la gauche, les hordes gauchistes se faisant surclasser de 10 points dans une quadrangulaire. Celui qui nourrit les plus grandes ambitions reste Xavier Bertrand, il se positionne comme le candidat des classes populaires. La fameuse droite sociale incarnée en son temps par Philippe Séguin – pourtant plutôt rattaché à des personnalités comme Henri Guaino ou Julien Aubert. Xavier Bertrand est déjà candidat, il a fait des régionales un référendum populaire autour de sa personne, la rencontre gaulliste entre un homme et ses électeurs, pourtant rien n’était fait au soir du premier tour, les sondages le plaçaient vainqueur d’une courte tête face au chouchou de Marine Le Pen, l’Homme qui fait plus de partis que son ombre, Sébastien Chenu. Dans une région connue pour son amitié envers l’ancien parti du Menhir, Xavier Bertrand écrase la concurrence et sort tel un dictateur africain grand vainqueur. La route est tracée désormais.
Quid des autres potentiels candidats ? David Lisnard lance son parti Nouvelle énergie, cet élu de terrain et maire le mieux élu, a toutes les qualités pour mener un programme libéral conservateur vers la victoire. Ni trop chic, ni trop beauf, le cannois représente l’énergie du politique local qui ne se laisse pas faire. Pour autant, il n’en oublie pas l’absence d’une vision intellectuelle structurée de l’élite politique actuelle. Pourra-t-il renouer avec la figure du président intellectuel ? La Culture est en tout cas son schibboleth, et son livre – en collaboration avec Tardieu – ne peut que donner l’impression de ce travail idéologique. N’oublions pas son compère Bruno Retailleau, le digne successeur de François Fillon au sein de Force républicaine s’est déclaré en premier à la fonction suprême. Le libéral conservateur dispose de gros moyens et d’une base militante importante. Son ancrage au Sénat en fait le candidat des collectivités territoriales et mène la fronde dans la chambre haute – dont Les Républicains sont majoritaires. Très attaché au retour de l’autorité, nous l’avons interviewé à ce sujet.
Enfin, se dessine une candidature surprise, qualifiée parfois de « clown » ou de « hors système », il se pourrait être l’outsider de la Droite. Éric Zemmour pense à la présidentielle. L’écrivain vendant bestseller sur bestseller ambitionne de rétablir un régime à la RPR, une droite nationaliste et jacobine. Très inspiré par le général de Gaulle, Zemmour pourrait profiter de l’espace politique de la droite abstentionniste et hors les murs, qui ne se reconnait plus dans les deux partis traditionnels. Très entouré par des hauts fonctionnaires, il se veut le représentant de la grande administration française des années 60.
Les sondages ont tenté du mieux qu’ils pouvaient de placer un duel inéluctable entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le nouveau monde contre le nationalisme, le progrès contre l’archaïsme, l’affiche est vendeuse ; le choc des civilisations d’Huntington ; Rocky Balboa contre Ivan Drago. Mais le Français n’est pas si manipulable, c’est là son moindre défaut, et si Marine Le Pen chantait depuis 2017, le candidat de la droite la fera-t-il danser ?
Paul