(Entretien) Quentin Hoster, « David Lisnard incarne le réveil de la droite »
(Entretien) Quentin Hoster, « David Lisnard incarne le réveil de la droite »

(Entretien) Quentin Hoster, « David Lisnard incarne le réveil de la droite »

Bonjour Quentin Hoster, vous avez écrit un livre sur David Lisnard après deux ans d’enquête. Qu’est-ce qui a motivé la réalisation d’un tel ouvrage ?

En tant que journaliste suivant la droite et la région PACA, d’abord, la curiosité sur cet élu montant et atypique, que l’on disait potentiel candidat à la présidentielle de 2022. Rétrospectivement, je pense avoir vu juste, au regard de l’intérêt croissant qu’il suscite, si bien que l’on ne présente désormais plus que deux « présidentiables » sérieux à droite en 2027 : David Lisnard et Laurent Wauquiez. En tant que citoyen ensuite, insatisfait par l’offre politique présentée et soucieux de l’avenir de mon pays, j’étais à la recherche d’un moyen de formuler tout cela, comme un exutoire. Car il ne s’agit pas d’une simple biographie, mais bien d’un essai dans lequel je m’attache à développer les idées de David Lisnard, que je partage. Seulement, au risque de froisser des confrères qui mettent en doute ma légitimité à m’exprimer ainsi, je ne m’abrite pas derrière une prétendue neutralité dont se parent des journalistes militants, qui à gauche ne dérangent pas. La subjectivité n’empêche pas l’honnêteté. Tout ce que je rapporte dans le livre, qui je le rappelle n’est pas une commande, n’a pas exigé de validation en amont. David Lisnard m’a laissé toute latitude, malgré ses réticences initiales, au terme de plusieurs mois d’échanges qui ont permis de nouer une relation de confiance. J’ai pu rencontrer une quarantaine de personnes, de son entourage le plus proche au plus professionnel, sans ingérence de sa part.

Vous avez également réalisé des entretiens avec David Lisnard dans le cadre de la rédaction de votre livre. Que gardez-vous de ces entretiens ? Quel trait de caractère avez-vous pu déceler chez cet élu local dévoué ?

L’objectif de ces entretiens, sur une centaine de pages, est de rétablir un socle idéologique clair pour la droite, dont on relève souvent le manque de clarté et de cohérence. Bien que parfois assez techniques, j’ai pensé ces entretiens pour qu’ils s’adressent à tout le monde, même aux lecteurs pas foncièrement familiers de politique, en y parlant de tous les sujets. En détaillant ce sur quoi on attend le plus la droite : le régalien, en réhabilitant ses marqueurs abandonnés : l’ordre dans les comptes et la réforme de l’Etat, et en l’amenant ce sur quoi on ne l’entend pas assez : l’écologie et le transhumanisme. J’ai choisi d’articuler les thèmes dans cet ordre, en plaçant l’écologie à la fin, ce qui a pu interroger, non pas selon une hiérarchie de priorités, mais car il me semble que nous ne serons capables de répondre pleinement au changement climatique, à notre échelle, que lorsque l’Etat, qui possède le pouvoir réglementaire et d’investissement, sera remis sur pied. Ce qui n’empêche pas d’agir dès maintenant, sans attendre tout de l’Etat, qui n’est pas divin. Mais comment pourrait-il prétendre sauver la planète, alors que nous ne représentons que 1 % des émissions mondiales, s’il n’est pas capable, chez nous, de faire à nouveau fonctionner nos systèmes éducatifs, de santé, de remettre d’équerre ses comptes ou de réguler l’immigration ? Il s’agit aussi avec ces entretiens de montrer que la droite peut être audible et crédible sur tous les sujets, pas seulement pour réclamer des baisses d’impôts ou des quotas d’immigrés. Il n’y a d’ailleurs qu’en investissant tous ces sujets qu’elle pourra revenir au pouvoir. Je trouve que David Lisnard dresse un diagnostic « panoramique » et propose des solutions subtiles, non pas comme c’est trop souvent le cas, caricaturales ou exclusives. Quant à un trait de caractère marquant chez lui, je peux relever sans trop de risques une certaine opiniâtreté. C’est quelqu’un de très pointilleux, si bien que le volume de ces entretiens a presque doublé entre ma retranscription initiale et sa relecture, que je lui ai évidemment accordée, tant il tient aux détails !

Dans votre titre, vous laissez entendre que David Lisnard est le réveil de la droite. Qu’est-ce qui vous pousse à le penser ?

Je ne le laisse pas entendre, je prends le risque de l’affirmer. Qu’il le veuille ou non, David Lisnard incarne, par sa position sur l’échiquier politique et une multitude de facteurs que je développerai, le réveil de la droite. Elle est certes vivace, par le débat qu’elle suscite et ses idées qui semblent de plus en plus trouver écho, mais elle n’a pas su reconquérir le pouvoir depuis 2012 et pèse électoralement de moins en moins. En plus de sa vision panoramique des sujets, comme évoqué précédemment, David Lisnard présente selon moi plusieurs prérequis essentiels. Authentiquement girondin et non jacobin, il conçoit le pouvoir de manière complètement inversée à son exercice actuel. C’est le principe de subsidiarité, qui démontre que plus les décisions sont prises proches de leurs effets, plus elles sont efficaces. Cela, aucun autre politique, même à droite, ne le défend de la sorte. Tous, de gauche comme de droite, sont plus ou moins, dit-il, des technocrates social-étatistes. Ce logiciel, au pouvoir depuis des décennies, qui ne prétend répondre aux problèmes qu’en ne créant des lois par-dessus les autres, ou en ne signant que des chèques en bois, nous amène dans le mur. Cela expliqué, il faut savoir conquérir le pouvoir. L’intégrité de David Lisnard, qui est dépourvu de cynisme, est un préalable indispensable à l’époque où la probité des élus met à mal la confiance que leur accorde les électeurs. Sa constance et son côté obsessif semblent aussi être une garantie solide qu’il ne pourra s’éloigner, au pouvoir, des idées qu’il défend et qu’il en suivra rigoureusement leur application. Être élu suppose de veiller à l’exécution des programmes qui sont votés, un aspect que je trouve trop souvent éludé dans l’inventaire permanent de nos politiques. Son bilan à Cannes et déjà à l’Association des maires de France en est la preuve. Son parcours authentiquement méritocratique le rend aussi sociologiquement plus représentatif de bien des électeurs qui restent à reconquérir. Enfin, son énergie folle, qui pour moi reste un mystère, est un autre atout d’importance pour faire resurgir la droite des tréfonds. Elle le place sur une trajectoire ascendante que je ne vois pas s’inverser. Peu de risque qu’il fasse « une Baroin », si j’ose dire. Mais il ne faut pas être naïf. Son espace politique est encore très restreint, car complètement accaparé par la Nupes, le RN ou le centre-mou qui gouverne. Il est encore très méconnu des français et il lui reste selon moi beaucoup de marche à faire. Vulgariser sa pensée qu’il verbalise, je trouve, de manière trop technique pour les électeurs des classes populaires, délester son agenda pour se consacrer à 2027 s’il le souhaite vraiment, convaincre les chapeaux à plumes dont il aura besoin tôt ou tard… Il faut de l’énergie et du temps pour se hisser à la hauteur des monstres politiques qui phagocytent le débat. Porter ce réveil ne dépend que de lui, ce pourquoi mon sous-titre « Et si c’était lui ? », reste interrogatif.

Ce réveil se caractérise-t-il plus dans les idées ou alors dans la capacité d’incarnation de David Lisnard ? Serait-il le candidat qui permettrait à la droite de retrouver les victoires électorales sur le plan national ?

Il me semble que David Lisnard est le premier à enrichir les idées de la droite tout en les incarnant avec autant de force depuis bien longtemps. Pendant les deux ans durant lesquels je l’ai suivi pour l’écriture de ce livre, j’ai pu noter une constante qui n’a toujours pas varié : il séduit autant la droite macroniste que la droite zemmourienne, deux réservoirs qu’il faudra aller chercher. Je l’ai constaté aussi, ceux qui sont médisants à son égard le sont plus souvent pour des questions de forme, ou d’ego tout simplement, que pour des questions de fond. Il faut les comprendre, quand quelqu’un débarque en deux ans au milieu de gens très sûrs d’eux qui se connaissent depuis trente ans, ça peut déranger. Mais il parvient à convaincre, auprès du public encore restreint qui le connait, l’ensemble des tendances de la droite « républicaine », classique, qui jusqu’en 2017, était unie derrière un homme et un projet, François Fillon. Ses électeurs, pour la plupart issus de divers courants représentés pendant la primaire de 2016, se retrouvent six ans plus tard éclatés dans cinq camps antagonistes, faute de relève sérieuse : chez Marine Le Pen, chez Emmanuel Macron, chez Éric Zemmour, chez ce qu’il reste des Républicains, ou dans l’abstention. Cela n’a aucun sens. Au lieu de redevenir hégémonique, la droite s’est évertuée à devenir microcosmique, en s’adressant à des clientèles, qui par définition, ne font pas une majorité électorale : la droite qui ne se soucie que d’immigration, celle qui se revendique « sociale », celle qui ne parle que d’économie… L’enjeu est bien de réaliser une union des droites par ses électeurs, qui sont dispersés par les jeux de personnes ou d’appareils court-termistes, mais se rejoignent sur l’essentiel. Prise en étau entre le macronisme et le lepénisme, bipartisme mortifère instauré en 2017, la droite ne sait plus si elle doit se droitiser ou se gauchiser, d’où ses divagations idéologiques, si ce n’est égotiques, encore aujourd’hui chez LR, incapable de voter comme un seul homme la réforme des retraites, totem qu’elle défend pourtant depuis des décennies. Quant à 2027, je ne vois tout simplement personne d’autre. Tous ceux que l’on cite ont déjà échoué devant les urnes ou devant l’opinion. Laurent Wauquiez disait en 2018 que la droite était de retour lorsqu’il prenait la présidence des Républicains, on voit où elle en est, et lui aussi, aujourd’hui. Xavier Bertrand a échoué très sévèrement, malgré ses ambitions jamais refoulées, à se qualifier comme candidat de son parti. Éric Zemmour apparait encore plus radical que Marine Le Pen, dont la stratégie de normalisation semble fonctionner. Edouard Philippe est comptable du bilan d’Emmanuel Macron et responsable des gilets jaunes.

Quelles valeurs portées par David Lisnard la droite doit-elle à tout prix faire sienne ?

Je ne suis pas grand clerc ni prescripteur de vertu, mais il me semble, si l’on parle de valeurs politiques, qu’endosser la liberté est sa meilleure voie de Salut. Cela peut paraitre abstrait, contre-intuitif ou démagogique, à l’époque de l’individu roi qui oublie ses devoirs et ne cesse de clamer ses sacro-saints « droits ». Mais l’absence de liberté me semble être le meilleur prisme d’explication de nos problèmes. Le blocage de l’initiative privée et de l’action publique, qui explique la fuite des entrepreneurs et l’immobilisme politique, puise sa source dans la bureaucratie, qui est un régime de privation de libertés. La liberté s’efface dans tous les domaines, agricoles, énergétiques ou financiers, car nous y perdons notre souveraineté. Un élève qui ne reçoit pas une éducation décente ne peut correctement s’émanciper donc être libre. Un citoyen qui n’est pas en sécurité dans son propre pays n’est pas libre non plus. L’intelligence artificielle peut aussi remettre en cause nos libertés. Il n’y a pas de prospérité intérieure sans liberté. Même sur le plan international, la liberté comme valeur est de plus en plus menacée par l’expansion des régimes autocratiques comme la Chine ou la Russie qui la méprise. La France doit simplement renouer avec sa vocation libérale, donc la droite avec le libéralisme, sur lequel elle est trop souvent ambigüe. Certains veulent y défendre la retraite à 60 ans ou proroger des acquis anachroniques ou abusifs, c’est du socialisme. D’autres dénoncent « les premiers de cordée » qui jettent la France dans la « mondialisation sauvage » et la soumettent aux aléas du marché, c’est du néo-libéralisme. David Lisnard défend plutôt un libéralisme régulé, qui ne se préoccupe pas que de consommation et d’économie, c’est l’ordo-libéralisme. Un courant né dans les années 30 que réhabilite dans un livre récent le spécialiste de la finance Alexis Karklins-Marchay. Rien à voir avec le « quoi qu’il en coûte » qui a cours depuis bien avant le Covid et persiste encore aujourd’hui, qui est du pur étatisme inefficace. Pour revenir à votre question, si on s’en tient aux valeurs plus « morales » que devrait défendre la droite, je dirais l’honnêteté. Bien souvent les élus oublient qu’avant d’être des lobbyistes de leurs idées, ils sont mandatés par des électeurs pour défendre leur circonscription ou leur ville. Les français n’en sont pas dupes, ce qui explique, à mon sens, la popularité de David Lisnard auprès d’un public qui le connait plus par ses actions que par ses gesticulations médiatiques : sa gestion du Covid à Cannes, le fait qu’il ait retiré sa place de marché au parent du jeune délinquant ayant agressé une mamie, ses déplacements en Ukraine… Tout cela, il ne l’a pas médiatisé. C’est par la force de ses actes que les médias sont venus à lui. Il est toujours plus fécond d’être remarqué par ses actes que par ses paroles.

David Lisnard est l’une des premières figures de la droite à avoir parlé de la question de l’IA et de la révolution qui était en marche. Cette vision fait-elle de lui une personne à part sur laquelle la droite française doit compter pour sa reconstruction ?

D’autres en parlent aussi depuis longtemps, peut-être d’ailleurs plus pour se faire bien voir que parce qu’ils en saisissent véritablement les enjeux. Mais effectivement, alors qu’actuellement la droite ne semble préoccupée que par l’ajustement paramétrique et forcément provisoire du recul de l’âge de départ à la retraite, David Lisnard est l’un des seuls à rappeler qu’il ne sert à rien de débattre sur des trimestres de cotisation en plus ou en moins quand l’existence même de millions d’emplois est menacée par les progrès de l’intelligence artificielle. Il faut d’ailleurs rendre grâce à Jean-François Copé et Laurent Alexandre qui l’écrivaient dès 2019 dans « L’IA va-t-elle aussi tuer la démocratie ? » (JC Lattès). Il est évident que la droite, comme toute formation politique, n’aura aucun avenir tant qu’elle ne saura résoudre les problèmes d’aujourd’hui, ou qu’elle se bornera à penser les problèmes de demain sans anticiper ceux d’après-demain. Penser à la prochaine génération et pas seulement à la prochaine élection, dit-on…

Propos recueillis par Théo Dutrieu

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