Rachida Dati lance la plateforme La France Vous Appartient
Rachida Dati lance la plateforme La France Vous Appartient

Rachida Dati lance la plateforme La France Vous Appartient

Rachida Dati est maire du 7 -ème arrondissement de Paris, magistrate et ancienne ministre de la Justice. Le 17 février dernier, elle tenait en collaboration avec droite de demain une conférence pour lancer sa plateforme participative « La France Vous Appartient ». Elle échangeait ainsi avec les jeunes présents ce soir-là sur l’avenir de la jeunesse à la suite de la crise sanitaire.

Un mot d’introduction :

Au-delà de la crise sanitaire, les Français ont bien intégré qu’il faudra vivre avec le virus : adapter nos modes de vie, d’apprentissage et d’échanges. Nous avons des propositions concrètes à formuler ; certaines que j’ai eu l’occasion de formuler mais également vos propositions. Je souhaitais faire de cette plate-forme un espace convivial, que vous puissiez vous approprier afin d’ouvrir le débat entre vous, mais également aboutir à des propositions concrètes.

La gestion de la crise sanitaire m’a renvoyé à certaines périodes de mon vécu. J’ai commencé comme beaucoup à travailler à temps plein dès mes 16 ans, contrainte par le besoin d’argent pour le financement de mes études. En parallèle, j’avais aussi mes engagements associatifs puis politiques. Le gouvernement a démontré sa déconnexion totale avec la réalité des jeunes. Ils n’ont été capable que de donner un repas cantine pour 1 €, alors que les étudiants ne veulent pas d’assistanat ; ils veulent travailler ! Les jobs alimentaires pour ces étudiants sont tous fermés : lieux culturels, grandes surfaces, restaurants, accompagnement ou cours particuliers ; tout cela est fermé. Il n’y a plus de solution, il n’y a plus de travail… C’est comme quand le Président répond à la jeune Heïdi qui lui a écrit : « il faut que vous souffriez encore un peu, il faut tenir ». Il ne se rend pas compte que de nombreux jeunes sont déjà à terre. Pour relever tout ça, il faut à la fois de l’ambition mais surtout des propositions. Je remercie donc les jeunes qui se joignent à moi pour ce lancement.

Omar, jeune entrepreneur : le problème actuellement pour les jeunes entrepreneurs est non-seulement celui des financements, mais surtout celui de l’accompagnement de la part de l’Etat, aucune aide pour acquérir des méthodes de gestion administratives par exemple, il faudrait que les entreprises soient viables…

Rachida Dati : C’est une problématique intéressante. Votre question me permet déjà de soulever le fait que la jeunesse est un terme galvaudé composé de multiples profils très hétéroclites ; ce n’est pas un statut. On peut être entrepreneur comme vous Omar mais également étudiant, apprenti, en recherche d’emplois… L’idée d’un accompagnement envers nos jeunes entrepreneurs a émergée en 2005 lorsque nous avions travaillé le programme présidentiel de 2007. Nous nous étions intéressés à cette catégorie d’une part en nous interrogeons sur des questions simples : comment constituer une entreprise ? Comment pouvons-nous simplifier les formalités administratives ? Comment on suit ces entreprises ? Le problème généralement c’est que la pérennité de l’entreprise se joue durant les deux premières années ; ça passe ou ça casse… d’ailleurs c’était l’objet de la création d’un fond souverain – devenu la BPI – dont l’objectif était justement d’accompagner ces jeunes et au-delà, ceux qui n’ont pas forcément les qualifications pour savoir constituer l’entreprise, mais qui ont la qualification pour la faire tourner. La BPI a très bien marché pendant des années. Je le vois en tant qu’élu local, je suis sollicité régulièrement par des nouveaux entrepreneurs pour la recherche de financement et, également, pour leur développement. J’agis alors en tant que relai entre les jeunes entrepreneurs et la BPI, en raison du fait que la BPI a complexifié son accès. Les gouvernants ont essayé de déconcentrer – avec des antennes BPI dans certains territoires – pour être dans la proximité, mais je porte une vision d’une BPI renouvelée. La BPI ne doit pas être du tutorat. Je considère que dans des territoires délaissés, toute une jeunesse qui souhaite entreprendre, n’a pas accès à ces financements et ces aides ; là, devrait être la place de la BPI.

Sonia, étudiante : est-ce que la création de chèques en direction des étudiants vous semble possible ?

Rachida Dati : A mon époque, on ne pouvait pas cumuler une bourse et un emploi salarié. Quand j’ai commencé à travailler, je ne pouvais plus arrêter de travailler dans la mesure où je n’entrais plus dans les critères de bourse. On a aboli ce régime et on a donc permis aux étudiants de pouvoir cumuler travail et bourse. Dans les prépas ou écoles de commerce, vous ne pouvez pas cumuler avec une activité salariée. Désormais, il existe une forme de souplesse grâce à l’apprentissage qui est entré dans toutes les formations. Pour l’université, nous avons adapté les travaux dirigés pour les adapter à votre travail salarié. Cependant, avec l’avènement d’une triple crise comme nous la vivons actuellement, crise économique, sociale et sanitaire, et que l’on dit que nous sommes en état d’urgence sanitaire, nous sommes de facto dans un régime d’exception. Nous devons l’appliquer à la jeunesse ! Ce n’est pas un revenu universel, mais une compensation. Cette compensation intervient pour combler le manque de travail des étudiants et leur perte de pouvoir d’achat. De nombreux étudiants ont été dans l’obligation de quitter leur studio, leur cité U, car ils n’avaient plus de travail. Leur année universitaire est par conséquent compromise. Je suis donc favorable à une réflexion sur le fait qu’en période de crise de grande ampleur, les étudiants puissent être aidés par un système de compensation ; c’est la même logique que le chômage partiel. Ce chômage partiel vient pallier le fait que vous ne puissiez pas exercer votre travail en raison de la crise. Aujourd’hui, j’ai été vraiment indignée quand le Président de la République s’est contenté du repas à 1 € dans les CROUS. Ce sont des gens qui n’ont jamais connu la difficulté… Nous avons le chômage partiel pour les salariés, nous devons avoir un régime de compensation pour les étudiants !

Alexandre, étudiant : j’ai dû faire un prêt étudiant au début de mes études, le problème c’est que j’arrive à la fin du crédit, et pour s’insérer dans le monde du travail c’est très difficile à l’heure actuelle, que ce soit en emploi ou en stage, peut-on envisager un revenu universel pour les étudiants ?

Rachida Dati : Sur le revenu universel jeune, je n’y suis pas favorable. Comme je l’ai dit précédemment, quand on est en difficulté, en recherche d’emploi ou une perte d’emploi, il faut qu’il existe cette compensation financière. Nous devons y réfléchir ! L’évolution des sociétés, les crises, vont amener des difficultés pour la jeunesse dans l’insertion professionnelle. Le problème du revenu universel c’est qu’il ne prend pas en compte le statut ou les situations sociale et économique. Quand je pouvais travailler, je n’aurais pas voulu recevoir ce revenu. Je ne pouvais pas emprunter car mes parents ne pouvaient pas se porter caution ; donc j’ai dû travailler. Mes études ont été impactées fortement par le fait de travailler ; à l’époque les cours n’étaient pas adaptés. Sur l’organisation matérielle, il faut adapter le revenu d’exception à la situation que traverse chaque étudiant. Ne confondons pas aussi, cette compensation avec la bourse ; c’est une aide. Cette compensation sera bénéfique dans les périodes de doutes : recherche d’emploi, passage de d’examens ou de concours. Elle est importante aussi car ça permet de différer les remboursements – contrairement à ce que proposent les banques. On oublie malheureusement trop souvent d’aider les étudiants qui préparent les concours, l’inégalité est là : le jeune qui travaille n’a pas les mêmes conditions de préparation aux concours. Ces inégalités on les retrouvent aussi avec ceux qui peuvent se payer des prépas privées, des annales ou des livres. J’aimerais qu’à la faveur de cette crise sanitaire, nous en profitions pour revoir la situation.

Samuel : sur l’emploi des jeunes, je me demande s’il serait possible que l’Etat prenne en charge les charges pour la première embauche d’un jeune en CDI ? (Ensemble des charges salariales et patronales)

Rachida Dati : Le sujet que vous abordez c’est celui des bas salaires. Je pense qu’il faut mener une réelle négociation secteur par secteur – certains sont plus prolifiques que d’autres – car on a souvent délaissé cet aspect-là. On compte un peu trop, selon-moi, sur l’Etat pour l’exonération des charges ici et là, ce n’est pourtant pas forcément le bon ordre. Les cotisations ce sont aussi les pierres angulaires de notre système social bâti sur les solidarités. Il faut absolument préserver notre système de solidarités. C’est un exemple de réussite, il n’y a qu’à voir l’Obamacare aux Etats-Unis, directement inspirée par le système social français. Le sujet est plutôt sur les bas salaires. Nous l’avions commencé par la défiscalisation des heures supplémentaires. Quand vous êtes privés, encadrés, ça n’encourage pas au travail, ni pour l’employeur, ni pour l’employé. La gauche a tout supprimé par idéologie. Par exemple : les policiers ont été en première ligne durant la crise sanitaire pour faire respecter les directives, et on a eu un réel problème d’heures supplémentaires. Il faut que le gouvernement défiscalise les heures supplémentaires pour nos forces de l’ordre comme récompense pour leur travail. Alors qu’ils ne sont pas reconnus actuellement, cette mesure valoriserait leur travail. Il faut avoir une politique salariale plus équitable. Une fois que vous avez cotisé pour votre sécurité sociale, l’heure supplémentaire ne va pas changer quelque chose pour votre retraite, alors que la défiscalisation de ces heures à plusieurs mérites : encourager le travail, valoriser ceux qui veulent travailler plus et de ne pas décourager les employeurs. Sinon, nous serons constamment dans une politique d’assistanat en augmentant une taxe par ci, une taxe par là.

Sarah, santé publique et association : j’ai créé une association pour que les jeunes femmes aient un accès simplifié aux soins, avec la crise, de plus en plus de jeunes sont dans un renoncement aux soins, nous ne pouvons pas nous substituer à l’Etat, comment les pouvoirs publics peuvent soutenir les initiatives jeunes ?

La précarité est liée à l’accès au soin. La crise sanitaire a mis en lumière de nombreuses inégalités de notre société. L’accès à l’Ecole en est un exemple. Dans certains départements, entre 3000 et 5000 élèves ont totalement décrochés. Sur l’accès au soin, il ne faut pas oublier qu’il était déjà prégnant avec les déserts médicaux. En conversant avec le professeur Philippe Juvin, il mettait en exergue le fait que dans sa ville, il n’a aucun orthophoniste par exemple. De trop nombreuses personnes n’ont pas accès à un médecin généraliste. L’accès au soin est un sujet politique important. Les étudiants, ne vont pas se faire évaluer ni les yeux, ni les dents, ni l’audition, rien. Et ces manquements coûtent très chers par la suite. Heureusement, nous pouvons compter sur les associations qui sont très présentes en France. Il faut une sécurité sociale qui accompagne beaucoup plus les jeunes dans la prévention. Ce sont des sujets sur lesquels j’ai été très engagée, j’ai toujours soutenu les associations. On peut avoir un chèque sanitaire, mais est-il utile si vous n’avez pas de rendez-vous ? La plupart de nos jeunes ne se soignent pas ; c’est une réalité… Le gouvernement a délivré des chèques psy, mais j’aimerais savoir si les étudiants ont réellement eu les rendez-vous. On annonce mais on ne suit pas ! On annonce mais on n’accompagne pas ! On annonce mais on n’évalue pas ! J’ai fait voter une loi sur le dépistage précoce car nous nous étions rendu compte que dans les familles moyennes l’absence de suivi de la part d’un pédiatre était récurrente et donc les enfants n’étaient guère suivis. J’avais donc proposé que la médecine scolaire puisse assurer un suivi scolaire de la maternelle jusqu’au lycée. Il faut désormais mettre en place une continuité sanitaire après le lycée. C’est pourtant une réussite dans les départements où on l’expérimente. J’ai trop de respect pour notre jeunesse pour leur promettre des services qu’ils n’auront que très difficilement.

Gaétan, étudiant : je représente ici les étudiants de banlieue, je fais des maraudes auprès des étudiants précaires, et j’ai remarqué que parmi eux malgré de réelles ambitions, ils étaient contraints de renoncer à leurs projets, ils ne peuvent pas faire de prêt. Est-ce qu’on ne devrait pas imposer aux banques de faire un peu plus confiance aux jeunes qui proposent un projet concret ?

Rachida Dati : Oui, c’était bien le rôle de la BPI, qui devait accompagner les entrepreneurs, en particulier les jeunes créatifs et dynamiques. On s’est rendu compte que la BPI agit désormais comme une banque classique, que ce soit dans le vocabulaire ou dans les services rendus. Nous devons agir sur la viabilité du projet et, en cela, le soutien est essentiel. On peut donner cette responsabilité aux banques, j’en suis certaine. Si toutes les banques ont un département dédié à ce type d’entrepreneur, elles le feront ! Dans une autre optique, est-ce normal qu’un étudiant ne puisse bénéficier d’un emprunt étudiant car ses parents ne peuvent pas se porter caution ? Non, ça le condamne ! Il devra être dans l’assistanat ou renoncer à ses rêves. Priver de son ambition et de ses rêves toute une partie de la jeunesse ; ce n’est pas la République !

Baptiste, étudiant : que pensez-vous du service universel mis en place par le gouvernement ?

Rachida Dati : quand on a lancé l’Agence nationale de service publique, j’ai considéré que c’était un peu comme ERASMUS : c’est un service pour enfants privilégiés. Vous ne pouvez pas vous installer dans un pays étranger si vous avez uniquement l’aide du programme ; de nombreux étudiants rêvent de faire ERASMUS mais ils ne le pourront pas. Il faut revoir le service civique pour le rendre accessible à tous. Il ne doit pas être uniquement le choix de certain, mais un choix pour tous. Beaucoup de jeunes ne peuvent pas assurer leur quotidien. On le constate, dans les territoires perdus de la République, le service public est rare car les jeunes n’ont pas les moyens de le faire. Vous préférez survivre avec un petit job plutôt que de rendre service à la communauté, un peu de réalisme. C’est une bonne idée mais il faut le démocratiser.

Solène, étudiante : certains pays scandinaves ont créé des parlements de la jeunesse lorsque le gouvernement décide des mesures en direction des jeunes, que pensez-vous de cela ?

Rachida Dati : Ne le nions pas, nous sommes actuellement dans une crise démocratique importante. Ce n’est pas en ajoutant de nouvelles institutions que nous inverserons cette tendance. Plus pragmatiquement, nous devons réinvestir nos instances de décision. Nos institutions héritières du gaullisme sont très adaptées en réalité. C’est dans le politique où il y a un défi. Ce n’est pas forcément une déconnexion du politique comme on l’entend souvent, mais ceux qui nous représentent sont très idéologues. Lorsque j’ai voulu renouveler mon conseil municipal, je rêvais de mettre une gardienne d’immeuble, elle n’a pas voulu car malgré une volonté de s’engager, elle n’avait pas le temps avec son travail et pas les moyens pécuniers. La politique est ouverte à tous mais son exercice est encore réservé à une petite partie de la population. Je ne vis pas de la politique, ce qui me permets d’exercer ma fonction de Maire de manière libre. Faire une un Parlement Jeune, non, mais pourquoi ne vous présenteriez-vous pas dans nos institutions ? Mais pour cela il faudrait que vous y est accès. Les élections régionales arrivent, mon souhait le plus profond c’est que la jeunesse s’en empare. La jeunesse doit investir les institutions existantes.

Ornel, jeune actif : on parle beaucoup des étudiants, mais que fait-on de cette jeunesse silencieuse des cités et milieux ruraux ou écartée des villes (BTS, apprentis) ? Comment leur redonner l’envie de s’engager ?

Rachida Dati : des gens comme Sarah, qui s’est exprimée tout à l’heure, qui portent une vision, doivent avoir un engagement politique ! Je pense qu’il ne faut pas qu’on se loupe avec les départementales et régionales, on doit mettre ces talents en avant. La politique a oublié cette jeunesse, mais cette jeunesse a aussi oublié la politique. J’ai toujours été frappée qu’en banlieue où toutes les problématiques sont concentrées, ça ne vote plus du tout. Mais si l’offre politique ne vous intéresse pas, par pitié, engagez-vous ! Je sais qu’il faut pour cela des soutiens et des moyens, mais j’aimerais que des gens comme vous soient accompagnés par notre parti. L’abstention tue l’engagement politique. Elle favorise le confort de certains et favorise les plus favorisés. Je suis issue de l’ancien monde car c’est lui qui m’a permis de devenir la femme que je suis aujourd’hui alors que le « Nouveau Monde » lui, créé l’abstention. Quand je vais dans certains quartiers, on voit très nettement que l’ascenseur social sera fermé pour cette population. Dénonçons-le. La loi sur les séparatismes ne changera rien car nous n’attaquons pas les causes profondes de celui-ci. Attention, la colère monte, et nous sommes dans un moment crucial. Pour le résoudre, je crois en l’engagement ! Nous comptons sur vous !

Propos recueillis par Paul Gallard pour Droite de demain.

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