(Réflexion) Le populisme peut-il nous sauver ?
(Réflexion) Le populisme peut-il nous sauver ?

(Réflexion) Le populisme peut-il nous sauver ?

S’il a longtemps revêtu un sens négatif, le populisme semble avoir le vent en poupe. Le XXIème siècle sera-t-il celui du retour des peuples ? Les différents éléments qui font basculer le système international ne sont-ils pas les symptômes d’un échec cuisant de la transnationalité ?

Nous l’entendons régulièrement dans les divers médias mainstream : si vous êtes classé à l’extrême droite, vous devenez automatiquement soit facho soit populiste, des anathèmes lancés à la figure de toute personne étant attachée à son histoire, à sa nation ou tout simplement à son peuple. Et pourtant il paraît assez clair que notre République s’est fondée sur une notion profonde du peuple. Allons plus loin, notre Cinquième République, que nous louons tant, est elle-même empreinte de cette pratique populiste, sous l’inspiration presque napoléonienne du Général de Gaulle.

La V -ème République marquée par le populisme.

Dès 1958, le Général revient au pouvoir dans le contexte que nous connaissons, il met fin à la IVème République gangrénée à la fois par son ultra-parlementarisme, par son incapacité à résoudre les crises auxquelles elle a affaire et par un durcissement de sa politique de répression. Les dissidences augmentent, le plus illustre des français – dans les mots du raïs René Coty – se fait attendre et cède finalement. Il devient Président du Conseil des ministres – pour peu de temps. Lui qui fit appel aux français en 1940 afin de lutter contre l’envahisseur fit de même pour l’adoption d’une nouvelle Constitution ; il impose la mise en place d’un référendum pour valider ce nouveau texte préparé par Michel Debré. Un texte très équilibré qui permettra l’alternance au pouvoir et surtout une continuité dans les institutions. Dans les mots de son créateur le Général : « Notre Constitution est à la fois parlementaire et présidentielle ». Mais si la pratique gaullienne n’est plus, le texte original, lui, est toujours vivant.

Le Président Charles de Gaulle, d’inspiration bonapartiste, souhaite redonner au peuple le pouvoir que lui confère la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cet homme d’Etat l’a compris, ses successeurs n’auront pas le prestige du libérateur – enfin espérons-le. Ainsi, dans le texte original, du 4 octobre 1958, les fondateurs érigent la souveraineté nationale dès l’article 3 : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Il est important de préciser qu’au-delà de Charles de Gaulle, près de 9 référendums ont été organisés en France. La Cinquième République prévoit deux types de référendum avec des objectifs différents. En vertu de l’article 11, le Président de la République peut soumettre une loi au référendum et contourner ainsi la voie parlementaire. Pour changer de République, il faut aussi passer par la voie référendaire avec l’article 89 : « la révision est définitive après avoir été approuvée par référendum ». Cet appel au peuple voulu par notre système semi-présidentiel nous oblige à porter une réflexion sur la souveraineté populaire, d’autant plus que depuis le référendum perdu de 2005, plus aucun référendum n’a été mis en place. En 1962, le Général ira plus loin et fera passer au référendum la révision de la Constitution consacrant le Président de la République avec son élection au suffrage universel direct ; le peuple élit directement son chef d’Etat.

Débats sémantiques autour du terme populiste.

Tout d’abord, afin de mener une réflexion sur la doctrine politique du populisme, il faut s’interroger sur la notion de peuple elle-même. Ce sont dans les principes démocratiques – nous venant directement de la démocratie athénienne – que la notion de peuple est née. Aristote s’oppose dans sa vision de celle-ci avec Platon. Pour le plus ancien – Platon – le meilleur régime est celui des philosophes rois, les sachants devant gouverner, les soldats défendant la Cité et les paysans nourrissant les deux autres. Aristote, au contraire – et nous héritons de cette vision – considère que la souveraineté doit revenir au plus grand nombre, aux citoyens, car chaque individu dispose d’une rationalité individuelle. Le peuple correspond donc, d’après cette conception, à l’ensemble des citoyens impliqués dans la vie politique de la Cité, en somme, de notre pays.

Le populisme correspond à une notion vague. Ella a trop souvent servi de fourre-tout. Pourtant, elle correspond à la sanctification de valeurs démocratiques telles que le vote, la souveraineté nationale ou l’égalité. D’un point de vue de la doctrine politique, la classification de Margaret Canavan semble idéale pour toucher du doigt la multiplicité des populismes. L’auteur distingue deux catégories de populisme : le populisme agraire et le populisme politique. Au sein du populisme politique existent quatre catégories distinctes : le péronisme, le populisme raciste, le système politique suisse et les néoconservateurs. La plupart des auteurs parleront de populisme dans les deux premiers cas, et utiliseront les ressors péjoratifs de lutte contre les élites ou de racisme ; on ne peut que réfuter ce national-populisme, notamment porté par Jean-Marie le Pen en France. Federico Tarragoni rappelle en effet dans son ouvrage Dans l’esprit démocratique du populisme que les néoconservateurs comme Ronald Reagan ont reçu un procès en populisme à leur époque, alors qu’ils n’avaient aucune visée raciste. L’exemple Suisse – qui est une démocratie directe – interroge sur l’aspect positif que peut revêtir le populisme. Dans tous les cas se posent des questions sur le développement démocratique comme le souligne Pierre-André Taguieff : « les questions posées par la démocratie, question de philosophie politique, de théorie politique et d’anthropologie politique, ouvrant un espace de discussion où l’idée de « démocratie directe » est revenue à l’ordre du jour, notamment à propos du recours aux procédures référendaires ou des pratiques de démocratie délibérative ou participative ».

Si le terme porte donc une haute idée de la Démocratie, il sert le plus souvent à classer les mauvaises pratiques ou candidats ne correspondant pas à la norme. Ce que confirme Jean Leca : « quand je suis d’accord avec les opinions « raisonnables » du peuple, celles-ci sont populaires. Quand je ne suis pas d’accord, elles sont populistes ». La preuve en est avec les termes de « droite populaire » ou « gaullisme social ». L’avantage de la notion de populisme, c’est qu’elle traduit mieux l’aspect politique de la démarche : c’est donner réellement le pouvoir au peuple. Emmanuel Macron s’en est servi à dessin afin de créer plus facilement un clivage, paraissant insurmontable, entre la sociale démocratie et le populisme, pratiquement un choc des civilisations. De son côté, Marine le Pen profite de ce clivage pour représenter la seule opposition crédible en reprenant la vision de Hermet théorisant le fait que les néo-populistes ou populistes modernes s’adressent désormais aux classes moyennes, grandes oubliées des dernières politiques et qui représentent surtout le plus gros électorat.

Réfléchir au contexte mondial.

Le contexte mondial est favorable à la position populiste dans le sens noble du terme, mais également dans le sens péjoratif. D’un point de vue péjoratif, l’avènement de pouvoirs racistes en Turquie ou en Chine est la preuve de la montée en puissance des Empires. Cependant, ces Etats ne font pas réellement appel au peuple ou le font de manière camouflée, on se rapproche du populisme racial dans le cas de Recep Erdogan, et d’un populisme péroniste dans le cas de la Chine. D’autres situations ont été qualifiées de populisme, mais elles correspondent plutôt à des visées soit nationalistes soit réalistes, avec un retour des Etats forts et indépendants en opposition avec la globalisation, c’est le cas des Etats-Unis sous Donald Trump ou Viktor Orban en Hongrie.

La crise sanitaire l’a prouvée, les organisations supranationales n’ont pas été à la hauteur pour régir l’ordre international. L’Union Européenne n’a pas su organiser la pandémie et les Etats ont dû agir par eux-mêmes. L’OMS s’est ridiculisée sur la question des soins sur la Covid-19. Nous avons démontré à nos dépens que la désindustrialisation est une erreur majeure. Les pays qui s’en sortent le mieux sont ceux qui protègent leur marché économique.

Plus grave, les citoyens semblent ne plus avoir confiance en leur élite politique, cela se matérialise par des taux d’abstention records. Il faut redonner du poids aux citoyens. Surtout, la France est fortement touchée par une défiance envers ses politiques depuis le non-respect du référendum de 2005, un traumatisme qui a fracturé profondément les citoyens et qui ressort à chaque discussion politique. Ils ont vu leurs politiques imposer une vision européiste qui n’est pas la leur. La souveraineté « du peuple, par le peuple, pour le peuple » est mise à mal depuis cet événement. Le peuple de droite a très mal vécu les changements sociétaux liés aux évolutions bioéthiques : la PMA pour toutes ou le mariage pour tous, qui même s’ils représentent des évolutions, n’ont pas été validés par le peuple. Les changements sociétaux devraient pourtant être validés par voie référendaire. Avec la crise sanitaire, se sont multipliées des mesures d’exception comme l’état d’urgence sanitaire, mesures qui fragilisent à la fois la représentation nationale mais également la souveraineté populaire.

Le candidat qui émergera à droite se doit de refaire appel au peuple, de remettre la souveraineté nationale au centre de l’arène politique afin que les citoyens se sentent de nouveau investis par l’amour de leur pays, que ces citoyens choisissent enfin leur destin ! Ne renions pas notre passé gaulliste, il faut se réapproprier l’essence même du texte qui permet le meilleur régime, celui de la Cinquième République. N’éludons pas l’héritage des conservateurs qui ont donné en leur temps de vrais résultats, dans la lignée d’un Jacques Chirac de 1986.

Refusons les anathèmes et caricatures. N’ayons plus peur de donner la parole au peuple, à chaque citoyen. Bâtissons ensemble notre avenir, dans une droite citoyenne, une droite sociale ; bref, une droite populiste.

Paul

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