Nous contemplons un spectacle désastreux depuis ce premier quinquennat, pour un deuxième plus que préoccupant alimenté par une non campagne et des débats avortés face aux interrogations des Français. 70% des Français ne voulaient pas que se reproduise le même scénario que celui de 2017, pourtant nous l’avons eu. La campagne présidentielle a donné lieu à une débauche de promesses sans aucun débat de qualité entre tous les candidats et le Président sortant.
L’abstention, le vote utile exacerbé par le matraquage des sondages ont permis cette issue mortifère. Dès lors, deux Français sur trois n’ont pas élu le président sortant. Plus de 16 millions de Français se sont abstenus, ont voté blanc ou nul pour le second tour des élections. Un signe très préoccupant pour les enjeux à venir.
Nous sommes face à une problématique démocratique qui peut tourner à une tragédie, car beaucoup de nos dirigeants souhaiteraient une majorité écrasante pour faire passer le rouleau compresseur du « progressisme » sous perfusion du « tout État ». Mais sans alternative bienveillante, solide sur son socle républicain pour défendre tout ce qui a construit notre régime et nos libertés, le pays peut sombrer et ne serait plus maître de son destin.
Sommes-nous si amnésique? Certes les crises successives ont brouillés les pistes, cependant nous avons déjà goûté à la réflexion sur « le jour d’après » qui était finalement une pâle copie du « grand débat National », où l’on est retombé sur un combat à deux faces : D’un côté on nous a expliqué « des superbes réformes » illisibles, trop subtils, trop intelligentes et trop rapides, et de l’autre, le nouveau Monde a condamné l’ultra-libéralisme. Pourtant nous avons un pays massivement contrôlé par l’État où les prélèvements publics sont extrêmement élevés, la dette publique augmente et la fiscalité y est très lourde. Si tant est, qu’en plus d’une crise de citoyenneté, d’une crise sanitaire où il a été question de vie et de mort déshumanisé, en comptabilisant les défunts et en cachant l’humain, nous faisons face à une crise de la démocratie française.Cette indécence politicienne touche le cynisme à son plus haut sommet et finalement il n’y a rien de nouveau à l’horizon.
Emmanuelle Macron n’est pas irréprochable dans la défense de la démocratie. Lorsque ce dernier prend un certains nombres de libertés vis à vis des principes fondamentaux de la liberté, il ne faut pas s’étonner d’une opposition qui se radicalise. La France s’est véritablement fracturée, par une dépolitisation et une radicalisation.
Une dépolitisation qui s’est considérablement amplifiée, parce que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent comme le disait déjà Henri Queuille sous la IVe République. Une radicalisation de plus en plus violente dans les idéologies et les actes, même les pires. Le suicide de nos agriculteurs est malheureusement une forme de radicalité. Face aux aléas économiques mais aussi climatiques, l’endettement, les contraintes administratives, comment survivre ? Nous avons cessé d’avoir un projet politique. Comme le souligne David Lisnard, président de l’AMF, dans le grand entretien pour Clauseur : « Nous devons incarner une société de l’élévation de l’individu, de la nation, de la culture, de l’industrie, porter un projet de refondation de la France ».
Les épisodes Borloo, Benalla, Hulot, les gilets jaunes et celle d’aujourd’hui, nous ont démontré que nous avons touché le paroxysme de quarante ans de déni de réalité française sur le plan économique, financier et de la vie politique. Pour la macronie, tout cela s’est reposé sur la référence grecque de l’hubris. Mise à part que ce dernier se présente à ses deux extrêmes, dans l’excès d’espérance et « en même temps » dans l’excès de déception.
L’inversion du calendrier, la coexistence des mandats législatifs et parlementaires a abouti à un système sans aucun contre-pouvoir où l’exécutif se retrouve seul face à une population sans repère. Tout le travail de la démocratie représentative qui vise à oxygéner le débat, à confronter les opinions, sert à éviter à ce que des décisions soient prises seules.
Nos institutions ont cessé de permettre d’être les témoins du débat politique parce que le Parlement a cessé de délibérer. Aujourd’hui avons-nous eu un débat sur l’après PGE ?
Pire encore, nous observons le côté obscur de l’être humain prêt à renier ses propres convictions par le jeu des tractations, les retournements de veste sous l’égide de vouloir « sauver la France », d’avoir « compris la souffrance des Français ». Certains ont choisi de vendre leur âme, de bien vieillir pour soi et non pour la France.
Ceux qui se sont tant opposés par des propositions concrètes pendant cinq ans rejoignent le logiciel de l’adversaire. Aimons-nous encore la France, sa richesse, son histoire et sa culture pour pouvoir envisager de la laisser être malmenée par une représentation de disciples sans vertus, de parachutistes en zone rouge, d’antirépublicains, de mangeurs de chapeau et autres illusionnistes. Comment d’anciens hauts responsables politiques d’horizons différents peuvent-ils avoir perdu leur panache qui les caractérisait tant ? Une forme de volonté générale de certaines élites nourrit une toute autre volonté générale, celle de tout un peuple. La volonté générale n’est qu’une illusion si on la confond avec les principes qui sont censés fonder l’organisation politique démocratique. Il n’est pas déplacé de dire que l’Histoire de l’humanité est le fruit d’une volonté générale, mais on ne sait comment cette volonté se traduira. Hegel dit que l’histoire réalise l’Esprit, c’est à dire cette forme rationnelle qui conduit les peuples, l’humanité à tendre vers un but.
Et le sort du pays ne peut s’orienter vers un espace politique basé sur trois extrêmes car tous les trois se nourrissent de relations ambiguës. Tout comme le Rassemblement National, la Nouvelle Union Populaire Écologiste et Sociale (NUPSE) sert de faire-valoir, d’occupation médiatique qui permet d’effacer un bilan du quinquennat du Nouveau Monde très inquiétant en terme de dette, de sécurité, de santé, d’environnement, de société, d’éducation et de la vie politique.
Ces partis épouvantails tirés aux extrêmes, sont mis à mal sur le champ de l’économie, de la réindustrialisation, de l’immigration, du régalien, de la laïcité et sont en totale contradiction avec les valeurs républicaines. Tous trois ne contribuent pas à apaiser les cœurs empoisonnés car ils alimentent le désarroi et la colère des Français.
Sommes-nous prêt à revivre cinq années de déconnexion avec ce mélange des genres entre les anciens et les nouveaux macronistes pour un centrisme et un centralisme aiguë ?
Un Palais Bourbon rempli de femmes et d’hommes dont l’attitude fait abstraction de tous principes moraux, dont le comportement consiste à régler sa conduite selon les circonstances du moment, que l’on cherche à utiliser toujours au mieux de ses propres intérêts. Comment pouvons-nous avoir confiance en une représentation nationale qui serait conduite par une vague d’opportunistes dans la majorité comme dans la nouvelle union de la gauche ? Pour quelle efficacité, quel but, quel intérêt ? Pas celui de la nation.
Ce mandat sous le signe de la nouveauté bercé entre une union de la gauche populaire qui déconstruit toutes les valeurs de la République sur son passage par le wokisme, puis avec un discours très ambiguë sur l’islamisme et une droite extrême trop longtemps sevré à la colère du peuple depuis des décennies, ne nous donne aucune vision. Deux extrêmes ayant les mêmes perspectives étatistes et un rapport avec l’Europe très complexe.
Puis au milieu de ces deux épouvantables, un parti unique qui, pendant cinq ans a participé à l’effondrement de nos institutions, empoisonné le cœur des valeurs républicaines comme la transmission du savoir et de la culture. Nous avons oublié le goût de l’effort, car nous ne l’inculquons plus à nos enfants dès leur premier pas scolaire. Les résultats du CAPES externe sont catastrophiques. Non seulement la crise des vocations et des recrutements se confirme mais elle s’aggrave. C’est malheureusement notre jeunesse qui en pâtira. La France est le seul pays au monde à avoir réussi à transformer des métiers à vocation en métiers à répulsion.
Un État omniprésent, seul.
Ne plus laisser les Français à pouvoir faire des choix autres que celui d’un État qui s’occupe de tout, jusqu’à regarder dans vos foyers pour certains illuminés et laisser s’intoxiquer une démocratie déjà malade, nous dirige vers les pires chemins.
Ce trio infernal serait donc déjà annoncé ? L’Assemblé Nationale deviendrait un huis clos Sartrien où l’enfer serait tour à tour l’autre.Un espace politique orienté vers trois extrêmes: extrême droite, extrême gauche et extrême centre. Le « juste milieu » au sens d’un arrangement entre deux excès, les Français veulent-ils vraiment de cela ?
La division, la confusion, l’illusion, la communication et l’étatisation. Tout, absolument tout a été fait pour détruire non seulement les partis politiques traditionnels qui n’ont pas réussi à se moderniser en perdant leurs fondamentaux et pour construire le rejet en offrant ainsi le barrage comme un vote d’adhésion. Nous sommes à la croisée des chemins et les échéances qui arrivent sont de la plus haute importance. Tout est encore trouble dans cette France défaite mais il reste un dernier combat. Il existe une réelle perspective sans précédent aux législatives qui pourrait accoucher sur tout autre chose qu’un conglomérat majoritaire d’épigones d’horizons confus, pour ouvrir sur un rééquilibrage de l’organisation de l’État autour d’un Parlement qui ne serait plus une vulgaire chambre d’enregistrement. Nous pouvons avoir, non pas un Premier ministre de troisième tour mais un Premier ministre avec un gouvernement en capacité de diriger le pays dans l’intérêt général des Français et de défendre d’autres idées face au locataire de l’Élysée. Ne penser qu’aucune alternative que celui de s’orienter vers trois pôles politiques touche au cynisme. N’avoir que d’autres choix entre le chaos et l’immobilisme n’est pas encore établi, car il ne tient qu’ à nous de nous relever, de nous révéler, de donner un sens à ce que nous sommes et ce que nous voulons pour l’avenir de nos enfants. Soyons ce que nous avons toujours été, ce dont nous nous sommes éloignés par fatalisme ou facilité, ce dont nous nous sommes rapprochés en regardant nos bambins grandirent, ce dont nous nous sommes rappelés lorsque les souffrances des autres nous ont arraché le cœur au plus profond de notre âme. Soyons ce que nous avons toujours été, soyons Français !
Soyons ces esprits libres d’aujourd’hui même trop peu écoutés comme Alain Houpert, Maxime Tandonnet, François-Xavier Bellamy, André Comte-Sponville, David Lisnard et tant d’autres qui ont marqué notre histoire. Libres de nous donner une chance en votant pour un équilibre durable et sain. Il n’est pas trop tard. Notre volonté, notre courage c’est ce qui détermine la vie des peuples, le devenir des nations, le destin de l’humanité.
André Missonnier