(Rencontre) Paul-François Paoli, « La droite doit refonder l’Etat-nation sur le sentiment d’affiliation culturelle »
(Rencontre) Paul-François Paoli, « La droite doit refonder l’Etat-nation sur le sentiment d’affiliation culturelle »

(Rencontre) Paul-François Paoli, « La droite doit refonder l’Etat-nation sur le sentiment d’affiliation culturelle »

Paul-François Paoli est un écrivain et journaliste. Il a publié de nombreux ouvrages comme Quand la gauche agonise (2016) ou encore L'imposture du vivre-ensemble de A à Z(2018). 

Comment peut-on définir une identité ?

L’identité d’un pays ne peut être définie avec une objectivité absolue dès lors que je suis partie prenante et que mes représentations s’en mêlent. Pour autant il existe bien des traits objectifs qui singularisent un pays. A commencer par la langue mais aussi les mœurs et les manières de vivre. Enfin et surtout la familiarité, j’insiste sur cette notion, que nous avons avec une géographie. J’insiste sur la géographie car on a trop tendance à historiciser l’identité. Si je suis corse ou provencal j’ai un lien sensible avec une région particulière et mon lien sensible avec la France est constitué de toutes ces familiarités. L’identité de la France, pour parler comme Fernand Braudel, ne peut donc être réduite à un signe unique. La République ni la culture catholique ne définissent à elles seules la France car de fait beaucoup de Français ne s’y retrouveraient pas.  Il n’empêche que nous pouvons nous accorder au moins sur ce que la France n’a jamais été. La France n’a jamais été bouddhiste ou musulmane dans le passé et si elle le devient demain on peut affirmer que ce mot de France ne signifiera plus grand-chose car cela voudra dire que l’identité culturelle de ce pays aura été bouleversée et finalement détruite. Car de fait l’apport catholique est non contestable depuis le baptème de Clovis. De même l’apport laique propre à l’Etat capétien. Nous sommes donc un pays dont l’identité est tout à la fois plurielle et fragile. Raison de plus pour être vigilant face à ceux qui veulent faire de la France une « nation mondialisée » ce qu’elle ne peut devenir qu’en cessant d’être une nation.

Notre think tank est attaché au fait que l’identité passe par la transmission de valeurs, vous êtes très critiques envers cette notion, pourquoi la notion de valeur ne serait-elle pas compatible avec la notion de principe ?

Je suis critique à l’égard de cette notion de valeur car elle est par définition chargée de subjectivité. Toute valeur est par définition relative à une autre valeur. Qui dit « mes valeurs » ou « nos valeurs » suppose que plusieurs représentations sont en concurrence ou en compétition à travers plusieurs conceptions du Bien, pour parler comme le philosophe John Rawls, pluralité qui est d’ailleurs au fondement de la Démocratie. La Démocratie est ce régime où il n’existe pas théoriquement de Vérité d’Etat. C’est pourquoi le discours sur les valeurs ne peut faire autorité dans l’absolu.  Tandis que principe fait autorité. Un principe m’oblige il n’est pas négociable ni relativisable. De Gaulle par exemple évoquait peu  les « Valeurs de République » contrairement à Chirac. La France, l’Etat, la nation ou la République étaient des principes non négociables ce n’était pas des valeurs ou pas seulement. La Démocratie libérale post gaullienne préfère ne pas s’en souvenir.

Identité régionale et identité nationale sont-elles incompatibles ? (Ce fut le travail effectué par les républicains modérés).

Elles sont tout à fait compatibles. L’identité nationale est un composé des différentes régions qui composent la France.

Pourquoi le terme identité est connoté à l’extrême droite désormais, alors que la nation est un principe fortement intégrateur ?

Cette connotation est due en particulier au terrorisme inculte des médias. En 1970 le programme du Parti socialiste stigmatisait l’impérialisme culturel américain qui fragilisait l’identité culturelle française. Personne à l’époque n’a stigmatisé ce terme. L’identité est un mot contenant qui en soi ne signifie pas grand-chose. Tout dépend du contenu.

Assiste-t-on à un échec de la vision mondialiste mais surtout d’un citoyen monde ? (Ou gouvernement mondial cher à Jacques Attali)

On assiste peut être avec la tragédie du Covid à une liquéfaction de cette vision idyllique et irénique du monde. Les pays qui ont fermé le plus vite leurs frontières paraissent avoir été plus épargnés que d’autres.

La gauche défend le multiculturalisme, combat l’identité nationale, mais surtout revendique de nombreuses nouvelles identités (genre, sexuelles, origines …).

La gauche récuse comme mythique l’identité civilisationnelle de l’Europe pour mieux promouvoir ses propres référents identitaires fondés sur le  genre ou la promotion des minorités qui  ne sont rien moins que des identités de substitution. La gauche est en France devenue largement anti jacobine. Elle n’agite le fanion de la République que lorsqu’il s’agit de combattre une « extrème droite » largement mythique. Elle est surtout complètement incohérente. Si je considère que les « Noirs » forment une communauté spontanée au nom de quoi contester l’idée de communauté blanche chère à Renaud Camus ?

Comment peut-on expliquer ce besoin d’identifier chaque phénomène par une nouvelle identité ? Mais également pourquoi refuse-t-elle paradoxalement l’identité nationale plus proche de l’égalitarisme ? Plusieurs cultures peuvent-elles réellement cohabiter ?

Oui à condition qu’elles ne mettent en cause l’unité d’un pays. Les cultures occitanes, bretonnes ou corses ne sont pas antithétiques avec la culture française. Il faut donc distinguer à mon sens entre culture et civilisation. Nous sommes des Occidentaux ce que ne sont pas les hindouistes, les animistes africains ou les islamistes, même quand ils ont la nationalité française.

Quelle identité pour la droite de demain ?

La droite doit rompre avec le libéralisme culturel et avec le post gaullisme chiraquien. Elle doit penser la région avec la nation et la nation avec l’Europe et pour cela refonder l’Etat nation sur le sentiment d’affiliation culturelle et de familiarité qui sont au fondement de l’identité.  

Propos recueillis par Paul Gallard pour Droite de Demain

Paul-François Paoli a écrit Aux sources du malaise identitaire français, valeurs, identité, instinct de collaboration publié chez Artilleurs.

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