Valérie Boyer est députée Les Républicains des Bouches-du-Rhône. Ancrée dans son territoire, elle est également très engagée dans la défense de notre culture à travers une volonté de transmission de l'héritage civilisationnel.
A.S : Pouvez-vous nous présenter votre parcours politique ?
V.B : Je m’appelle Valérie Boyer, j’ai été élue députée pour la première fois en 2007 à Marseille, c’est donc mon troisième mandat. Je suis engagée sur les questions de santé puisque je m’occupais de ces questions pour mon parti politique. Lors du dernier mandat en 2017, j’ai élargi mon champ d’activité et maintenant je siège à la Commission des affaires étrangères où les actions que j’avais conduite auparavant sur les droits humains trouvent un prolongement dans l’action que je mène au sein de cette dernière.
Je suis également Vice-présidente de la Commission du Droit des femmes, présidente d’un groupe sur les violences intra-familiales et je m’occupe aussi des questions liées aux chrétiens d’Orient puisque je suis également Vice-présidente d’un groupe d’étude parlementaire sur les chrétiens d’Orient. Je mène également d’autres actions car je fais parti des groupes d’amitié France-Israël, France-Arménie, et je préside le groupe d’amitié France-Jordanie
A.S : À ce titre, quel regard avez-vous sur la loi du non-cumul des mandats ? Faut-il garder un lien entre le mandat local et national ?
V.B : Je trouve que c’est une erreur purement démagogique de la part de la gauche et d’Emmanuel Macron d’avoir coupé le lien entre l’Assemblée Nationale et les territoires. D’ailleurs ils l’ont payé cher avec la crise des gilets jaunes. Aujourd’hui, tout le monde est convaincu que si les députés, même En Marche, avaient été ancrés dans leurs territoires, cette crise n’aurait pas eu lieu, ou du moins n’aurait pas pris cette ampleur. Je rappelle que 50% des parlementaires qui siègent à l’Assemblée Nationale dans le groupe En Marche sont issus directement du parti socialiste soit par un encartement dans ce dernier, soit par un mandat. Parmi les autres, il y a des opportunistes et quelques prises de « gueguerre » de notre famille politique.
A.S : Sur les élections européennes, d’après vous quels sont les enjeux civilisationnels pour la France au travers de ces dernières ?
V.B : Il faut que les français aient conscience qu’aujourd’hui, la France c’est plus qu’un pays, qu’une nation, c’est une civilisation. Cette dernière s’inscrit dans un trésor qui est unique au monde et dans l’histoire de l’humanité par la construction européenne. Aujourd’hui, il nous faut une France forte dans un Europe forte mais que chacun respecte sa souveraineté. Pour cela, il faut qu’on sache d’où l’on vient, le meilleur symbole étant le drapeau européen. Il est bleu et jaune, bleu comme le manteau de la vierge Marie et porte les 12 étoiles, non pas car la construction s’est faite à 12 pays car c’était à 6, mais parce que sur la couronne de la vierge Marie il y avait 12 étoiles et la personne qui a dessiné ce drapeau, l’a conçu car il a compris que si l’Europe se faisait, c’est par ce qu’elle était enracinée dans un continent où la culture et les racines chrétiennes sont primordiales et essentielles. Tout comme les racines de la démocratie qui est naît à Athènes en Grèce, qui ont permis par la suite aux Lumières de pouvoir s’exprimer et advenir.
Donc si on a pas conscience de nos fondamentaux, de nos piliers civilisationnels, et bien ce sera très compliqué d’imposer l’Union Européenne dans le monde. Or, nous avons à faire à des gros enjeux, ceux des États-Unis, de la Chine et surtout, nous sommes face à une lutte mondiale contre le terrorisme islamiste.
Si l’on ne sait pas quels sont nos racines, que l’Europe cesse d’être le continent des droits humains, celui où les femmes sont libres, nous ne pourrons plus défendre nos valeurs.
S.J : Vous avez parlé de la Chine et des États-Unis, comment l’Europe peut-elle se positionner entre ces deux forces continentales, en plus de la Russie ?
V.B : La première chose, c’est d’avoir des relations où la réciprocité est au cœur de ces dernières. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Savez-vous que les marchés publics français sont ouverts à 100%. Or, ils ne le sont qu’à 30% aux États-Unis et 0% en Chine, donc sans réciprocité cela ne peut pas fonctionner. Démographiquement, l’Europe pèse très peu à l’échelle du monde. En revanche, sur le plan du développement économique, des inventions, des brevets, des droits humains, de l’aide au développement, l’Europe est moteur mondial. Donc si on a pas conscience du trésor que constitue la France dans l’Europe, c’est compliqué de le défendre.
Mais pour cela, il faut abandonner notre naïveté et avoir conscience de ce que nous pesons, de ce que nous sommes, d’où nous venons et avoir des relations équilibrées. Avec la Chine par exemple, les relations ne sont pas équilibrées sur le plan commercial et technologique. C’est bien évidemment le même cas avec les États-Unis et avec les traités que l’on signe.
Je souhaiterai évoquer avec vous un point qui m’a beaucoup choqué. Par delà la sinistre affaire Vincent Lambert, où une famille déchirée se dispute le sort d’une personne extrêmement handicapée, je note que ce qui a permis à Vincent Lambert d’être accueilli dans une unité pour les pauci-relationnels, soit un endroit où sa situation de grand handicape pourra être pris en charge pour son alimentation et son hydratation, c’est parce qu’un tribunal français s’est appuyé sur un Traité de l’ONU sur les handicapés. La France étant partie à ce Traité, on nous a toujours dit que ce dernier était non-contraignant, or je note que les traités ou pactes dans lesquels la France s’engagent sont extrêmement contraignant, la preuve en est avec le dénouement de l’affaire.
Pendant plusieurs semaines, le Gouvernement nous a fait croire que la ratification en catimini du Pacte de Marrakech n’était pas contraignant, et bien cela me fait douter sur cette ratification soit-disant non-contraignante. En effet, si nous signons des traités, c’est pour qu’ils soient respectés et s’ils existent c’est pour que des juridictions y fassent un jour référence.
Moi je ne souhaite pas qu’on abandonne des pans de notre souveraineté à ce genre de traité qui sont négociés et votés sans que les français y participent ou que cela soit effectué sans transparence auprès des français.
S.J : Très bien, la deuxième thématique portera sur le droit des femmes en France, de ce fait, pensez-vous que la société française est-elle suffisamment armée et avancée ?
V.B : Vous savez, je m’honore d’appartenir à la famille politique dans laquelle Simone Veil militait. Je rappelle qu’elle était présidente du comité de soutien de Nicolas Sarkozy, qu’elle a défilée comme moi lors de la « Manif pour Tous » pour dire non à la Gestation pour Autrui (GPA). Dans ma famille politique, il y a toujours eu de grandes avancées pour le droit des femmes, la loi Copé-Zimmermann permet d’avoir des avancées majeures pour les femmes dans les entreprises et le monde du travail. La loi de 2010 de Guy Geoffroy pour les violences qui sont faites aux femmes également. Moi-même, j’ai beaucoup travaillé sur cette question et ait déposé de nombreuse propositions. J’ai déposé des propositions pour protéger les enfants lorsqu’il y a des conjoints violents, des propositions pour que les femmes qui sont en danger de mort permanent parce qu’elles sont battues puissent être mieux protégées. Je me suis bien évidement opposée à la GPA car je suis opposée à la location du corps des femmes et au fait qu’on s’arroge le droit de commander, fabriquer et de vendre un être humain vulnérable, puisqu’il s’agit dans un premier temps d’un foetus puis d’un bébé.
Tout cela fait parti de mon ADN, de la même façon que j’interviendrai dans le débat pour la Procréation Médical Assistée (PMA). Non pas que je m’y oppose, bien au contraire, je suis pour la PMA, d’autant plus que c’est moi qui ai permis aux femmes françaises de pouvoir congeler leur patrimoine génétique par la congélation des ovocytes comme le faisait les hommes jusqu’à présent pour leur patrimoine.
C’est quelque chose que j’ai imposé en 2010 lors des lois de bio-éthique. Donc je suis extrêmement favorable à toutes ces techniques qui permettent à des personnes infertiles de pouvoir avoir des enfants en bénéficiant de la solidarité nationale.
En revanche, je m’opposerai au fait, qu’au nom du désir d’enfant, on permette à des personnes qui ne sont pas malades, en l’occurence deux femmes qui veulent avoir un enfant ne le sont pas et je ne vois pas pourquoi la solidarité nationale participerai à leurs soins pour qu’elles puissent avoir un enfant. De la même façon, je n’arrive pas à voir comment on arriverait à faire le tri entre les couples infertiles et ces personnes qui désirent avoir un enfant, même si je trouve cela tout à fait légitime. Mais qui allons nous mettre dans la file d’attente ?
-Aux personnes infertiles, on va leur demander de prouver leur infertilité et à ces personnes qui ne le sont pas on va leur permettre d’être directement mises dans la file d’attente. Premier problème.
-Deuxième problème : comment allons-nous faire pour les gamètes ? Savez-vous qu’aujourd’hui nous sommes en pénurie de gamètes et qu’on a très peu d’hommes qui donnent du sperme et encore moins de femmes qui sont en capacité de donner leurs ovocytes ? Donc demain, comment choisir entre une personne infertile et une personne qui n’est pas malade ? Et pourquoi la solidarité nationale paierai un traitement pour des personnes non-malade ?
Donc nous sommes là au cœur de principes fondamentaux, à la fois des principes qui heurtent la solidarité nationale et à la fois des principes qui vont nous conduire à vendre ou acheter des produits humains. Pour ma part, je m’oppose à la marchandisation du corps humain.
Pour revenir aux droits des femmes, il y a eu d’énorme avancées et je me réjouis d’être française et européenne, car c’est bien en France que les femmes comme les hommes sont le mieux protégés. Aussi bien pour leur protection sociale que pour leur protection physique ou leurs droits humains.
En revanche, l’instrumentalisation qu’en fait le Gouvernement au travers de la Ministre chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes Madame Schiappa est particulièrement calamiteuse. Un seul exemple, Madame Schiappa réagi avec beaucoup de violences et véhémence à une blague grasse d’un animateur TV, en l’occurence Tex, et qui est dans un silence assourdissant quand un rappeur comme Nick Conrad récidive après avoir dit « pendez les blancs, pendez les bébés blancs » et condamné à une peine dérisoire de 5000€ et qui maintenant a mimé l’étranglement d’une femme parce que blanche et qu’il a des propos absolument incroyable sur le viol dans l’indifférence médiatique, alors que Tex a été renvoyé de France Télévision et a complètement disparu des plateaux télévisés.
Je ne comprends pas cette indignation à deux vitesses et cette complaisance qu’entretien Madame Schiappa et ses amis avec tous ces mouvements extrêmement racistes que sont les indigènes de la République par exemple, et qui divisent la société en fonction de notre couleur de peau et de nos origines. Or, je voudrai rappeler que la France n’est pas un pays multiculturel mais qu’il a toujours été un pays multiracial, et ça c’est quand même quelque chose de fondamental dans notre culture. Nous ne sommes pas un pays communautariste, nous pensons que les valeurs de la République s’appliquent à tous, nous croyons à l’universalité de nos valeurs. C’est d’ailleurs pour cela que la France est plus qu’un pays, c’est une civilisation.
S.J : Quelles sont les nouveautés en matière de droit des femmes au sein de la droite ?
V.B : Il a été voté il y a quelques jours au Sénat, un texte qui permet que les personnes qui portent un voile ne puissent pas accompagner les enfants en sortie scolaire. Je rappelle que la République est laïque et que l’école l’est aussi. Soit quand en sortie scolaire, pendant les horaires de l’école, avec des enfants qui la fréquente avec leurs instituteurs, des personnes affichent leur appartenance religieuse c’est une atteinte à la laïcité. Mais au-delà de ça, ce qui m’indigne c’est que le voilement des femmes comme le voilement des petites filles, c’est une atteinte à la liberté des femmes car c’est les enfermées dans leur sexe, dans leur genre, c’est leur dire qu’elles sont en dehors de la société et qu’une partie du monde leur est interdit. C’est peut être une liberté dans le privé mais c’est pas une liberté qui peut s’exprimer de cette façon parce que c’est contraire à nos principes d’égalité et c’est au contraire quand il s’agit de service public, à notre principe de neutralité.
A.S : Merci pour vos réponses, nous allons donc passer au troisième et dernier thème de la journée, sur les chrétiens d’Orient. Depuis le génocide arménien de 1915, qui a fait près d’1,5 millions de mort parmi les populations arméniennes, assyriennes et grecques pontiques, donc des chrétiens d’Orient, quel constat faites vous sur le niveau de vie actuel de ces populations ?
V.B : C’est absolument dramatique. Effectivement, je fais parti des personnes qui ont fondé le groupe d’étude sur les chrétiens d’Orient, puisqu’en 2014 nous avons tous assisté impuissant à l’émergence de l’organisation « État islamique » qui a mis à feu et à sang cette partie du monde, et qui a répandu sa morbide idéologie terroriste, y compris chez nous où on a plus de 250 personnes qui sont mortes parce qu’elles étaient françaises.
Ce que je souhaite faire dans ce groupe, c’est déjà d’être cohérente dans mes engagements. Effectivement en 2011 et 2012, j’ai porté et j’ai été l’auteure du texte sur la pénalisation du négationnisme du génocide arménien. Pour rappelle, en 1915, le Gouvernement « Jeunes-Turcs » a massacré les arméniens parce qu’ils étaient chrétiens, l’objectif étant de faire un nettoyage ethnique dans cette partie de la Turquie dont un tiers de la population était arménienne. Ce nettoyage ethnique a abouti au génocide d’1,5 millions de personnes arméniennes.
Mais en même temps, sur un territoire frontalier, se jouait le même génocide qui s’appelle « passer par l’épée » et qui a concerné les grecs pontiques, les assyriens, les assyro-chaldéens, les nestoriens…etc soit le même nettoyage ethnique qui est fait par les mêmes sur ce territoire mais qui est fait dans l’indifférence, et là c’est 75% de la population qui a été massacrée.
Donc on a deux génocides qui se sont déroulés en même temps, un sur la partie actuelle de la Turquie, et un autre en Irak et en Syrie.
Quand j’ai vu les images du Mont Sinjar, quand j’ai entendu parler de Deir ez-Zor et que j’ai lu les témoignages de ce qu’il s’est passé en 2014 lorsque l’organisation « État islamique » a jeté son voile noir sur cette partie du monde, j’ai eu l’impression de relire les témoignages des mêmes atrocités qui ont été perpétrées à partir de 1915 dans l’actuelle Turquie. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé à l’Assemblée Nationale, outre plusieurs textes sur la pénalisation de la négation du génocide arménien, une demande de reconnaissance par la France du génocide des grecs pontiques, des assyro-chaldéens, des assyriens. Le but étant que le 24 avril, nous commémorions à la fois le génocide arménien mais aussi le génocide de leurs malheureux voisins qui ont subi le même sort de nettoyage ethnique qui a été fait sur la base de leur chrétienté et de leur appartenance ethnique. Cette éradication ethnique est absolument terrible et elle a été très récemment subite par les yézidis sous l’organisation « État islamique ».
A.S : Que pensez vous de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne ?
V.B : Je suis opposée à la Turquie dans l’Union Européenne, pas seulement parce que la Turquie n’est pas l’Europe du fait qu’elle se trouve en Asie mineure, mais également parce que la Turquie ne répond pas aux critères d’entrée dans l’Union Européenne. Parmi ces critères, il y a le refus de reconnaître l’existence du Génocide arménien. C’est malheureusement sur la base de ce mensonge et de ce refus que la société turque est fondée et enfermée. Donc il n’est pas possible de faire entrer ce genre de pays dans l’Union Européenne, et il y a bien entendu beaucoup d’autres raisons.
Je voudrais quand même rappeler à tous ceux, et notamment au Rassemblement National qui nous accuse de complaisance avec la Turquie, que l’UMP a été fondée sur le refus de l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. C’est également pour cette raison que Nicolas Sarkozy a remporté les suffrage des adhérents de l’UMP transformé en Républicains plus tard. Alors s’il y a bien une famille politique pour laquelle il n’y a pas de sujet avec l’entrée de la Turquie au sein de l’Union Européenne c’est bien la nôtre.
A.S : Pour finir, qu’est-ce que pour vous, la droite de demain ?
V.B : Je pense que la droite de demain ce que nos idées sont majoritaires dans l’opinion française, mais il nous faut retrouver ce lien, ce lien charnel qui nous avait uni aux français. Par exemple, lors de la création de l’UMP. La droite de demain, c’est la droit unie, c’est-à-dire celle qui va du centre jusqu’à la droite. C’est aussi la droite qui affirme ses valeurs et qui sait d’où elle vient. Mais je pense que nous y sommes déjà dans la droite de demain aujourd’hui, que nos valeurs, que l’affirmation de ce que nous sommes est quelque chose qui a été retrouvée, notamment dans la campagne qu’à conduite François-Xavier Bellamy avec Laurent Wauquiez pour les élections européennes. Je pense que les fondamentaux sont là et je suis optimiste.
Propos recueillis par Alexandre Saradjian et Samuel Joly pour Droite de Demain.